--> bulletin numéro 37 / 22 novembre 2005 Du réseau Résistons ensemble contre les violences policières et sécuritaires
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Indymédia Paris : "Notre propos n'est pas de développer ici l'éternel bla-bla sur le « malaise des banlieues » mais de rappeler deux évidences : à Clichy tout est parti du problème des rapports quotidiens avec les flics, et les révoltes de ces derniers jours ont posé publiquement, avec une force jamais atteinte depuis longtemps, la question de la logique toujours plus répressive de l'Etat.
Les jeunes qui ont fui à
Clichy le 27 octobre ont fait ce que tout le monde aurait fait à leur
place : essayer d'esquiver le mépris, les insultes, les heures perdues
dans ces contrôles d'identité quotidiens par lesquels les flics veulent
marquer leur pouvoir sur les gens et sur les territoires. Cela a coûté
la vie à deux d'entre eux, exactement comme cela s'était déjà passé
pour Mickael noyé dans la Marne (94) ou pour Mohamed à
Dammarie-les-Lys.
Sauf que cette fois, les actions radicales de
protestation ne se sont pas limitées à la ville de Clichy, mais ont
gagné la région parisienne puis la France. Les médias se complaisent à
ne compter que les voitures brûlées, mais un grand nombre d'objectifs
ont montré que la rage se focalisait contre l'Etat et ses symboles :
attaques des flics, des commissariats, des palais de justice, des
mairies, des bâtiments publics… Les entreprises, comme éléments d'un
système global d'oppression, n'ont pas été oubliées.
Les médias
ont été obligés de reconnaître l'existence des violences policières :
un flic a même été brièvement incarcéré pour quelque chose qui se
pratique pourtant tous les jours dans les commicos de France. Pas de
quoi crier victoire : mais au moins, quand on voit les flics de Seine
Saint Denis qui font la grève du zèle pour défendre leur collègue, on
se dit que les choses, à présent, seront plus claires. Qui osera encore
nous sortir le mensonge de la police respectueuse et républicaine ?
D'abord prudent, par crainte de l'extension du mouvement, l'Etat sort
maintenant le grand jeu de la répression dans l'espoir d'éteindre les
braises : couvre-feu, hélicos qui survolent les territoires occupés par
les compagnies de CRS, comparutions immédiates à la chaîne...
Une
telle réaction est à la mesure de la peur qu'on ressent en haut lieu :
elle conduit tout droit à un état d'urgence permanent qui nous concerne
tous. C'est parce que cet ordre répressif s'enracine dans les peines
prononcées par les tribunaux ces derniers jours que nous devons réagir
ensemble et organiser d'urgence le soutien aux révoltés condamnés pour
avoir dévoilé une violence sociale quotidienne et insupportable.
La guerre intérieure est déclarée
L'état d'urgence a été prolongé pour trois mois. Bien sûr ce n'est pas
l'Iraq, même pas la Palestine. À moins d'une explosion, toutes les
dispositions offertes par cette loi (couvre-feu, interdiction de
séjour, assignation à résidence, fermeture des salles de spectacle,
débits de boissons et lieux de réunion, perquisitions à domicile « de
jour et de nuit », contrôle de la presse et de la radio…) ne seront pas
immédiatement appliquées. Les chars ne foncent pas sur Paris. À cette
étape l'Etat n'en a pas encore besoin. L'armada de flics et de juges
agit à sa guise en piochant dans l'abondante législation répressive
déjà existante. Pour le moment, c'est la mise en condition. On déterre
une loi coloniale fabriquée en 1955 contre les « rebelles » algériens
(loi qui précédait les « pouvoirs spéciaux » en Algérie, votés par le
PS et le PCF), loi appliquée en France en 1961 lors de putsch des
généraux, et le soir du 17 octobre quand la police a assassiné des
centaines d'algériens, puis en 1985 face à la révolte des Kanaks de
Nouvelle-Calédonie. Ensuite, le pouvoir désigne l'adversaire : les
habitants des cités et des quartiers, en leur grande majorité d'origine
immigrée. Ainsi la mise en place est prête, en prévision de la montée
des tensions sociales.
C'est en brandissant l'image raciste de
l'indigène des guerres coloniales perdues, avec son couteau entre les
dents, des réfugiés et des immigrés clandestins qui nous envahissent,
des familles polygames qui attaquent notre modèle familial, que les
politiques et les médias matraquent l'opinion, qu'ils suscitent la peur
qui divise. Mais pas d'illusions, le pouvoir se prépare, pour frapper,
cette fois-ci, tous ceux qui dénoncent les dégâts du libéralisme,
enlevant le voile « démocratique » qui cache les armes prêtes pour
l'étape suivante.
> SUR LE VIF
Que veulent-ils de nous ? « Une
question que je me pose avec beaucoup d'inquiétude sur la position que
prend le gouvernement, je cite : « retour de l'ordre et rétablissement
de l'ordre public ». Mais qui trouble réellement l'ordre public ?
Nous, jeunes des banlieues, issus de l'immigration, sommes-nous des
"islamistes modérés" ou des "racailles" ? Je ne crois pas ! Ou alors,
peut être c'est ce gouvernement qui méprise une partie de son peuple. À
Gennevilliers (92) la nébuleuse, la violence a été créée par les
discours du ministre de l'intérieur, elle n'est apparue que quand les
CRS ont commencé à quadriller le quartier. Oui, des voitures ont été
brûlées (des cas isolés dans la ville), mais ces faits ne justifient
pas l'attaque menée par les forces de l'ordre. Bien sûr, la rage de
certains ne tarde pas à être étendue, on brûle, on casse, on affronte
la police. Dans les médias, on parle de la responsabilité, mais qui
sont les gens qui fabriquent de la peur en véhiculant des images
violentes ? Tout ceci n'arrange pas le climat. Mais pour moi, les
causes de la révolte restent les 30 ans de non-reconnaissance et de
stigmatisation d'une certaine catégorie de la jeunesse française. » > CHRONIQUE DE L'ARBITRAIRE
Répression, condamnations à la chaîne
Police, justice, prison, l'arsenal répressif s'abat sur tout ce qui ne
se soumet pas à l'ordre d'une société d'exploitation qui génère
inégalités, chômage, précarité… En mai dernier le GIGN cagoulé
intervient en hélicoptère au centre de tri postal de Bègles pour
déloger les postiers en lutte, puis de nouveau pour les marins de la
SNCM. Face à l'insubordination salutaire des lycéens, le gouvernement
répond par des condamnations lourdes et nombreuses. Et, dans cette
suite logique, la politique répressive s'abat de nouveau sur les
évènements de ces dernières semaines, à coup de matraque, de flash-ball
et de peines de prisons. À la date du 14 novembre, la justice avait
emprisonné 593 des 2646 personnes placées en garde-à-vue, 107 mineurs
et 486 majeurs. Sans faire de distinction, la police provoque, insulte,
frappe et embarque… révoltés ou non, jeunes et pères de famille, et la
justice s'occupe de distribuer les peines de prison ferme. La liste
s'allonge chaque jour…
Prison ferme pour comparutions immédiates À Toulouse, un exemple parmi tant d'autres, extrait du témoignage de mères solidaires.
« Lundi
14 novembre 13h30, nous arrivons devant le TGI de Toulouse. Il y a du
monde devant l'entrée. Y a t il fouille ou contrôle pour que tous
attendent ainsi sous la pluie ? Non, ce sont deux rangées de CRS qui
occupent le couloir. Uniformes bleus ou noirs, porteurs de cartes de
presse, ont eux le passe droit . Mais les familles, les amis, eux n'ont
droit qu'à attendre dehors que les procès se fassent. Il y a eu quatre
comparutions relatives aux « émeutes » sur Toulouse. Les résultats :
pour une poubelle brûlée a Pibrac : 5 mois fermes ; pour avoir montré
ses fesses aux CRS lors d'une manif nocturne : 3 mois fermes ; pour
outrage (il était avec celui qui montrait ses fesses) : 2 mois fermes ;
le quatrième accusé est maintenu en détention provisoire, le procès est
reporté au 30/11/2005. » À Lyon, pour être assis dans un
snack où se sont réfugiés deux jeunes mineurs apeurés par une charge de
CRS dans les environs, 2 mois fermes ; au même moment, au même endroit,
pour se trouver tranquillement assis sur un banc après être rentré à
pied de la Fac, 2 mois fermes ; pour incendie de déchets à
Villeurbanne, 3 mois fermes ; pour l'incendie supposée d'une poubelle à
St Priest, 3 mois fermes…
Ni prison ni répression : libérez nos proches !
Le 8 novembre la police effectue une descente dans le quartier du Clos
d'Emery à Émerainville (77), ravage deux appartements, menottent deux
mère et un père, confisque 1 000 euros, deux cartes de séjours, force
tous les box du quartier. Un père de famille qui demande des
explications face à son garage perquisitionné est pris à partie et
molesté sous les yeux de ses enfants. Quatre proches tentent
d'intervenir et se sont fait arrêter. Pendant la garde à vue, l'un des
interpellés s'est fait rouer de coups par cinq policiers avant d'être
conduit à la clinique de Meaux. Le lendemain, les cinq interpellés sont
passés en comparution immédiate pour outrages et rébellion. Le plus
jeune (mineur) a été remis en liberté dans l'attente d'un jugement
tandis que les quatre autres ont reçu des peines de 18 mois, 15 mois,
deux fois 12 mois de prison ferme.
Un comité de soutien s'est
formé, il exige et agira pour faire appliquer l'abandon des peines, des
sanctions à l'encontre des policiers auteurs des violences commises
pendant la garde à vue, la fin des provocations policières. D'après le
communiqué de presse du 15/11/05 par le comité de soutien du clos
d'Emery à lire sur
http://resistons.lautre.net/.
La politique de l'amalgame
Les coups et la prison ne suffisent pas, c'est aussi l'expulsion qui
menace près de 120 étrangers condamnés, en situation régulière ou non.
Le 15 novembre le ministre de l'intérieur a annoncé que dix procédures
avait déjà été engagées…
Punir les pauvres
Supprimer les aides aux familles « dont un membre a participé aux
violences », c'est la participation du Maire de Draveil Georges Tron
(UMP) à la surenchère répressive. Du coup « la suspension des
allocations familiales pour les parents qui ne remplissent pas leur
fonction parentale » est de nouveau en cours d'évaluation par le
gouvernement.
Manifestations, rassemblements…
pour protester contre l'état d'urgence et le couvre feu ont eu lieu
dans de nombreuses villes françaises, à Alençon, Bobigny, Lyon, Nancy,
Paris, Rennes, Rouen, St-Denis, St-Etienne, Toulouse… mais aussi à
l'étranger.
Venise : le consulat français occupé
Le 18 novembre, une cinquante de personnes a occupé les bureaux du
consulat de France sur le campo de Santa Maria Formosa à Venise, pour
protester contre la loi spéciale sur l'état d'urgence, qui impose le
couvre-feu, et contre les déportations des protagonistes des
affrontements dans les banlieues françaises. Ils ont exposé des
banderoles de protestation où l'on pouvait lire « Amnistie pour les
délits sociaux » et « Sarkozy casse-toi ! ».
Athènes, le centre culturel français repeint
Le 11 novembre des dizaines de jeunes gens ont jeté de la peinture
rouge et noire sur le centre culturel français situé au centre ville,
en taguant des slogans de soutien aux émeutiers. La veille une attaque
similaire avait été perpétrée contre l'Institut français de
Thessalonique, dans le nord du pays.
> AGIR
Lyon : « collectif état d'urgence »
Un collectif pour soutenir les jeunes des quartiers, inculpés ou
condamnés, a été formé le 11 novembre et a pris le nom de « Collectif
état d'urgence ». Il a assuré des rassemblements au palais de justice
et en banlieue, des présences aux audiences judiciaires et, notamment,
de comparutions immédiates, des contacts avec les familles pour un
soutien réel avec les quartiers. collectifetatdurgence@no-log.org
Une censure à peine déguisée Le journal l'
Envolée
est cité a comparaître devant le tribunal correctionnel de Beauvais
(60) le 7 décembre 2005 a 13h30 pour « diffamation publique envers une
administration publique ». Écoutez l'Envolée sur FPP (
www.rfpp.net) 106.3 à Paris le vendredi à 19h,
http://lejournalenvolee.free.fr/ Pour enlever les pantoufles de sécurité...
Face à cet Etat d'urgence, promis à devenir permanent, proposition
d'assemblées générales régulières pour discuter, élaborer, se rendre
visible… et plus… Première rencontre : jeudi 24 novembre à 19 heures,
Bourse du travail de Montreuil : 24, rue de Paris, métro
Croix-de-Chavaux.
Réunion d'information débat…
sur le lancement d'une campagne de lutte « Anti-État d'urgence » pour
une amnistie aux gens s'étant levées, insurgées, emprisonnées et
condamnées par centaines… Vendredi 25/11 à 11h à la Fac de Saint
Charles - Paris.
Contacts :
oreste@altern.org indiquez « Amnistie ! » dans le sujet.