Lu sur
Indymédia Nantes :
"Un témoignage paru sur
indymedia estrecho. Il s'agit d'un récit de la nuit du 28 au 29 septembre sur la frontiere marocco-espagnole. Il relate les conditions de vie des réfugiés. En lien, un texte sur la Situation des
migrants au Maroc.
Il est 3h et demi du matin ce 29 septembre, quelques heures avant que ne commence le sommet hispano-marocain. Le téléphone sonne. Des camarades de Côte d'Ivoire, du Congo et du Cameroun qui attendent une opportunité pour traverser la frontière de Ceuta nous appellent pour nous demander de l'aide. Il y a à peine 50 minutes à peu près, 200 immigrants ont essayé de passer la frontière avec des échelles. Beaucoup y sont déjà parvenu. Entre bruits et nerfs ils nous assurent qu'il y a une quarantaine de blessés graves et deux personnes mortes à la frontière. La communication coupe.
Nous commençons à appeler tout le monde de Ceuta. Toutes les personnes qui peuvent faire que les blessés soient soignés et qui peuvent témoigner de ce qui se passe.
Nous appelons, nous appelons ; les petits réseaux qui sont préoccupés par les droits de l'homme se mettent en action. Nous contactons à 4 heures et demie quelques journalistes liés à divers medias de communication, qui nous ont donné leur téléphone personnel et ils nous assurent qu'il vont commencer à bouger dès le lendemain sur la question. On descend dans la rue pour recharger le portable ; 30 euros de nos poches de précaires.
C'est la première fois qu'est utilisée cette stratégie de passage massif de la frontière à Ceuta. Peut-etre les derniers succès de Melilla ont rendu valide cette tactique. On remonte à la maison. Les immigrant-e-s nous appelent sans arrêt, en nous demandant de tout faire pour que quelqu'un vienne s'occuper d'eux et les protéger. Ils sont entourés pas la guardia civil, ils ont peur. Le numero d'urgence de la croix rouge de Ceuta ne répond pas. Ils nous rappelent en demandant ce qu'ils peuvent faire. Il semble que la Guardia civil veuille emmener les blessés à l'hopital. Ils nous demandent que faire. Ils ont peur d'être déportés de manière illégale et clandestinement, comme c'est souvent le cas. Ces trois derniers mois il y a eu 300 expulsions illégales à la frontière de Ceuta.
Nous leur disons qu'ils doivent aller au commissariat et exiger le respect du droit à l'asile. La majorité vient de pays avec des conflits armés reconnus . L'unique moyen de stopper l'expulsion immédiate c'est de demander l'asile. Nous continuons à bouger nos contacts pour que les journalistes soient au courant de ce qui se passe.
Le téléphone n'arrête pas de sonner, on n'arrête pas de réunir des infos, d'expliquer ce qui se passe, d'impliquer par tous les moyens divers agents des plus variés. Nous continuons en appelant une série de contacts très variés, personnes impliquées dans des associations et organismes internationaux et locaux pour qu'ils sachent ce qui se passe. Il semble que cela se mette en mouvement, que nos appels de nuit commencent à réveiller du monde. Il est 5h et demie. Enfin nous recevons des nouvelles de la croix rouge pour se rendre au lieu où ça se passe et que quelques journalistes sont là-bas. Ils nous appelent pour confirmer que la croix-rouge est là-bas avec les immigrants. Il est 5h47 chaque appel que nous passons l'est fait dans un désir énorme que les gens décrochent leur téléphone, pour essayer de compléter le puzzle, de connecter les infos aux gens. Les immigrants nous confirment que la croix-rouge est bien là. Il semble que les immigrants soient plus tranquilles surtout quand on leur dit que les gens d'organismes internationaux, des journalistes et des associations sont au courant de la situation.
Une fois que les immigrants sont sur le territoire espagnol, ils réussissent à rendre plus difficile les expulsions illégales. Car ils sont en droit de demandre l'asile et les journalistes peuvent témoigner de l'urgence de l'asile. Nous rappelons les immigrants. Les conversations en français montent de ton. En direct ils nous disent qu'ils les poussent vers la petite porte pour être déportés. Ils ne font pas cas de leur demande d'asile. C'est une situation de tension extrême. A travers le portable on entend le bruit de la poussée. Ils veulent les déporter sans attendre leur demande d'asile. Ils les poussent pour les faire sortir du territoire espagnol. Nous parlons de nouveau avec eux leur disant de crier ensemble "Nous voulons l'asile", de résister jusqu'au matin, de demander l'asile tous ensemble, que les déportations ne dépendent de rien, du caprice des autorités et de la décision qui se prend plus haut, qui sait. La légalité internationale ne vaut rien dans cette guerre des frontières. Silence et tension à 6h05 du matin a Séville-Ceuta. Le téléphone re-sonne, là on ne sait plus qui appeler. On attend des nouvelles. On croit que la présence des journalistes et la résistance pacifique des immigrants rendent plus difficiles d'autres déportations illégales. Les immigrants congolais se sont jetés à terre et nous disent qu'il y a d'autres groupes, qu'ils ne sont pas tous ensemble. Ils disent qu'à présent ils ne les poussent plus ni n'essayent de les faire sortir.
C'est incroyable comment quelques téléphones, réseaux humains impliqués dans la situation de commerce-controle-répression de la frontière peuvent exercer une pression et aider les migrants dans cette guerre des frontières.
L'usage stratégique de la communication et l'implication peuvent influer de n'importe quelle manière que ce soit dans une situation dure. Il est 6h14. La cadena ser (chaine de radio) nous dit qu'ils ne peuvent pas aller à la frontière parce qu'ils ne peuvent laisser l'antenne sans personne. Quelle excuse ! ! Mauvaise situation et si en plus il n'y a pas de journalistes. Nous écoutons de nouveau la voix de notre ami immigrant. Entre les cris, il nous dit qu'il y a un mort, un bébé de trois mois. Le bébé est d'une fille que nous connaissons. Nous avons des photos avec son bébé. Nous éclatons en sanglots. C'est un bébé d'une femme de Côte d'ivoire qui a été déportée enceinte et qui a accouché dans les bois. Ils nous disent qu'ils sont 162 et qu'il y a une cinquantaine de blessés. Nous appelons le camarade qui nous a soutenu toute la nuit. Les pleurs croisent les appels téléphoniques. C'est trop dur ce qui est en train de se passer. Nous rappelons et ils nous disent que le bébé est mort en territoire marocain alors que sa mère le portait en essayant de traverser la frontière et que du matériel anti-émeutes a été utilisé. Ils sont tombés et le bébé est mort. La mère est resté sur le territoire marocain avec son bébé. Ils nous racontent que les gens sont très nerveux et qu'il y a beaucoup de blessés gaves mais que la situation est tranquille dans la confusion. Notre ami nous remercie de tout son coeur pour notre aide, merci à dieu. Les dates et le récit sont confus. Nous avons à peine dormi et nous sommes fatigués avec une tristesse contenue. il est 6h39.
Il est 7h02 du matin. Nous arrivent des infos comme quoi 'El Mundo' (journal espagnol) dit qu'il y a 6 morts alors que nous ne savons rien. On est très préoccupés par la situation de la mère qui est restée sur le territoire marocain avec son fils mort. Le plus probable c'est que les gendarmes marocains les déportent en Algérie.
7h08 : le premier journal télévisé d'antenna 3 (télévision nationale espagnole) depuis Melilla : ils parlent de 6 morts et disent que le juge est deja présent sur place.
7h19 : On nous informe qu'ils ont été déportés illégalement ; beaucoup de migrants en territoire marocain sans passer par le commissariat, sans respect de la legislation étrangère. Notre camarade de nuit est déjà dans le bois d'où sont parti les migrants, ils nous racontent qu'il y a eu des coups de feu et beaucoup de violence de la guardia civil. Une partie n'a pas été déportée en Algérie, mais ils les ont renvoyés dans les bois. Les congolais nous confirment qu'une vingtaine ont été renvoyés illégalement au Maroc. Un groupe de blessés a été ammené à l'hôpital de Tanger. Un groupe important est resté sur le sol espagnol.
Beaucoup de question restent posées. Nous ne savons pas comment sont mortes les 6 personnes dont parlent les médias. Nous ne savons pas pourquoi les migrants ont décidés de faire ça. ON sait que ce n'est pas une stratégie normale et compréhensible par rapport aux camps organisés à Ceuta. On ne sait pas grand chose de ce qui s'est passé. Il semble qu'une communauté de migrants a commencé à dire qu'à Melilla ils sont passés et que c'était plus facile, et que le désespoir les a ammené à traverser la frontière ensemble cette nuit.
Aujourd'hui se réunissent les plus grandes autorités d'Espagne et du Maroc pour négocier combien d'argent exige le gouvernement marocain du gouvernement espagnol pour prendre en charge la situation à la frontière. Quel est le prix pour faire le chien de garde ? Combien vaut le controle et assumer la responsabilitré des morts et violations des droits de l'homme les plus basique ?
A 7h36 : antenna 3 dit "à 3h30, 700 immigrants ont réalisé une attaque massive de la frontière de Ceuta et des coups de feu d'origine inconnue ont provoqués la mort d'au moins 6 personnes". Les sources qu'utilisent antenna3 sont officielles. On attend une déclaration officielle.
Aujourd'hui à 11h30 on a rdv pour dire aux gouvernants qui ont fait cette politique de frontière, que celle-ci sont vos guerres et ceux-ci nos morts. Que ceci est une alliance pour la mort à la frontière, que les mouvements sociaux, les migrants et n'importe quel citoyen debout n'oublie pas que ceux-ci sont les morts de la politique étrangère des gouvernements espagnol et marocain. Nous irons dire haut et fort que nous ne resterons pas sans voix face à la politique de mort.
nous continuerons à informer...
Article paru initialement sur paru sur indymedia estrecho, et traduit de l'espagnol par abracad.
Indymedia estrecho continue effectivement à informer. Ce site a la particularité de couvrir plusieurs territoires & donc a la voccation d'être en plusieurs langues. Mais le temps presse. Des volontaires en traductions (espagnol, anglais, français...) sont les bienvenuEs !