La mondialisation marchande est un échec dans tous les domaines, économique, éthique, social et écologique ; mais cette mondialisation non seulement domine mais fait peur par sa globalisation.
Qui
n’a pas entendu maintes fois la remarque suivante, ou à quelques variantes
près : « le système est
mondial, on n’aura jamais les moyens de l’affronter et de l’abattre »
Pourtant,
si l’on regarde l’Histoire, il en a été de même pour tous les systèmes
dominants qui apparaissaient indépassables,…. Tous ont tout de même disparu
malgré leur puissance apparente.
UN
SYSTEME APPAREMMENT VERROUILLE
Il est exact que le système marchand, pour la
première fois dans l’histoire de l’Humanité est un système à l’échelle
planétaire. Rien ni personne n’en est à l’abri. C’est un système totalisant
(global), et totalitaire, en ce sens qu’il ne laisse, à priori, aucune autre
alternative et semble capable soit d’absorber toute nouvelle structure, soit la
dénaturer au point de la faire disparaître.
Considéré dans sa totalité et sa logique il apparaît
comme indépassable ce qui est à l’origine du sentiment d’impuissance et de
désespérance pour celles et ceux qui souhaiteraient « changer ». Les
autres sombrant dans une forme de fatalisme qui en assure la pérennité.
Jusqu’à présent, toute tentative, réformiste comme révolutionnaire a échoué. Le système « retombe toujours sur
ses pieds » avec encore plus de vigueur. Même ses crises structurelles,
aussi bien économiques, financières, qu’idéologiques ne l’ont apparemment pas
affaibli.
Hors du capitalisme point de salut ?
Il est évident qu’avec les moyens dont nous
disposons, avec la stratégie – si tant est que ce soit une stratégie- de
changement que nous croyons avoir,… on ne pourra rien changer, on ne pourra que
subir,… ce que nous faisons depuis des années. Nous n’avons aucun dispositif
qui soit capable d’enrayer les mécanismes de marché et de bloquer rapidement
son fonctionnement… sinon une bonne volonté (boycott par ci, boycott par
là !), qui n’est jamais, dans les faits, collective donc jamais
opérationnelle.
Pourtant, un système dominant n’est
indestructible qu’en apparence… l’Histoire nous le démontre à tous les
stades du développement des civilisations humaines.
Ce serait cependant une erreur de ne compter que sur
le développement ultime de ses contradictions,… et espérer par là même un
changement, une alternative. Ceci est d’autant plus vrai, dans le cas du
système marchand, que le stade ultime du développement de ses contradictions ne
peut déboucher que sur la « barbarie sociale » et la mort de la
planète. L’action politique est donc indispensable… et même urgente.
UTILISER
NOTRE FAIBLESSE COMME UNE FORCE
Ce n’est pas qu’une technique d’arts martiaux…
l’Histoire nous montre que ce sont les petites structures, insignifiantes à une
époque, qui ont réussi à supplanter et à carrément évincer des systèmes qui
apparaissaient comme indestructibles.
Face à l’énormité du système, un affrontement direct
est voué à l’échec et ce pour deux raisons essentielles :
- il s’est doté d’une défense (militaire, policière, idéologique) qui
dépasse largement nos capacités offensives ;
- nous n’avons, concrètement, rien d’alternatif à proposer,… sinon nos
idées et notre « bonne volonté »… on sait ce que ça a donné dans le
passé.
Notre faiblesse est constituée par quoi ?
- nous n’avons pas le pouvoir, eux l’ont… mais ça n’est paradoxalement pas
le point le plus important ;
- nous sommes « verrouillés », conditionnés, déterminés dans des
rapports sociaux qui sont les leurs… et là est leur force essentielle.
Si le système marchand, par son histoire, par sa
logique et par le fait qu’il existe en fait et est dominant, arrive à
« structurer » l’ensemble de la planète, nous, à notre niveau et avec
nos forces, nous en sommes bien incapables…. Et tous nos prédécesseurs depuis
plus d’un siècle en ont été incapables.
Envisager d’emblée une stratégie et une action à
l’échelle mondiale est totalement irréaliste, cela voudrait dire que nous ayons
des outils à la dimension du système que nous combattons,… ce qui n’est pas le
cas… Rappelez vous des « Internationales », des « Forums Sociaux
Mondiaux » qui ont fait long feu !…
Il
nous faut apprendre à être plus modestes pour être plus puissants.
Notre force réside dans la réalité sociale que nous
sommes capables de créer…. En marge, en parallèle, voire en opposition avec la
réalité sociale marchande - voir QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE (3).
C’est ce « penser
global, agir local » que le mouvement altermondialiste, qui le rabâche
dans ses discours, est incapable, depuis dix ans, de mettre en pratique.
Pourtant les éléments nous les avons « sous la main ».
Cette stratégie déroge effectivement aux vieux schémas
allégoriques du « grand soir » et des « épopées
révolutionnaires ».. c’est vrai ! Mais quand on sait ce qu’ont donné
ces pratiques…
Posée ainsi, la stratégie politique peut aller à la
« conquête du monde », mais pas comme on l’avait imaginé – à tord –
jusqu’à présent.
Une telle conception stratégique permet en effet, à
la fois de fonder une pratique alternative en respectant les spécificités
locales – la culture, les rythmes, les particularités, les expériences,…, et de
s’auto éduquer à de nouvelles relations sociales, à une nouvelle éthique.
Fédérée nationalement et internationalement, en
respectant les rythmes forcément différents, une telle conception constitue une
stratégie face au Capital. Pas une stratégie de contournement, au contraire,
une stratégie qui le prend sur son propre terrain celui de l’organisation de la vie quotidienne…
prouvant ainsi peu à peu que les lois, les principes, l’éthique qui sont les
siens sont aujourd’hui obsolètes, dangereux et insatisfaisants.
Mais comment se sont constituées les grandes
civilisations, les grand systèmes dans l’Histoire, sinon ainsi…
Arrêtons d’avoir une « vision
hollywoodienne » de l’Histoire qui nourrit nos fantasmes de grandeurs et
nos appétit de pouvoir absolu.
Arrêtons de reproduire les mêmes pratiques qui ont
toutes conduit à des erreurs tragiques.
Face à la mondialisation marchande, imposons par
notre pratique, à notre niveau et en concertation avec les autres régions du
monde, l’autosuffisance alimentaire dans un premier temps, une collaboration
plus large par la suite.
Vue sous cet angle, la domination du Capital
apparaît comme dépassable.
La volonté d’en découdre globalement avec le système
nous condamne à l’échec. Les générations qui nous ont précédé ont payé très
cher cette vision aberrante du combat politique et des lois de l’Histoire. Il
est temps de repenser notre action.
Patrick
MIGNARD
Avril 2008
Voir aussi :
QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (1)
(2) (3).
« MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »