Lu sur
@narlivres : "Le mois dernier, nous vous annoncions la sortie prochaine de deux ouvrages. C'est fait. Le premier,
La Liberté des peuples. Bakounine et les révolutions de 1848(
Atelier de création libertaire, 224 p., 16 euros), de Jean-Christophe Angaut, revient sur la période préanarchiste de Bakounine, dominée par son engagement pour l'émancipation des peuples slaves, avec des textes en annexe dont certains sont inédits en français. Chez Bakounine, le combat national comprend une dimension sociale qui prendra finalement le pas avec la remise en cause de toute idéologie nationaliste.
Mais la question est loin d'être tranchée pour le mouvement libertaire comme on a pu s'en apercevoir lors de chaque lutte de libération nationale ou concernant la décolonisation.
Avec le second, nous pouvons maintenant aisément disposer
de tous les textes libertaires d'Armand Robin (
lire
biographie), poète rebelle et traducteur hors pair. Dans
Le Combat libertaire (Jean-Paul Rocher, éd. établie
par Jean Bescond, introd. d'Anne-Marie Lilti, 248 p., 24 euros),
on trouvera aussi bien la longue lettre (de rupture avec le communisme
stalinien) à Jean Guéhenno de juillet 1935 et
Les Poèmes indésirables –
longtemps épuisés – que les articles parus
dans
Le Libertaire entre
1945 et 1955… Pour de plus amples renseignements sur la
vie et l'œuvre d'Armand Robin, on peut se référer
au remarquable dossier établi par la revue bibliographique
A contretemps,
disponible
en ligne. Autre poète révolté dont les
médias célèbrent actuellement, avec une certaine
hypocrisie, le cinquantième anniversaire de la mort, Boris
Vian (1920-1959). Le présentant comme un dilettante, un gentil
et inoffensif artiste, ils oublient trop souvent l'auteur farouchement
antimilitariste et anticlérical, qui dénonçait
la société de son temps et les pouvoirs de toute sorte.
Pour notre plus grand plaisir, Jean-Michel Leterrier nous le fait
ainsi revivre avec
Boris Vian…
Un provocateur engagé (
Les
Points sur les i, 152 p., 14,50 euros). Au rayon
littérature, nous trouvons également la réédition
de deux textes de l'écrivain anarchiste Georges Darien (1862-1921)
qui dénonce dans
L'Ennemi
du peuple (préf. de Jean-Pierre Bouyxou,
L'Age
d'homme, coll. Le livre carabiné, 186 p.,
17 euros) la complicité maître-esclaves dans les
sociétés modernes.
« Qu'est-ce
que le Peuple ? C'est cette partie de l'espèce humaine
qui n'est pas libre, pourrait l'être, et ne veut pas l'être ;
qui vit opprimée, avec des douleurs imbéciles ;
ou en opprimant, avec des joies idiotes ; et toujours respectueuse
des conventions sociales. » Avec
Le Voleur
(nouv. éd. de Patrick Besnier,
Gallimard,
coll. Folio classique, 512 p., 7 euros), il se livre
à un autre type d'exercice : nous narrer les aventures
d'un jeune homme de bonne famille, orphelin ruiné par un
oncle indélicat, qui se fait voleur par esprit de révolte,
pour dire « non » à la société,
à la bourgeoisie, à l'ordre, aux socialistes qui se
trémoussent sur l'estrade et aux moralistes… Pour ceux
que les portraits au vitriol intéressent, notons la réédition
du recueil de vers
Au pays du mufle
(préf. d'Armand Silvestre, éd. revue,
augmentée
et annotée par Gilles Picq,
Cynthia
3000, 146 p., 20 euros), de Laurent Tailhade (1854-1919)
où celui-ci s'en prend joyeusement et férocement à
ses contemporains, de l'homme de la rue aux « gensdelettre ».
Saluons aussi le passionnant travail de recherche et les riches
commentaires de Gilles Picq, auteur d'une monumentale biographie
de l'auteur (
cf. bibliographie).
Sous-titré « La CNT de la victoire de juillet 1936
à la défaite de mai 1937 », Agustín
Guillamón nous propose avec
Barricades
à Barcelone 1936-1937 (
Spartacus,
224 p., 15 euros) de parcourir le chemin qui permit à
l'Etat de se réapproprier le pouvoir acquis par les ouvriers
les armes à la main, du fait de la priorité absolue
donnée à la lutte contre le fascisme.
Expérience
amère qui doit nourrir la réflexion de tous ceux qui
s'interrogent sur les chemins à prendre pour construire une
société libérée de l'exploitation et
de l'oppression, ce communisme libertaire auquel aspiraient les
militants cénétistes. L'étude historique a
besoin de recul, de temps, pour digérer les événements,
les analyser et les comprendre, mais elle a aussi besoin de documents
à vif tels que cette brochure (en français) sur l'insurrection
indienne au Pérou pour le contrôle des ressources et
l'autonomie
à télécharger.
Ou bien cette autre sur le mouvement lycéen grenoblois du
printemps 2008,
« Aux
armes ! » Le mouvement lycéen en guerre
contre l'Etat (Zanzara athée, 52 p.) que l'on
trouve sur
Infokiosques.net.
Après avoir publié
La Communauté
par le retrait et autres essais l'année dernière,
les
Editions
du Sandre poursuivent la publication des œuvres de Gustav
Landauer (
lire
biographie) avec
Un
appel aux poètes. Et autres essais (textes traduits
et présentés par Charles Daget, 89 p., 11 euros).
Elles présentent ainsi l'ouvrage :
« Utopie
et révolution, c'est sous ce double patronage que le poète
et le peuple peuvent se soutenir mutuellement, afin que le poète
du peuple laisse place au peuple poète. »
Les mêmes éditions publient du philosophe et poète
anarchiste anglais Edward Carpenter (1844-1929)
La Civilisation,
ses causes, et ses remèdes (éd. établie
et présentée par Stéphane Beau, 96 p.,
11 euros). L'auteur, proche du mouvement d'inspiration anti-industrielle
Arts & Crafts de William Morris, figure aussi parmi les premiers
activistes homosexuels. Avec une radicalité teintée
d'ironie, il pose, en substance la question suivante : si nous
allons si mal, est-ce parce que la civilisation est en crise ou,
au contraire, parce qu'elle se porte un peu trop bien ? Pour
terminer ce recensement des publications récentes, réservons
une place particulière aux réflexions de Philippe
Geneste dans
Le Travail de l'école :
contribution à une critique prolétarienne de l'éducation
(Acratie, 183 p., 15 euros). S'appuyant sur son expérience
professionnelle, l'auteur constate tout d'abord que les filières
de formation actuelles sont toutes professionnelles,
visant
« un même but :
l'entrée dans la vie professionnelle, l'éducation
adéquate à tel ou tel niveau hiérarchique »
et reproduisant ainsi les inégalités sociales. Il prône
alors un
« système
de formation initiale sans filière de formation »,
un
« enseignement polytechnique
et polyvalent pour tous et toutes ». Après
s'être livré à une critique du système
actuel, il tente ensuite d'élaborer un
« projet
éducatif autonome du prolétariat ».
Un livre à débattre, et pas seulement entre spécialistes !…