Engagé depuis plusieurs années, un vaste plan de réforme vise à moderniser et rentabiliser Presstalis, principale entreprise de distribution de la presse en France, qui contrôle actuellement 80% du marché. Jusqu’à présent, force est de constater que cette initiative a surtout abouti à une baisse drastique des effectifs et à des coûts de restructuration qui, ajoutés à un recul du volume d’affaires (ventes réalisées), ont mis Presstalis au bord du dépôt de bilan. En 2009, ses pertes nettes atteignaient 26,5 millions d’euros. La situation d’urgence, propice aux “décisions douloureuses”, explique sans doute le fait que la recapitalisation de Presstalis par les éditeurs et le groupe Lagardère, ainsi que l’aide de l’État, ont été conditionnées à une restructuration en profondeur de l’entreprise. Celle-ci comprend, entre autres, une refonte des barèmes (les tarifs facturés aux éditeurs), qui refléteront désormais le « coût réel » de la prestation de la messagerie de presse, et qui entreront en application au 1er octobre 2010. Ainsi, Presstalis rompt avec l’un des derniers axes subsistant de la loi Bichet (qui encadre, depuis 1947, la distribution de la presse), fondé sur une certaine péréquation des coûts de la distribution, en particulier pour les titres d’information politique et générale.
Seront désormais
facturés à tous les éditeurs, ce qu’on appelle les “appoints” : ce
terme technique désigne l’opération manuelle, consistant à extraire des
liasses standards le nombre d’exemplaires complétant les quantités
demandées par les dépositaires (lesquels les ventileront, ensuite, vers
les marchands de journaux). Par exemple, pour 67 exemplaires commandés
par tel dépositaire, l’opérateur expédiera une liasse de 50 exemplaires
fournie par l’éditeur, et “cassera” une autre liasse pour y prélever les
17 exemplaires manquants. Il est évident que pour les “gros” titres,
cette mesure ne représente rien. Lorsqu’on livre des milliers
d’exemplaires à chaque dépositaire du réseau, une liasse complète de
plus ou de moins n’a pratiquement pas d’importance. Ainsi, nombre
d’éditeurs de la presse bourgeoise pourront échapper à un dispositif qui
s’avérera particulièrement coûteux pour les autres. Ceux-là, dont la
diffusion ne dépasse guère le millier d’exemplaires, sont
systématiquement soumis à “l’appoint”, car les quantités réclamées par
les dépositaires sont, en comparaison, infinitésimales. Et, pour
reprendre l’exemple donné plus haut, ils ne pourront livrer deux liasses
de 50 exemplaires au dépositaire qui a commandé 67 exemplaires, à moins
de prendre le risque d’augmenter dangereusement les invendus (dont
l’importance joue également sur la facturation de Presstalis)...
Conséquence directe pour le Monde libertaire : un coût de distribution
de l’ordre de 120% ! Ironie du sort, notre titre appartenant à la
famille d’information politique et générale, bénéfice tout de même d’une
mesure de protection : nous ne pouvons être débiteurs, aussi le coût en
est ramené à 100%. Merci Presstalis...
Pour ne parler que des
titres libertaires, tous sont concernés, et tous seront touchés dans une
mesure comparable. Aussi, la refonte des barèmes adoptée par Presstalis
conduira rapidement à l’asphyxie économique d’une partie de la presse
d’opinion opposée à la logique marchande et à la raison d’État. Il est
dit qu’au titre de la « garantie du pluralisme » sur l’ensemble du
territoire, l’État abondera une aide à hauteur de 18 millions d’euros.
En admettant qu’il soit concerné, le Monde libertaire n’entend pas se
mettre sous perfusion d’État, alors que si peu d’efforts sont déployés
pour rendre notre titre visible - et par là même accessible - dans les
kiosques. Depuis 1954, l’hebdomadaire de la Fédération anarchiste, sans
maître et sans publicité, doit son existence, d’abord, à l’effort de ses
militants et à la fidélité de ses lecteurs. Cela étant, nous
n’acceptons pas l’abandon du principe de péréquation qui a toujours
prévalu, notamment pour les titres d’information politique, et qui
s’approchait un peu d’un des grands principes défendus par les
libertaires : De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.
Nous appelons donc l’ensemble des libertaires à nous rejoindre dans la
lutte pour la défense de nos moyens et de notre liberté d’expression.
Fédération anarchiste 145 rue Amelot 75011 Paris
http://www.federation-anarchiste.orgrelations-exterieures(a)federation-anarchiste.org
9 septembre 2010