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L'En Dehors


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Passage au sonacotra
--> ils se sentent perdus
Quand on arrive dans un foyer sonacotra, la première chose que l’on vous dit c’est : « on ne dit plus sonacotra et on ne dit plus foyer. Aujourd’hui ce sont des résidences adoma. » C’est génial. Juste en changeant le nom de ces bâtiments immondes on en fait des lieux de plaisir, vous imaginez ? des résidences ! rien que ça. On donnerait tout pour vivre en résidence, adoma, j’adore ça !

Le règlement aussi a changé, avant ces foyers étaient ouverts au personnes immigrées venues du Maghreb, qui n’avaient personne, ou qui se trouvaient dans une situation financière difficile. Ce sont les premiers à être venus en France, ce sont eux qui ont construit nos maisons, celles des autres. Ces pionniers habitent encore ici, ça va faire 40 ans pour certains. Mais le règlement a changé, ils n’y peuvent rien. Aujourd’hui, les résidences sont destinées aux personnes en situation d’urgence sociale. Mais elles ne peuvent rester qu’un an, renouvelable si « bonne conduite », c’est gai : on se croirait en taule. Les premiers, les vieux Maghrébins, sont presque privilégiés du coup : bon, eux aussi ils vivent dans une chambre de 7m2 mais au moins ils pourront rester tant qu’ils auront de quoi.
Pourquoi restent ils d’ailleurs ? Ici l’hiver est rigoureux, ici personne ne les respecte, ici ils n’ont personne. Ils restent parce qu’ils sont tout cassés. Une vie entière dans le bâtiment, ça laisse des traces et ici, en France, ils sont soignés. Mais il y a aussi la honte qui rythme leur quotidien. Ils n’ont pas vu leurs enfants depuis des décennies, ils refusent d’être un fardeau. On a d’ailleurs l’exemple de celui qui s’est pendu dans sa chambre lorsque l’assistante sociale a trouvé un moyen de le faire accompagner chez ses enfants, au Maroc. Il avait 62 ans et en faisait 20 de plus.
Maintenant, ils ne sont plus les seuls à habiter ici, ils ont de la compagnie. On trouve les femmes battues qui se sont échappées, mais qui dans un an seront dehors à nouveau. On trouve les SDF ramassés dans les rues par divers centres d’accueil, ceux qui sont jugés viables atterrissent ici, où ils sont fliqués comme des gosses pour rester propre et ne pas jeter leurs ordures n’importe où. Les autres, les pas viables, bon courage. « ce qui importe dira la directrice c’est qu’ils renouent avec la citoyenneté. N’oubliez pas qu’ici vous avez affaire à des adultes qui ont trois ans d’âge mental, il faut tout le temps les surveiller et tout leur réapprendre. »
On ne peut pas lui en vouloir, il y a 212 personnes dans le foyer dont elle s’occupe, mais il n’y a qu’un salarié et demi. Dur, très dur de mettre de l’ambiance. On en arrive au point que certains des jeunes résidents confient qu’ils ne viennent au foyer que pour les douches de temps en temps. C’est tellement horrible qu’ils habitent dans une tente au bord de la rivière.

flugute

Ecrit par flugute, à 21:26 dans la rubrique "Social".



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