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Si l’on part du principe que l’humain est un animal social, l’organisation peut donc paraitre effectivement comme cette condition naturelle qui pousse l’individu à s’associer à d’autres afin de pouvoir s’assurer une vie décente, ou au moins, la pérennité de sa vie. Face à la complexité qui caractérise les aspirations sociales des êtres humains, toute société humaine s’en trouvera donc nécessairement organisée selon des relations inter individus et inter groupes rappelant cette complexité et y répondant de diverses façons. Une société, telle la société capitaliste actuelle, au travers de sa conception erronée du vivant, et y trouvant pour ses nantis un avantage certain, développe des relations axées sur la domination et la soumission, l’aliénation et la collaboration. Une telle forme d’organisation ne pouvant correspondre aux aspirations profondes et réelles de la vie, il en émerge fort heureusement une critique plus ou moins radicale à même de proposer et construire des alternatives à ce qui parait être à un nombre croissant de personnes un non-monde, une impasse destructrice. La question qui se pose alors est de savoir de quelle façon l’on pourrait, non pas remplacer un système par un autre comme je l’ai expliqué dans les textes précédents (Anarchisme et écologie sociale 3 notamment), mais faire en sorte que nous puissions réorganiser les rapports entre nous de telle façon que la société humaine, résultante des différentes formes d’associations et de coopérations, redevienne une structure en perpétuelle développement. Il faut alors bien comprendre que le développement dont il s’agit ici n’a rien à voir avec ce qui est en oeuvre dans le monde capitaliste avec l’aide de la techno-science, mais correspond en réalité à la recherche incessante de l’adaptation de la société aux besoins réels de ceux-celles qui la composent, de leurs désirs, leurs aspirations désaliénées. Les personnes composant une société n’ont en aucune manière la nécessité de s’adapter à un développement théoriquement immanent à celle-ci, une sorte de « marche ou crève » dont se repait le capitalisme, un cycle de mort comme d’une loi prétendument universelle imposant de l’extérieure son rythme effrénée. C’est au contraire à la société de pouvoir s’adapter à l’évolution du vivant au travers des êtres qui la composent, de pouvoir répondre grâce à ses formes d’organisation à leur recherche permanente d’autonomie ; cette recherche d’autonomie impliquant une inter dépendance des individus entre eux, facteur de réalisation de société.
« La notion d’autonomie me semble donc la clef pour comprendre le monde vivant dans sa richesse, sa prodigalité et sa diversité. A l’opposé d’une vision désenchantée inspirée par les sciences de l’inerte et du mort, elle redonne à la nature un sens, une orientation générale, sans pour autant lui fixer une finalité, une direction déterminée, et encore moins un but, un accomplissement précis ou un terme. C’est bien en ce sens que cette notion est « anti-progressiste », elle nous délivre d’un « sens de l’Histoire » qui serait prétendument garanti par quelque puissance surnaturelle, nécessité (idéo)logique (les « lois d’airain du développement historique » que prétendait nous révéler le marxisme) ou fait accompli (le « il n’y a pas d’alternative » que prétend nous imposer le capitalisme). Surtout dans une époque où l’activité autonome est à ce point dévalorisée et combattue, tant chez les êtres vivants que chez les êtres humains, elle nous redonne toute confiance en notre initiative et liberté d’action en nous apprenant, qu’aussi insignifiantes soient-elles, ces dernières trouveront écho et résonance auprès d’autres activités autonomes. Ainsi, nous renouons avec l’histoire comme tâche à accomplir. » Bertrand Louart in « L’autonomie du vivant » présentation d’un projet d’ouvrage
Si donc l’organisation est indispensable à une réalisation de la vie humaine en société, le « faire société » étant le moyen et non le but de cette réalisation, elle l’est tout autant au sein de la société aliénante actuelle en tant que lieux multiples et articulés d’expérimentations et de confrontations des individus avec la réalité, et leurs réalités. De l’intérieur même de ces organisations de toutes natures, prend forme une orientation découlant des expériences diverses, donnant au mouvement de l’agir social un sens, des principes, nés de ce qui devient connus comme étant les (com)possibles alternatifs de vie en société. Le sens né du désir de changer le monde inique qui broie nos vies, d’anéantir la méga-machine de destruction massive, engendre logiquement des accords entre les personnes impliquées dans ce mouvement. Accords qui représentent des bases communes, reformulables selon les expériences menées, aptes à devenir des « voies de raison » nous permettant de donner une orientation aux forces résultantes issues des situations au sein desquelles nous vivons, évoluons et luttons. Ces bases communes ne sauraient être comparées à des positions idéologiques, qui deviendraient alors des principes extérieurs aux composantes de l’organisation, celles-ci ayant dans ce cas le devoir de s’y plier et « d’intérioriser » des codes de pensées et de conduite issues d’une autorité sensée représenter l’orthodoxie. Mais cela peut toujours représenter une dérive pour toute organisation. C’est la raison pour laquelle la question de savoir si s’organiser dans un but politique peut représenter pour les libertaires la meilleur solution mais surtout la plus efficace afin d’éviter toute dérive sectaire et exclusive reste toujours aussi brulante.
S’organiser ne signifie pas forcément, dans une vision holiste des choses, arranger une uniformité de pensée et d’agir selon un programme prédéfini, le plus souvent par une élite intellectuelle. Bien au contraire, c’est la diversité qui devrait être le moteur de l’organisation, non la recherche de conformité idéologique, à partir du moment où chaque individu et groupe au sein de l’organisation donne un sens à ses actions en adéquation avec les bases communes définis collectivement et de façon constante. C’est la raison et le sens de l’autonomie, comprise et acceptée, par toutes et tous pour toutes et tous. Cet exercice permanent organisationnel construit le noyau d’une nouvelle société, une société communiste libertaire s’élaborant au fil de la vie de la richesse de la diversité des formes d’actes et de pensées. Le communisme ne représente plus ici un vague idéal vers lequel il faudrait tendre selon une élite éclairée (et clair-voyante !), mais une construction bien actuelle de nos pensées, nos agir, nos expérimentations, nos échecs et nos réussites. Il est un monde nouveau en gestation et que nous avons la responsabilité de faire progresser et évoluer afin d’engloutir l’ancien dans un océan de désir.....et de révoltes aussi bien sûr !
La politique n’est pas l’antithèse de l’agir, l’un et l’autre se complète dans l’ouvrage d’élaboration d’une véritable alternative. Il est seulement important de préciser que la politique ne devrait pas avoir la prééminence sur l’agir pas plus qu’elle ne saurait être un préalable absolu à celle-ci à moins de devenir, sinon un instrument de coercition, mais un facteur de dénigrement et d’annihilation de la puissance, de la dynamique créatrice de vie (et c’est la tendance fâcheuse régnant au sein des partis politiques !). A ce titre, plus que la forme que peut prendre une organisation (temporaire ou pérenne, basée ouvertement sur un idéal – libertaire par exemple - ou non), c’est sa capacité à créer des dynamiques avec d’autres formes organisationnelles qui lui donne une véritable aptitude politique à réaliser un devenir social à partir des multiples expériences issues de ses relations constructives et conflictuelles ; et ce d’autant plus que ces relations ne se font pas uniquement avec d’autres structures partageant strictement les mêmes idéaux qu’elle. La politique est une rencontre nécessaire, une appréhension du vécu, enrichissant de façon permanente le domaine du devenir révolutionnaire et réellement apte à lui donner en temps réel la saveur de l’actuel.
Que se soit pour la réalisation d’une revue militante ou la tenu de débats ou de prises de décisions, que se soit au sein d’expériences communautaires, de zones de gratuité ou d’actions directes de toutes natures, la recherche d’autonomie individuelle qui se trouve en réalité sous-jacente à toutes ces formes d’agir collectives ne peut trouver à s’épanouir de quelque façon sans « les autres », ceux et celles avec qui l’on partage ces moments d’insoumissions créatrices. L’autonomie est aussi une recherche de reconnaissance, de sens, d’inter dépendance, de liens structurant la vie en société et mettant en pratique le fait que la liberté de l’un est conditionné par la liberté des autres. Toute la question est de savoir comment faire en sorte que l’on puisse s’organiser afin que s’épanouisse pour chacun(e) à sa façon sa propre liberté, condition de réussite d’un projet collectif respectueux des êtres et de leur nature. Car, l’initiative des individus, n’a pas à craindre l’organisation, malgré les risques possibles inhérents à celle-ci dans certains cas :
« Mais, nous dit-on, une organisation, cela suppose l’obligation de coordonner sa propre action avec celle des autres, ce qui viole et entrave l’initiative. Il nous semble, à nous, que ce qui prive réellement de liberté et rend l’initiative impossible, c’est l’isolement qui réduit à l’impuissance. La liberté n’est pas le droit abstrait mais la possibilité de faire quelque chose : c’est vrai pour nous, et aussi pour la société en général. C’est dans la coopération avec les autres hommes que l’homme trouve la raison d’être de son activité et de son pouvoir d’initiative. » Errico Malatesta in L’agitazione 11 juin 1897
Si l’« ici et maintenant » représente pour le militant « alternatif » le point d’ancrage de la subversion envers le système anti-vie, le moment de l’adéquation de son insoumission créative avec le réel, il ne saurait se suffire à lui-même dans une optique d’évolution et de révolution sociale. L’acte, à moins de ne devenir que satisfaction individuelle face à la rancoeur que procure la société honnie, action isolée et condamnée à l’être, se doit à mon sens d’enrichir la pensée politique commune et apporter ainsi au projet anti-autoritaire que nous portons et bâtissons les expériences et énergies indispensables à sa réalisation actuelle et à venir.
C’est la raison pour laquelle il n’y a pas vraiment d’antagonisme entre l’organisation politique pérenne (non partidaire !) et des structures et associations informelles plus ou moins temporaires, car tout dépend en fait de la façon dont les unes savent enrichir les autres de leurs apports à la pratique et la théorie alternative. De leurs inter-relations en découle l’aptitude à ne pas céder aux effets de modes qui ont tendance à rejeter un aspect de l’action politique au profit tout relatif de l’autre. Le danger en ces temps incertains et de doute est bel et bien de céder à des croyances qui peuvent amener à penser que seul l’agir pratique et expérimental peut être à même de changer le monde en nous privant de la réflexion et de la mémoire politique indispensables à l’élaboration de toute société humaine. Bâtir un autre monde à la mesure de l’assomption de nos responsabilités envers ce que l’on ressent et comprend du système où l’on vit, c’est aussi s’efforcer de donner une direction, même imprécise, vers où l’on désir aller.....
Libertat