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L'En Dehors


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Pour que nettoyage ne rime plus avec esclavage
Lu sur Pénélopes : "Faty Mayant, femme de chambre pour Arcade depuis 1989, a décidé de ne pas se laisser exploiter. Aujourd'hui déléguée au sein de SUD Nettoyage, elle a été la meneuse d'une grève qui a duré un an. Une de ses principales revendications : une heure travaillée doit être une heure payée. D'origine sénégalaise, Faty Mayant sourit quand elle se souvient de son arrivée en France, en 1981. « Je ne parlais pas un mot de Français. Je ne comprenais rien du tout. Alors j'ai commencé par faire un stage de langue, pendant trois mois, avec l'association "Accueil et promotion " ». En 1989, quand elle commence à travailler comme femme de chambre, c'est son premier emploi. Elle a choisi de travailler, bien sûr pour ramener de l'argent mais aussi parce qu'elle ne voulait pas rester femme au foyer. Elle n'est pas du genre à se plaindre mais reconnaît que son métier est « un métier dur, oui. Nettoyer plus de vingt chambres par jour, ça casse le dos. » Et en tant que mère de famille, les journées sont d'autant plus longues. « Mon mari m'aide pas mal à la maison, il fait les courses, souvent le ménage aussi. Mais pour certaines, c'est vraiment trop dur. Il y en beaucoup qui ont arrêté à cause de ça. Elles ne démissionnent même pas. Un jour, elles partent et ne reviennent plus. »

Des horaires élastiques
Faty Mayant se rend vite compte que quelque chose ne tourne pas rond. Sa fiche de paye, comme celle de ses collègues ne correspond pas aux heures travaillées et cela en toute légalité et en toute impunité. Les femmes de chambre sont payées, (au SMIC, on s'en doute), un certain nombre d'heures établi par contrat. Jusque-là rien d'extraordinaire, mais, et c'est là que l'affaire frôle l'esclavage, elles doivent nettoyer de 3 chambres par heure pour un hôtel Mercure à 5 chambres par heure pour un Formule 1, chiffres irréalistes ou supposant des cadences tout bonnement infernales. Elles sont donc payées 6 heures de SMIC pour travailler parfois beaucoup plus. « Par contre s'il n'y a pas assez de chambres pour que chacune ait son quota de vingt à trente chambres par jour, alors là, on compte des heures d'absence, retenues sur ta paye.C'était pénible, je m'en rendais déjà compte, dit Faty Mayant, mais une seule personne ne peut pas agir. »

Syndicat frileux
Et puis, petit à petit, « on a commencé à parler entre nous, à se dire que c'était plus possible comme ça. Un délégué CFDT est venu nous voir. Il nous a dit : « Moi, je peux vous aider, mais il faut d'abord adhérer au syndicat. ». C'est comme ça que les premières actions collectives ont commencé pour les femmes de chambre de la société Arcade. « Le délégué CFDT a ensuite fait une pétition. Et en 1998, nous avons obtenu du patron une prime de fin d'année de 1 500 francs. Certains contrats ont été revus à la hausse, passant de souvent de 4 à 6 heures. »
Si certains ont pu s'en satisfaire, pour Faty Mayant, ce n'a été qu'un premier pas voire un peu de poudre aux yeux. Elle regrette les dissensions internes à la CFDT : « On était à la CFDT cheminots et la CDFT nettoyage ne voulait pas que la CFDT cheminots nous défende. Et après, quand le délégué syndical a été licencié, il n'a reçu pratiquement aucun soutien de la part du syndicat. » Elle attend plus que cela de l'action collective. « La CFDT, c'est voilà, on paye la carte, on a une petite prime de fin d'année… Mais la revendication c'est pas ça. C'est travailler 8 heures par jour, payées 8. » Cette première action lui a tout de même prouvé qu'avec beaucoup de détermination et surtout, toutes ensemble, les salariées ont un pouvoir sur leurs conditions de travail. C'est donc décidé, Faty Mayant ne baissera pas les bras et en 2001, elle et ses collègues adhèrent à SUD.

Un an de grève
« Un jour ils font une proposition, l'autre ils la retirent », soupire Faty Mayant en parlant des dirigeants d'Arcade. « Alors arrive un moment où il faut frapper fort. » Les femmes de chambre se mettent en grève. Le 7 mars 2002 est le premier jour d'une grève qui durera un an, pratiquement jour pour jour. "C'est dommage, on a repris le travail 3 jours avant la date anniversaire du début de la grève," dit-elle avec malice. A n'en pas douter, la grève évoque de bons souvenirs à cette femme qui croit fermement que l'union fait la force. Si on lui parle des craintes qu'elle a pu avoir en entamant la grève, elle n'évoque ni la peur d'être licenciée ni non plus les contraintes financières. « Quand il y les autres autour de toi, ça donne du courage. Le plus important, c'était surtout que personne ne lâche le mouvement, qu'on reste toutes solidaires. » Au début, ils étaient 35 employés en grève, dont seulement 3 hommes. Un an plus tard, ils étaient encore 21 a avoir tenu le cap.
Les femmes de chambre combattent férocement avec leurs armes. En mai, elles occupent un hôtel. Leur mouvement se médiatise, plusieurs articles paraissent dans Libération, l'Humanité… France 3 vient les filmer à plusieurs reprises. Quand la direction essaie de mettre toutes les personnes qui ont fait la grève dans un même hôtel « pour se débarrasser d'elles », dans un Etape ou Formule 1, elles tapent de nouveau le poing sur la table. « Passer des hôtels Mercure, Ibis et Novotel aux Formule 1, ça voulait dire passer de 3 à 5 chambres par heure. »
Finalement, un jour, « on m'a dit "tout le monde a repris le travail, tu es la dernière", alors j'ai recommencé. Avant, je ne me laissais pas faire non plus, précise Faty Mayant. Mais la grève a vraiment été utile. » En plus de l'obtention d'une charte sociale de bonne conduite avec Arcade et Accor, la grève a rendu visible la dimension indéniablement collective des revendications. « On a rencontré plusieurs fois la direction pour négocier. Les patrons voulaient qu'on se rencontre, tout le monde, tous les grévistes, parce qu'ils pensaient que c'était nous, les déléguées, qui empêchions les autres de parler. » Les dirigeants espéraient décrédibiliser le mouvement en accusant les déléguées de confisquer la parole des autres travailleuses. Ils se sont retrouvés confrontés à un groupe qui faisait bloc. « SUD nous a beaucoup soutenues. » Les autres syndicats, beaucoup déçues. « Personne n'est venu à la grève, sauf la CNT et la CGT collective. »

Le combat au quotidien
Aujourd'hui, Faty Mayant continue de dénoncer les dérives dont sont victimes les femmes de ménage, dans tous les secteurs. « Il y en a qui ont choisi de quitter Arcade après la grève ; moi je leur ai dit que ça ne servait à rien, c'est partout pareil. Pour celles qui nettoient les bureaux, c'est même parfois pire, parce qu'elles travaillent très tôt le matin et ensuite tard le soir. »
Difficile aussi de faire le lien entre toutes les nettoyeuses, souvent isolées ou en très petits groupes, changeant souvent de poste. La plupart sont d'origine étrangère, ne maîtrisent pas toutes le Français et sont très peu conscientes de leurs droits. « Les gens ne se syndiquent pas. Il y en a qui connaissent même pas les syndicats. Bien sûr, quand on leur explique, il comprennent, mais je n'ai pas assez d'heures pour faire le lien avec tout le monde. »
Alors pour le moment, regrettant l'absence de revendication annuelle chez les syndicats de nettoyage, Faty Mayant réagit au cas par cas. Elle essaie « d'aider les autres au mieux », de les faire profiter de ce qu'elle a appris au cours de sa lutte. A celles qui n'ont pas fait la grève, elle dit de se méfier : « Quand le patron est gentil avec toi parce que tu travailles beaucoup, n'oublie pas que le jour où tu commences à réclamer plus, il va chercher le pépin pour te faire partir. Pareil, le jour où il trouvera que tu as trop d'ancienneté, il fera tout pour embaucher une nouvelle personne à ta place. » Elle accompagne aussi les femmes convoquées par la direction, fait le lien avec le syndicat, tape des courriers pour elles, garde les yeux toujours ouverts et est toujours prête à défendre bec et ongles ses collègues. « Une femme, revenue travailler après ses trois ans de congé parental, a été convoquée au bureau de son chef. On lui a dit qu'on ne retrouvait plus son dossier et on lui a fait signer un contrat daté du jour même. Elle perdait ainsi toute sa prime d'expérience. Je lui ai demandé de m'apporter ses anciennes fiches de paye. On a fait un premier courrier mais personne n'a répondu. S'il le faut, on ira au prud'homme. »

Le 11 mai 2004, Faty Mayant recevait une lettre de la société Arcade lui notifiant son « licenciement pour faute grave ». Arcade lui reproche d'avoir dépassé son nombre d'heures de délégation autorisé. SUD Nettoyage est bien déterminé à utiliser les recours juridiques pour faire annuler la décision. Faty Mayant, quant à elle, croit plus que jamais en son action syndicale. « Si on me licencie, ça veut dire que mon action est efficace. » Un conseil aux autres femmes ? « Qu'elles se syndiquent bien sûr ! »

Guilaine Trossat - mai 2004
Ecrit par libertad, à 21:35 dans la rubrique "Social".



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