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Alternative libertaire 93 : "La votation citoyenne du 3 octobre est un succès, des centaines de milliers de personnes partout en France se sont prononcés sur l'avenir de la Poste.
En Seine-Saint-Denis, près de 68000 personnes ont voté. A une écrasante majorité, le projet de privatisation du gouvernement est désavoué (97% de Non dans le 93). Alternative libertaire s'est impliquée sans état d'âme dans cette initiative.
Mais pour autant, le statu quo ne nous satisfait pas. Nous ne sommes
pas pour l'immobilisme. La Poste est déjà largement engagée dans un
processus de gestion capitaliste. Pour sa direction, le seul indicateur
de qualité qui vaille est celui de la rentabilité financière. Il est
incontestable que le niveau de service rendu aux usagers et aux
usagères se dégrade et n'est pas satisfaisant: délai d'acheminement du
courrier, coût des envois, attente aux guichets. L'organisation
actuelle de la Poste ne permet pas de répondre aux besoins.
Mais le projet gouvernement de privatisation détériorera encore les choses.
C.
Estrosi peut bien jurer qu'il ne s'agit pas d'une privatisation, toutes
les personnes qui s'intéressent à la question savent qu'il ment et
qu'il ne connaît strictement rien au dossier, ne maitrisant même pas
les concepts économiques de base en jeu!
Il est délirant de vouloir transformer la
Poste en société privée, objet de toutes les spéculations financières
de la part d'investisseurs sans scrupule, au moment même où le système
capitaliste montre avec la crise actuelle qu'il ne fonctionne pas,
qu'il est facteur d'insécurité sociale généralisée et que la "loi du
marché" est une superstition sans fondement logique ou économique.
Vouloir soumettre un service public à la roulette russe boursière est
irresponsable. Prétendre que c'est indispensable à son développement
est mensonger. Si la Poste est privatisée, combien de temps avant que
sa direction et ses actionnaires ne viennent pleurnicher auprès de
l'Etat pour être renfloués, comme l'ont fait les banques et
l'automobile? Si le projet gouvernemental aboutit, la direction de la
Poste n'aura plus qu'une obsession: satisfaire ses actionnaires en leur
versant les plus gros dividendes possibles. Pour cela, il faudra
dégager des profits à très court terme. Très concrètement, ça implique:
- des
suppressions de postes massives,
donc une dégradation du service aux usagers et usagères; un des enjeux
du changement de statut est de pouvoir licencier les salariés et
salariées de la Poste.
- une
augmentation des tarifs. Non seulement le
prix des envois augmentera fortement, en prenant le prétexte de la
"concurrence", mais il faut s'attendre à devoir payer pour simplement
avoir le droit de recevoir du courrier. De la même manière que pour le
téléphone, on paye ses communications et un abonnement simplement pour
avoir une ligne permettant d'être appelé, on peut être s'attendre à
devoir payer un "abonnement" pour recevoir du courrier.
- la
priorité aux entreprises,
au détriment des particuliers. pour la Poste, d'un point de vue
financier, les particuliers ne sont pas rentables. La Poste "privée" se
concentrera sur les entreprises, qu'elle fait déjà payer pour recevoir
le courrier dans un délai décent. Les moyens concentrés sur les
entreprises manqueront pour satisfaire les particuliers. Nous sommes
prêts à parier que, rapidement, nous ne recevrons plus le courrier que
tous les 2 ou 3 jours... à moins de payer un "abonnement spécial".
- l'
allongement des files d'attente, par manque de personnel, et la
fermeture de bureaux
considérés comme "non rentables". Tous les "petits" bureaux de Poste
sont menacés, et tant pis pour les usagers. La direction de la Poste
joue sur les mots en prétendant que le nombre de points de contact
augmente: il ne s'agit pas de bureau de Poste, mais de sous-traitance à
des buralistes, des épiciers, des marchands de journaux. Bonjour la
fiabilité et la confidentialité! Déjà, dans certaines zones rurales,
les horaires des bureaux de Poste ont été tellement réduits qu'ils sont
quasiment inaccessible. La solution proposée par la Poste? Tout
déplacer dans un commerce, ou obliger la mairie à sa prendre à sa
charge les locaux et les salaires des personnels!
C. Estrosi, le menteur,
prétend avec la direction de la Poste pressée de toucher des
stock-options que le changement de statut est indispensable au
développement de la Poste. Mais quel développement? Le seul
développement pour lequel la Poste a besoin de fonds, c'est le
développement à l'étranger. Bref, l'argent ne va pas servir à améliorer
le service public, mais à jouer les prédateurs financiers ailleurs dans
le monde, pour gonfler les dividendes à verser aux nouveaux
actionnaires du groupe privatisé!
Quelle Poste voulons-nous?
En premier lieu, traiter le service postal séparément est un non-sens. C'est bien un
service public socialisé des communications
dont les citoyens et citoyennes ont besoin. La séparation entre la
Poste et France Telecom il y a 20 ans était une aberration due à
l'idéologie ultra-libérale de la commission européenne et des
gouvernements (droite comme "gauche") de l'époque. Elle répondait à des
objectifs financiers, mais en aucune manière à des objectifs de
satisfaction des besoins des usagers et usagères. Il faut penser le
besoin et l'offre de communication globalement, à tout le moins le
courrier postal, la téléphonie et Internet. En particulier, la
filialisation de certaines activités de la Poste, qui n'est rien
d'autre qu'une privatisation rampante, doit être immédiatement
interrompue.
La Poste doit également
rompre avec la logique financière. Elle doit se concentrer sur la satisfaction des besoins des usagers et des usagères.
Le service public postal doit donc être
socialisé.
Cela signifie qu'il n'a pas vocation a être financé sur la base de ses
ventes. La socialisation signifie que toutes les personnes concernées,
tous les producteurs de richesses utilisateurs des services de la Poste
doivent mettre au pot commun pour assurer le financement et le
développement de la Poste. La socialisation implique un débat continu
sur les ressources que la collectivité est prête à attribuer à ces
services, et sur les services attendus en retour. C'est pourquoi le
service socialisé de communication doit être
autogéré: les postiers et postières
doivent décider, en relation avec les usagers et les usagères. Ca implique évidemment
une exigence démocratique autrement plus élevée qu'actuellement.
Ce que nous avons ébauché concernant la votation citoyenne sur l'avenir
de la Poste, il faudra l'étendre, le renforcer et le renouveler sur
toutes les questions stratégiques touchant à ce service public. Il
faudra donc mettre en place les moyens d'une vraie information et d'un
vrai débat, et d'une consultation la plus large, la plus directe et la
plus démocratique possible. C'est le seul moyen pour qu'un service
public soit vraiment l'affaire de tous et toutes, au lieu d'être
instrumentalisé par les dirigeants à des fins privées ou partisanes.
La Poste a une chance extraordinaire: ses facteurs et factrices, qui
sont les seules travailleurs et travailleuses à visiter ainsi autant de
personnes quotidiennement. Il faut permettre à ces agents publics de
remplir pleinement leur rôle de lien social. Il faut leur laisser le
temps et la possibilité de répondre aux besoins, en particulier des
personnes isolées, âgées, dépendantes ou malades.
La mission de la Poste peut être élargie à ce rôle social de contact de proximité. Mais ça ne peut en aucun cas venir d'une Direction qui ne connaît strictement rien à la réalité du
terrain. C'est pourquoi un vrai service public postal est nécessairement un
service public autogéré.
Ce ne sont là que quelques pistes. Elles doivent être approfondies
collectivement, usagers, usagères, postiers et postières ensemble.
Saisissons-nous de l'ébauche de la votation citoyenne pour
vraiment réfléchir aux services publics que nous voulons. C'est l'occasion ou jamais.