Le licenciement, l'arme des patronsPour augmenter leurs profits, les capitalistes licencient. Ils tirent les salaires vers le bas en augmentant la peur du chômage, et nous font payer les pots cassés de la crise. Ils mettent la pression sur ceux qui travaillent pour gagner plus en faisant produire plus, à moins de travailleurs et travailleuses (les « gains de productivité ») pour débourser moins de salaires.
Cela avec pour résultats des plans de licenciements et la misère programmée pour des millions de personnes.
La crise actuelle a pour conséquence prévisible des dizaines de
milliers de licenciements. Face à cet enjeu crucial, il nous faut
réfléchir aux stratégies les plus à même de permettre aux travailleurs
et travailleuses de se défendre, tout en ouvrant des perspectives de
transformation de la société qui permettent d'en finir avec ce système
générateur de misère.
Quelle stratégie ?Les
léninistes brandissent comme revendication « l'interdiction des
licenciements ». Cette revendication est de nature démagogique parce
qu’elle tente de faire croire aux salariés que l'Etat peut les protéger
contre les coups tordus des patrons et des actionnaires.
Mais l'Etat
est le bras armé des patrons : il envoie les CRS contre les grévistes,
liquide toutes les manifestations de solidarité sociale en privatisant,
criminalise l'entraide, prend aux pauvres pour donner aux riches. Les
300 milliards d'euros donnés aux banques à la faveur de la crise et les
exonérations de cotisations patronales démontrent une nouvelle fois,
s'il est besoin, qu'il ne faut rien attendre d'autre de l'Etat, que son
soutien aux patrons. Une telle revendication condamne à l'attentisme,
en brandissant l'illusion du « bras protecteur de l'Etat » qui serait
un barrage à la politique patronale. Bien au contraire, nous pensons
que les travailleuses et les travailleurs ont tout intérêt à agir
directement pour lutter contre les licenciements.
Qu'entendons nous par « agir directement » ?Les
entreprises fonctionnent grâce aux travailleuses et aux travailleurs.
C'est pour cela que nous affirmons que l'outil de travail leur
appartient, quel que soit les titres propriétés brandis, et cautionnés
par l'Etat.
Dans le cadre d'un plan de licenciement, l'enjeu pour
les personnes licenciées, c'est d'échapper à la misère. Pour cela, nous
pensons que le premier élément est la construction d'un rapport de
force. Occuper l'usine, attaquer les intérêts économiques de la boite
donneuse d'ordre ou ceux des entreprises clientes (par exemple par le
boycott, l'occupation de filiales, le blocage de l'acheminement des
produits de la boite en question...), pour se réapproprier l'outil de
travail et disposer d'un moyen de pression. C'est cette utilisation de
l’action directe offensive contre le capital qu'il faut promouvoir.
La
solution historique du mouvement ouvrier, c'est l'expropriation des
patrons et le redémarrage de la production dans le cadre de
l'autogestion, c'est à dire par les travailleuses et les travailleurs
eux-mêmes, pour eux mêmes. C'est cette solution que nous devons
remettre au goût du jour.
Une telle solution a par exemple été
mise en œuvre dans des centaines d'entreprises en Argentine lors de la
crise de 2001. Les patrons s'étant enfuis avec la caisse, les ouvriers
n'ont pas attendu un hypothétique et illusoire secours de l'Etat. Ils
se sont organisés collectivement, sans hiérarchie, pour redémarrer
l'activité sous forme coopérative, en reprenant leur outil de travail.
On trouve d'autres initiatives autogestionnaires du même genre
aujourd'hui ou au cours de l'histoire, comme par exemple récemment les
« Strike bike » en Allemagne. En France, l'exemple de LIP nous donne
également quelques pistes. Si l'expropriation n'est pas possible, dans
le cas d'un plan social partiel, faute de rapport de force, il est
intéressant de proposer la mise en commun des indemnités de
licenciement pour lancer une coopérative ouvrière, sur la base du
principe « à travail égal/salaire égal », et de l'égalité totale entre
coopérateurs (en terme de décisions, de gestion de la structure).
Difficultés et pistes de réponsesDans
ce type de luttes, plusieurs difficultés émergent. D'abord une telle
perspective ne va pas sans l'instauration d'un rapport de force. L'Etat
ne tardera pas à jouer l'auxiliaire et le garant des intérêts du
patronat en envoyant la « force publique » pour tenter d'évacuer les
salariés en lutte de l'entreprise.
Tous les prétextes seront
invoqués : entrave à la « liberté du travail »(sic), dégradation,
effraction, non respect de la propriété privée, « trouble à l'ordre
public », etc... Le patronat peut aussi faire intervenir des milices,
sous formes de boîtes de sécurité privées, voir d'hommes de main. Il
est alors indispensable d'organiser la solidarité à l'extérieur de la
boîte : en allant voir les autres entreprises aux alentours, en
sollicitant les organisations interprofessionnelles des syndicats
(UL...), et, si elles font défaut, en allant rencontrer directement la
population, les autres travailleuses et travailleurs, sur les
quartiers... .
Ensuite, si la forme « coopérative » existe
légalement (la loi du 19 juillet 1978, articles 48 à 52, permet la
reprise en coopérative d'une entreprise qui dépose le bilan), la loi
sur les SCOOP a permis un détournement de l'esprit originel des
coopératives. Il faut donc être attentif à la forme choisie, afin
d'éviter au maximum de permettre un retour à des logiques capitalistes
au sein de la structure coopérative.
Les coopératives peuvent
fonctionner de manière très proche des entreprises capitalistes :
certaines de celles qui existent reproduisent les inégalités de
salaire, le maintien d'une distinction dirigeants/dirigés, d'un
encadrement, la dépendance envers un actionnaire (jusqu'à 50% du
capital) . Il est important d'affirmer la revendication de l'égalité
des salaires, mais aussi celle d'une gestion collective de la
coopérative, ainsi que le contrôle de la totalité du « capital » par
les salariés.
Le second problème, c'est la pression capitaliste du
marché, la logique de la concurrence qui a tendance soit à mettre en
difficulté la survie du projet, soit de faire évoluer celui-ci vers les
normes capitalistes de rentabilité. C'est en cela que nous ne pouvons
considérer la constitution de SCOOP comme autre chose qu'une solution
temporaire, un outil de résistance, et que nous devons réaffirmer la
nécessité d'un changement révolutionnaire, seul à même de permettre de
surmonter cette pression. La forme coopérative telle qu'elle existe
légalement est un outil de résistance, mais à terme il n'y a pas de
perspective réelle de lutte contre les licenciements sans perspective
de transformation révolutionnaire de la société. Il est dès lors
impératif que les coopératives ainsi créées soit des appuis aux luttes
sociales, puissent faire jouer l'entraide comme contre-société
ouvrière.
On peut insister sur la mise en réseau nécessaire des
coopératives, sur l'entraide, afin de rompre l'isolement, mais cela ne
suffit pas. L'exemple de l'Argentine nous le montre, où la pression
capitaliste du /marché a contraint de nombreuses coopératives à la
fermeture, où l'/Etat n'a eu de cesse, une fois la vague de révolte
affaiblie, de vouloir récupérer les outils de production coopératifs,
où les milices patronales ont pu intervenir pour briser la résistance
ouvrière, où, plus grave, certaines coopératives ont remis en vigueur
les normes de production et d'organisation du travail (inégalités de
salaires, distinction dirigeants/dirigés) pour « s'adapter » à la
pression capitaliste du marché.
Le seul moyen de rompre avec cette
capacité qu'ont le capitalisme et l'Etat à intégrer les structures qui
lui sont antagonistes, c'est le développement incessant des luttes,
c'est la fédération des structures de résistances coopératives, avec la
pratique de la mutualisation directe de la production chaque fois que
c'est possible.
09/02/2009
Coordination des Groupes Anarchistes
Vous pouvez télécharger l'article au format
pdf ici.