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Lu sur zombiemedia : Une des critiques habituelles de la pensée anarchiste vise sa vision du futur, son application concrète ; on lui reproche habituellement de définir clairement ce à quoi elle s'oppose - l'autorité, le capitalisme, la propriété privée, le profit - , d'affirmer haut et clair les principes qu'elle promeut - liberté, fraternité, égalité - mais de rester vague sur ce qu'elle propose comme alternative viable et crédible. Conceptualiser une alternative économique viable et crédible basée sur les principes anarchiques est la motivation des créateurs du système PARECON ; Robin Hahnel, professeur d'économie à l'Université de Washington et Michael Albert, activiste américain bien connu. Leur modèle de l'économie participative - PARECON, qu'ils appellent parfois "économie anarchiste" - se veut une alternative concrète au système économique mondial actuel.
Dans ce qui suit, je vous propose un bref résumé du système PARECON, basé sur un excellent article de Normand Baillargeon : Une proposition libertaire : l'économie participative, publié dans Ao ! Espaces de la parole et dans Agone.
Les principes derrière PARECON
Pour reprendre les mots des auteurs de PARECON : "Nous cherchons à définir une économie qui distribue de manière équitable les obligations et les bénéfices du travail social ; qui assure l'implication des membres dans les prises de décision à proportion des effets que ces décisions ont sur eux ; qui développe le potentiel humain pour la créativité, la coopération et l'empathie ; et qui utilise de manière efficiente les ressources humaines et naturelles dans ce monde que nous habitons - un monde écologique où se croisent de complexes réseaux d'effets privés et publics. En un mot : nous souhaitons une économie équitable et efficiente qui promeuve l'autogestion, la solidarité et la variété." [1]
PARECON est un système économique complètement différent du système capitaliste actuel ; y sont bannis le marché (capitalisme), la planification centrale (social-démocratie, communisme centralisé, etc.), toute hiérarchie du travail (patron vs employé) et le profit. Ainsi, PARECON propose une troisième voie, celle que l'anarchisme propose idéologiquement ; non pas le marché, non pas les systèmes centralisés, mais bien un système décentralisé, démocratique, participatif et égalitaire. Et le système PARECON propose un système viable et réalisable, qui d'ailleurs est déjà appliqué dans plusieurs milieux de travail désireux de mettre ces principes en oeuvre.
Le système économique participatif se base sur cinq principes de base : l'efficience économique, l'équité (définie par un système de paiement selon l'effort, contrairement à un système de paiement selon la contribution et/ou la propriété pour les tenants du marché et à un système de paiement selon le besoin pour les tenants du communisme), l'autogestion, la solidarité et la variété (diversité). Il démontre initialement que ni le marché ni la planification centrale ne favorise ces critères ; "(...) ils concluent que loin d'être cette institution socialement neutre et efficiente dont on vante parfois les mérites, le marché érode inexorablement la solidarité, valorise la compétition, pénalise la coopération, ne renseigne pas adéquatement sur les coûts et bénéfices sociaux des choix individuels (notamment par l'externalisation), suppose la hiérarchie du travail et alloue mal les ressources disponibles." De même, les auteurs montrent que le système de planification centrale "détruit systématiquement l'auto-gestion, empêche la détermination par chacun de préférences personnelles qui prennent en compte de manière raisonnable les conséquences sociales de ses choix. Au total, la planification centrale promeut la montée d'une classe de coordonnateurs en plus de générer de bien piètres résultats." [2]
L'économie participative concrètement
Nous voilà donc sans marché ni système économique centralisé ! Que propose donc PARECON ? Sans vouloir expliquer en détail, je me contenterai de résumer les principales propositions du systèmes.
Coonformément aux cinq principes édificateurs de l'économie participative, elle refuse la propriété privée des moyens de production, toute organisation hiérarchique des milieux de travail ainsi que des relations de consommation. Son pari est de s'assurer que chacun sera en mesure de prendre part aux décisions proportionnellement à ce qu'il sera affecté par ces dernières.
L'organisation du travail de PARECON propose un concept fort simple mais innovateur, l'ensemble équilibré des tâches (Balanced Job Complex). Dans cette alternative, il n'y a pas d'emploi proprement dit, il n'y a qu'ensemble de tâches. Ainsi, chacun se doit d'effectuer un ensemble de tâches qui est comparable à celui de tous les autres travailleurs, du point de vue des avantages, des inconvénients et de son impact. Les auteurs argumentent qu'une telle organisation est efficiente, équitable et que par définition elle encourage l'autogestion. De plus, ils soutiennent qu'une telle organisation du travail permettrait à tous de développer leurs talents "socialement utiles", contrairement à l'élite minoritaire qui, dans un système capitaliste, a la chance de développer pleinement ses talents.
Un autre élément de PARECON est les conseils de consommation. Chaque individu ou famille appartiendra à un conseil de consommation de quartier, qui eux appartiennent à une fédération, et ainsi de suite jusqu'au conseil national. Et ce que produiront les lieux de travail sera décidé directement par les conseils de quartier. Donc pas de production inutile, mais autogestion et variété assurées. De plus, pour s'assurer de l'égalité économique, le niveau de consommation de chacun sera déterminée par son effort dans son lieu de travail, évalué par ses collègues de travail ; ce processus renforce directement la solidarité des travailleurs, et agit comme incitatif au travail - incitatif non matériel, bien différent de l'incitateur matériel du système capitaliste - ce qui répond directement aux critiques du système anarchique argumentant qu'un tel système ne serait pas en mesure de motiver les gens à travailler suffisamment pour assurer un niveau de vie acceptable pour tous. En outre, le système d'allocation sera participatif et décentralisé. Les auteurs ont étudié avec minutie de tels systèmes d'allocation, jusqu'à en produire un modèle formel efficient et démocratique.
Un meilleur monde est possible !
Bref, PARECON se veut une alternative concrète, crédible et viable au système capitaliste, reprenant les principes anarchiques sous un nouveau jour. Créé au début des années 1990, ce système est aujourd'hui très documenté, argumenté, débattu et mis en pratique dans certains lieux de travail. Albert et Hahnel ont écrit plusieurs livres argumentant les principes de bases, les fonctionnalités et l'applicabilité de PARECON, et plusieurs débats entre critiques et tenants ont déjà eu lieu. Fait à noter, la majorité des critiques de PARECON ne se base pas sur la non faisabilité du système participatif, mais plutôt sur sa désirabilité ; l'économie participative a rempli son pari de créer un système économique quasi-anarchiste concret, crédible et applicable dès aujourd'hui pour ceux qui le désirent.
À tous ceux qui croient qu'un meilleur monde est possible, et que la liberté, la solidarité, la démocratie, l'auto-gestion, la diversité et l'égalité se doivent de retrouver la dignité qui leur revient, le système PARECON mérite attention et mis en place ! Comme première approche, je vous recommande fortement Une proposition libertaire : l'économie participative sur lequel ce texte se base principalement. Mais pour une analyse plus profonde, le site anglophone du projet PARECON contient une mine d'informations très pertinente sur quasiment tous les aspects de PARECON ainsi que des forums de discussion pour les débats sur PARECON et les réflexions et expériences des gens tentant d'implanter le système PARECON dans leur milieu de travail. Le site de Z Magazine, le magazine indépendant dont Michael Albert fait partie, contient aussi beaucoup d'informations sur PARECON.
Si, pour certains, réfuter la propagande néo-libérale que l'ordre des choses actuelle et que le marché sont nécessaires et le meilleur des maux nécessite la proposition d'une alternative concrète et viable, PARECON se veut une telle alternative... Qu'elle soit la bonne est évidemment loin d'être assuré, mais l'économie participative peut s'accorder le grand mérite de proposer une réalisation crédible dans la société actuelle de la troisième avenue tant désirée par les anarchistes de toujours...
Vincent Bouchard
Commentaires :
gyhelle |
Un des bouquins d'Albert sur le sujet est paru en français : http://atheles.org/agone/contrefeux/apreslecapitalisme/
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Rakshasa 21-11-06
à 15:03 |
Très vite...à chaudLa Balanced Job Complex semble être ce qui s'appelle depuis longtemps la rotation des tâches mais avec un aspect plus contraignant, partage obligatoire de toutes les tâches. ( Je vais me renseigner plus, le texte ici présent n'est peut-être pas assez précis).
Dans ce cas, quelle égalité, puisqu'on ne tiendrait pas compte des capacités et des potentiels de chacun et que chacun peut mettre en oeuvre. Un systême d'auto-évaluation semble moins autoritaire, et plus soucieux de l'individu. C'est d'ailleurs ce qui se fait dans la pédagogie libertaire. L'évaluation de l'effort sur le lieu de travail par les collègues, qui déterminerait le niveau de consommation du travailleur, voilà qui fait peur. Ca me semble ouvrir la porte au stakhanovisme et surtout au crépage de chignon, aux luttes d'influences et finalement à une hiérarchisation des rapports. Une contradiction réside dans le fait que se sont des conseils de consommation (dont feraient aussi partie les travailleurs normalement, en dehors de la structure de production ?), qui décident de la production en fonction des besoins, mais c'est le conseil d'usine qui décide de la rémunération du travailleur selon l'effort fourni et non plus selon les besoins (bancale et incohérent cette histoire). En résumé, produire selon les besoins mais rémunérer selon l'effort: qu'advient-il des besoins? Enfin, c'est peut-être une question de traduction, mais le terme "participatif" accolé à libertaire et anarchiste "ça pique les yeux", quand on sait que le modèle politique participatif est proné par la bourgeoisie de gauche. Néanmoins, il s'agit d'un systême décentralisé qui ressemble au fédéralisme autogestionnaire qui lui n'est pas nouveau et semble pourtant moins rigide. Répondre à ce commentaire
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toto2 21-11-06
à 16:37 |
Re: Très vite...à chaudOK avec rakshana : participatif sent le souffre. l'effort sent le souffre. l'autosurveillance mutuelle en prod sent le souffre. quant aux besoins, moi j'en reste à Epicure qui classe les besoins ou plaisirs en 3 catégories : 1 :naturels et necessaires : (eau) 2 :naturels et non necesaires (vin) 3 : non naturels et non necessaires : TV Il est tout à fait important d'identifier les besoins collectifs et la repartition dans le classes 2 et 3 en discutant longtemps (politique) mais pour fonctionner rapidement lors de mise en place il faut se limiter au depart à 1. Qui concerne les besoins vitaux. hors de question d'avoir des surplus de produits du travail (risque de derive vers l'état). Hors de question aussi d'exclure un humain du minimum vital (en dehors des artifices bancals de l'etat et du commerce, l'humain n'a pas tendance au parasitisme). par ailleurs, consulter aussi le distributisme : http://www.prosperdis.org/ Répondre à ce commentaire
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gyhelle 21-11-06
à 18:05 |
Re: Très vite...à chaudRakshasa :
Balanced Job Complex, c'est un terme anglais pour la rotation des taches effectivement. Ce n'est pas le partage obligatoire de toutes les taches, mais le partages entre tous des taches, c'est à dire que ce n'est pas que tous le monde doit travailler sur tout mais que chacun à des taches faciles et gratifiantes et des taches pénibles et peu gratifiante à effectuer. C'est utile pour faire disparaitre la division du travail, et ne pas se retrouver avec des classes et des hierarchies. En ce qui concerne la répartition de la production , Albert propose qu'elle soit faite en fonction de la difficulté et de la pénibilité du travail (celle des enfants/vieillards/malades/etc suivent un autre régime bien sur). Il y rajoute une répartition minimum même si on ne travaille pas. Il accepte même un réparition sur le modèle «A chacun selon ses besoin, de chacun selon ses moyens», mais n'y croit pas trop. Cette proposition de répartition à certe ses problèmes (tu les soulève) mais avant d'être rejeté doit être evalué par rapports aux autres propositions. Qu'est-ce que tu verait à la place ? Pour participatif, c'est effectivement une question de traduction, les traducteurs d'agone ayant d'ailleurs choisis d'utiliser à la place le terme participaliste. Répondre à ce commentaire
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gyhelle 21-11-06
à 18:10 |
Re: Re: Très vite...à chaudtoto2 :
pour le participatif et l'effort j'ai répondu plus haut. Pour les besoins, tes catégories sont assez peu pertinente parce que : 1) on a pas tous les mêmes besoins (même si pour les besoins de bases, on peut se débrouiller pour faire de bonnes approxiamations). 2) la séparation naturelle/non naturelle n'est pas bonne : le vins ets la conséquence d'un processus de production, la télé aussi, et même on peut dire que l'eau l'est aussi si on considère l'eau de consommation courante (donc traité chimiquement et mécaniquement pour la potabilité et transporté dans des tuyaux et par des moteurs pas du tout naturels) Répondre à ce commentaire
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toto2 21-11-06
à 18:42 |
Re: Re: Re: Très vite...à chauddésolé gihelle si je n'étais pas clair. Voici une explication plus convainquante j'espere : l'air et la lumiere du soleil sont des besoins qu'on satisfait sans travail. Le plus judicieux, avant de definir ce qu'est un besoin nouveau, ou pour remettre en cause un besoin acquis socio-culturellement (mon sport decroissant favori) c'est de ne jamais separer le besoin de son mode de production. Et de proche en proche de tout le systeme techno-naturel dans lequel tu vis, sois par habitude socio-culturelle, sois par la force des choses à un moment donné. L'inetret de cette approche est qu'elle apparait spontanement quand on poursuit l'objectif d'abondance materielle maximale et de contrainte minimale de type travail. L'objectif au depart etant d'etre faitneant. en realite de travailler le moins possible comme pour l'air et la lumiere. Pour l'eau ça doit etre pareil : en principe elle tombe du ciel. Elle courre sous terre etc. Il y a plein de gens qui ont resolu ce probleme de maniere autonome et avec un travail minimal. Répondre à ce commentaire
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Rakshasa 21-11-06
à 18:46 |
Re: Re: Re: Très vite...à chaudEt bien comme je le disais, je pense que l'auto-évaluation de ses propres besoins et de son propre potentiel, auto-évaluation réalisée régulièrement car chaque individu n'a pas les mêmes besoins et capacités tout le temps, est le moyen le plus juste. Personne ne peut juger mieux que soi-même des besoins et forces disponibles. Sur mon blog GCM, je fais déjà des propositions, quelques pistes (cliquez sur Rakshasa). Pour l'aspect fédéraliste de conseils je suis entièrement pour, conseils de structure de production avec des conseils de zones géographiques données, quartier, commune... Il faut pour cela je pense un excellent réseau pour transmettre les infos d'un conseil à l'autre, sans rétention. Après, je pense que ce sont les conseils déjà réalisés qui doivent décider de l'organisation d'ensemble et de se doter des outils et des structures dont ils ont besoin.
Au modèle participatif s'oppose aujourd'hui le direct, seul à mon avis possible pour réaliser une vie répondant au développement de l'individu dans un milieu social non contraignant. Répondre à ce commentaire
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à 11:25