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Quarante ans en prison. C'est un peu plus d'une génération. C'est beaucoup plus que la durée maximale de la peine de sûreté des condamnés à perpétuité.
Quarante ans en cage. C'est une vie d'homme derrière les barreaux.
Un individu condamné à perpétuité en 1964 pouvait, à l'expiration de son délai d'épreuve de quinze ans (la période de sûreté n'existant pas encore à 1-''époque) solliciter auprès du garde des Sceaux une mesure de libération- conditionnelle. Lucien Léger la demande depuis 1978.Tous les présidents qui se sont succédé sur le trône de la République française, de Giscard à Chirac, tous les ministres de la Justice qui ont eu à se prononcer-sur les demandes de Lucien Léger, tous sans exception ont opposé un refus net. Même François Mitterrand qui après son accession au pouvoir a gracié plus d'un détenu, et pas les moins lourdement condamnés, n'a pas daigné accorder la liberté à Lucien Léger.
Mais de quel crime est coupable Léger pour mériter une aussi irrévocable sentence? Quelle horreur l'homme inspire-t-il donc pour qu'on veuille ainsi protéger la société et ce depuis si longtemps - de sa malfaisance?
Enlèvement et meurtre d'enfant. Certes, cela fait frémir. Et, effectivement, cela fit trembler à l'époque. Le 27 mai 1964, à 5 heures du matin, le corps de Luc Taron, un gamin de 11 ans, est découvert dans les bois de Verrières-le- Buisson, en Seine-et-Oise.
Dans le mois qui suit, près de cinquante lettres anonymes sont envoyées à divers organes de presse, à la police, au pèse de la victime, au ministre de l'Intérieur, revendiquant la paternité du crime et en annonçant d'autres. L'affaire de « l'étrangleur » (le signataire des missives) est née. Elle va défrayer la chronique et créer une véritable psychose collective jusqu'à l'arrestation d'un suspect, le 5 juillet 1964, qui bientôt avoue les lettres et le meurtre. L'homme en question s'appelle Lucien Léger. Il dit avoir rencontré l'enfant en fugue à la station de métro Étoffe, l'avoir emmené se promener du côté de Verrières et l'y avoir tué sous l'impulsion d'une force extérieure. La presse, à l'époque, agrémentera cette version d'une multitude de détails et d'observations tous plus sordides les uns que les autres, inventant sans vergogne de quoi passer de la réalité à la fiction.
Le procès a lieu du 2 au 7 mai 1966, au terme duquel Lucien Léger sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Tout désignait l'accusé: l'hystérie des médias, telle qu'on peut l'imaginer en pareil cas; le système de défense choisi par Albert Naud, l'avocat de Léger, qui plaida à charge les circonstances atténuantes (évitant ainsi à son client la peine de mort); l'attitude même de Lucien Léger, énigmatique, hautaine et méprisante de l'avis même d'Albert Naud, presque suicidaire étant données les circonstances. Tout désignait (accusé, mais aucun mobile du meurtre ni preuve formelle de la culpabilité de Léger ne fut établi. Qu'à cela ne tienne... l'intime conviction, cette loterie de la conscience, y suppléa.
Car il fallait un coupable, et l'on n'avait que celui-là à portée de main. Allons, l'affaire est entendue! un procès de six jours c'est bien assez... Il fallait condamner, et vite. L'impatience justicière, dans sa ferme chevauchée vers le verdict, ne s'embarrassa ni des détails ni des obstacles.
Par exemple, ce témoignage d'un couple de cultivateurs affirmant avoir vu sortir du bois de Verrières, à proximité du lieu et en un temps voisin de la découverte du corps, un homme dont la description physique ne correspond en rien à Lucien Léger. Cet individu, témoin capital, voire peut-être protagoniste du drame, ne sera jamais identifié ni retrouvé. Ou encore les premières constations sur le corps de la victime, qui font état de marques d'ongles très visibles sur le cou; or, à l'époque Lucien Léger, du fait de sa profession (il est élève infirmier) se coupe les ongles très court. Enfin, la personnalité de Léger où rien ne le prédispose à un meurtre de sang-froid: il est reconnu comme un être doux, sensible, serviable, altruiste, intelligent, etc. Pendant les dix premiers mois de l'enquête, sa conduite va à l'encontre de ses aveux, notamment par son refus de procéder à la reconstitution du crime (il dira alors: « Ce n'est pas moi qui ai fait cela »). Passé ces dix mois, il revient sur ses aveux et maintient depuis lors être innocent du meurtre dont on l'accuse.
Tout de même, le doute sur sa culpabilité devait suffisamment tarauder le président du tribunal et le procureur pour que ceux-ci extraient Léger de sa cellule peu après l'énoncé du verdict, et l'interrogent une dernière fois (1).
Ce doute fit également son chemin dans l'esprit d'Albert Naud. L'avocat de Lucien Léger acquit progressivement la certitude de (innocence de son client, et le 17 juin 1971, présentait une première demande en révision, qui n'a pas été instruite. Trois ans plus tard, Albert Naud dépose un second recours en révision au garde des Sceaux, à l'époque Jean Lecanuet. Celle-ci donne heu à une enquête, confiée au commissaire Delarue de la Police judiciaire de Paris qui procède à de nombreuses investigations et auditions portant sur l'ensemble de l'affaire. Mais jamais Lucien Léger ne pourra prendre connaissance des résultats obtenus. De fait, cette seconde et ultime demande en révision est restée lettre morte.
Pour moins d'éléments que ceux énumérés plus haut, d'autres condamnés, plus chanceux ou mieux nés, auraient obtenu la révision de leur procès, une grâce, une mesure de libération conditionnelle. Depuis 1965, Léger ne cesse de clamer son innocence. Il est ce que l'administration pénitentiaire appelle un « prisonnier modèle ». Une remarquable endurance physique et psychique, une hygiène de vie stricte et un espoir sans bornes l'ont miraculeusement préservé de la folie et de la décrépitude qu'un tel enfermement aurait à coup sûr provoqué chez d'autres individus plus vulnérables. Sain de corps et d'esprit, il réclame la liberté, présente un projet cohérent de réinsertion. N'importe quel magistrat reconnaîtra que la sanction pénale, même lourde, n'est jamais que temporaire et pose obligatoirement la question de la transformation du condamné en vue de sa sortie. Sur le papier, la législation pénale ne prévoit pas d'encagement à vie, sans issue possible. Pourtant, Lucien Léger est l'exemple encore vivant qu'une telle abomination est tout de même possible, la question de son élargissement n'étant pas à l'ordre du jour. Plus généralement, c'est tout le problème des longues peines qui est ici posé, car quelle « transformation » attendre d'un individu quand on lui vole ainsi la vie?
Sans doute, Lucien Léger est impliqué dans l'affaire, ne serait-ce que par les fameuses lettres dont il reconnaît être l'auteur, du moins pour la majorité d'entre elles. Mais, quel que soit le rôle qu'il a joué dans cette sombre histoire - rôle qui n'a probablement pas été jusqu'au meurtre - nous posons de nouveau la question: quelle faute justifie d'être enfermé depuis quarante ans? À quelle logique obéit une telle peine? S'il s'agit de la logique d'État, le crime qui vaut à Lucien Léger cet acharnement sans précédent n'est pas le meurtre de Luc Taron, c'est autre chose sur laquelle le ministère public reste muet... Sinon, il ne s'agit plus de logique, il s'agit de la plus monstrueuse irrationalité jamais constatée dans l'histoire de la « justice » française.
André Sulfide
Voir article de Philippe Charon, « 40 ans à l'ombre », le Monde libertaire, hors-série n° 25, juillet-septembre 2004.
Le Monde libertaire #1366 du 9 au 15 septembre 2004
Commentaires :
ronan |
Re: Alors pourquoi avouer ?Le sentiment que tu décris s'appelle l'empathie. C'est-à-dire la capacité de se mettre à la place des victimes, de les comprendre, d'essayer un temps soit peu de ressentir ce que les proches des victimes endurent. Sur ce point, je suis d'accord avec toi. Ceci dit, je pense qu'il y a d'autre systèmes de punition pour de telles crimes. Je pense ici au banissement. Interdire à une personne de revenir dans la ville où il a commis ses crimes (dans le cas de crimes monstrueux tel que celui-ci), l'empêcher en somme de revoir ses amis, ses parents, c'est, à mon sens, préférable à l'enfermement perpétuel. En effet, quoi de plus dur, quoi de plus facile pour se remettre en question, que d'être exclu d'une communauté à laquelle on appartient (je parle pour un criminel, évidemment)? Les prisonniers, je pense que chacun sera d'accord avec moi, on toutes les peines du monde pour se réinsérer dans la société après leur passage en prison. Pourquoi? Car il n'y a pas de prisons spécifiques, de prison pour assassin, de prison pour violeur, de prison pour trafiquant,etc.Ainsi, nos prisons sont un melting-pot de crimes, donc, au contact de tant de monstres, de tant de personnes qui méprisent le bien et la virginité d'autrui, on ne peut que récidiver et empirer dans ses crimes. C'est pourquoi, le banissement, certes archaique, est souhaitable. Pourquoi? 1) Parce que les proches de la victime savent que le monstre qui a pris une vie, est loin, qu'il ne hantera plus jamais leur vie. 2) Cela laisse au criminel, la chance de se rattraper dans une autre communauté, de ne pas le laisser dans une cage. Tout homme aspire à la liberté. Alors, qui sommes-nous pour juger un homme? Qui sommes-nous pour décider d'enfermer quelqu'un à vie? C'est à se frapper la tête. On accepterait la liberté pour notre personne propre et pas à d'autres? Je trouve que c'est la plus belle preuve d'hypocrisie et d'égoïsme, et je crois que l'homme vaut mieux que cela. Et je pense que tout homme à droit à sa seconde chance lorsqu'il fait une bêtise. L'enfermer, ce n'est pas accepter de lui donner une seconde chance. C'est comme les parents qui enferment leurs enfants "pas sage" dans un placard. Je trouve cela honteux. Je concluerai par une citation de la bible, bien que non croyant, je crois cependant que la bible est riche de leçons de vie. Jésus, s'adressant à une foule s'apprêtant à lapider une femme accusée d'adultère, leur dit ceci: "que celui qui n'a jamais pêché, lui jette la première pierre". Voila, en toute sincérité, mon opinion sur la question. Ronan Lavielle Répondre à ce commentaire
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punkcore 03-07-05
à 12:46 |
pas les enfants<p>Je trouve a anormale qu une enquete n ai pas était faite a fond et si c est le cas .Mais pourquoi avouer.toucher un gosse est un crime horrible pourquoi avoir avouer ?pression policiere ,je ne pense pas car des grosses histoire comme ca la lois est grave respecter.</p><p>En tout cas il avouer et aurai meriter la peine de mort car les gosses c innocent .</p><p>Je suis pour la peine de mort pour les meutrier d enfants.</p>
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libertad 03-07-05
à 14:52 |
Re: pas les enfantsSi tous les gens qui avouent étaient coupables se serait simple mais tel n'est pas le cas, voir l'affaire Dils par exemple. Je ne peux non plus laisser passer des propos favorables à la peine de mort sur ce site : de quel droit la société peut-elle employer les mêmes moyens que ceux qu'elles prétend éliminer par ce biais : des moyens criminels ne peuvent donner une société juste.
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à 23:15