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L’aboulie du politique, laminé par vingt ans et plus d’un lobbying libéral qui l’a conduit à n’être plus que l’expression démocratiquement correcte de l’entreprise reine, le conduit toujours davantage à masquer son impuissance à agir aujourd’hui par la promesse de le faire sans faute demain.
Mais, comme demain c’est loin pour des masses d’autant plus impatientes qu’on les dit frustrées, l’ultime ruse du politique consiste à donner à croire, par mensonge, omission ou conditionnement actif que demain, c’est tout de suite.
On l’a vu récemment avec le formidable matraquage politico-médiatique destiné à faire avaler la Constitution européenne à des patients récalcitrants : parmi tous les arguments plus ou moins pertinents utilisés par les partisans du traité, revenait en leitmotiv qu’un non serait un cataclysme sans fin, un oui, l’aube immédiate d’une Europe meilleure, sans que jamais personne ne déclare que même agréée par les 25, la Constitution ne commencerait à s’appliquer pratiquement et progressivement qu’à partir de 2009 et jusqu’en 2014 !
Demain, vous l’avez compris, ce n’était pas lundi lendemain du vote ainsi que le suggéraient tant de doctes joueurs de pipeau, mais dans quatre ans et pour cinq ans.
Les mêmes qui savaient pertinemment que, validée, la mise en exercice de la Constitution n’était pas envisagée avant quarante-huit mois, n’enragent pas moins que quinze jours après le vote aucun plan B ne pointe le bout de ses feuillets, comme s’il y avait la moindre urgence pour Bruxelles de se ridiculiser en sortant de ses cartons un projet dont elle niait jusque là l’existence et qui a bien le temps d’apparaître au grand jour une fois les esprits apaisés, quand l’oubli de l’événement aura de nouveau rendues disponibles les cervelles vides des votants.
Nos politiciens et nos principaux journaux nous en veulent d’ailleurs tellement de notre garce immaturité qu’ils ne désespèrent pas de nous faire trembler avec la présidence de l’Union dévolue, bientôt mais pas déjà, pour six mois au pétulant Tony Blair, ce qui était évidemment prévu de longue date, ce à quoi l’adoption de la Constitution par la France et les Pays-Bas n’aurait rien changé et, last but not least, ce qui rend comique la menace de libéralisme débridé qui péserait maintenant sur nos têtes frivoles est que le blairisme, à l’exception de sa regrettable aventure irakienne, est exactement le genre de système que tous les sociaux-libéraux, libéraux-démocrates et autres libéraux-libertaires rêvent d’imposer en France et si possible partout ailleurs en Europe, si ce n’est dans le monde entier !
Maxime de l’événement passé : quand le pouvoir vous échappe, deux semaines, c’est l’éternité, quand vous le tenez bien en main, quatre ans, c’est demain.
Quoique l’affaire de la Constitution soit le plus récent paradigme illustrant l’extrême plasticité du temps pour les politiciens de carrière comme pour les éditorialistes à eux acquis, d’autres manifestations de cette souplesse abondent, de sorte que le mortel ordinaire banalement préoccupé du présent se voit sans répit invité à s’intéresser exclusivement à un avenir confondu avec l’immédiateté grâce aux vertus du spectacle : ainsi, on vous a tant baratiné avec les Jeux olympiques de 2012 à Paris que vous en êtes presque à croire qu’ils ont déjà eu lieu, alors que c’est pour dans sept ans et peut-être bien ailleurs, ainsi, sur un mode mineur, on vous annonce que les plaques minéralogiques de vos voitures vont bientôt changer, en ajoutant parfois, vite fait et à voix basse, que cela ne se fera pas avant 2008, ainsi, plus sérieusement, la porte du référendum à peine refermée, s’ouvre directement et sans transition celle des élections présidentielles et législatives de 2007, parce qu’un couloir de deux ans où le pouvoir serait contraint d’apporter des solutions au désarroi du peuple tandis que l’opposition ne lui lâcherait jamais les basques plutôt que de le protéger en espérant la réciproque le moment pour elle venu d’être au gouvernement, c’est vraiment trop long quand on ne caresse pas d’autre ambition que d’être cacique à la place du cacique.
Bien sûr, l’appétence pour la prospective est une tendance bien humaine tout à fait souhaitable, toutefois cette perpétuelle fuite en avant des responsables politiques donne à penser que la gestion du quotidien n’intéresse guère ceux pour qui le quotidien n’est jamais un problème.
Seule contradiction pour l’instant à cette extraordinaire faculté qu’a le temps de se contracter afin de coïncider avec les aspirations de nos gouvernants et décideurs, la ductilité que lui prête Dominique de Villepin en étirant sur trois mois un chômage normalement vaincu dès demain
Sera-ce suffisant ou faudra-t-il que demain dure jusqu’à l’élection de Sarkosy ?
Mathias Delfe