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Lu sur Confédération paysanne : Le 9 décembre, le tribunal correctionnel d’Orléans, présidé par Philippe Duval-Molinos, a relaxé les 49 « faucheurs volontaires » d’OGM jugés les 27 et 28 octobre pour la neutralisation de parcelles d’essai de maïs transgénique de Monsanto en 2004 et 2005. Analyse d’un jugement historique.
Le jugement rendu le 9 décembre par le tribunal correctionnel d’Orléans est historique, tant par sa portée que par son contenu, d’une grande rigueur juridique. La motivation est particulièrement dense et étayée sur 27 pages, ce qui est exceptionnel pour ce type de jugement. Le tribunal s’explique d’abord sur la prévention, en indiquant que celui qui invoque l’état de nécessité doit prouver que le danger dont il fait état est actuel et imminent ; ensuite, il doit établir qu’il y a eu proportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.
Il rappelle ensuite qu’en doctrine, celui qui « agit en état de nécessité commet un acte socialement utile », que la collectivité n’a « aucun intérêt à punir et au regard duquel la sanction ne remplit aucune de ses fonctions traditionnelles de rétribution, d’intimidation ou de réadaptation. »
Pour la juridiction, l’état de nécessité invoqué pour cet acte de neutralisation d’OGM doit s’apprécier en considération de la Charte de l’environnement, devenue principe constitutionnel depuis quelques mois, et en considération des actions menées par l’autorité publique nationale et des engagements internationaux de la France. L’analyse se rapproche de celle de la jurisprudence de la Cour européenne qui condamne les Etats n’ayant pas mis en application les dispositions protectrices de la convention européenne des droits de l’Homme relative au droit à un environnement sain.
Le tribunal déclare se refuser à entrer dans le débat de l’opportunité des OGM, mais qu’il doit, pour remplir sa mission de juge, s’appuyer sur les travaux scientifiques afin de déterminer l’existence du danger.
Le danger actuel et imminent
Le tribunal conclut des débats du procès que la dissémination de maïs génétiquement modifiés en plein champ s’accompagne d’une diffusion incontrôlée de gènes modifiés dans l’environnement, ajoutant que la transmission au préjudice du maïs conventionnel et par échange avec les bactéries du sol est établie par de nombreux travaux scientifiques qu’il cite.
Il souligne que l’instabilité de la construction génétique se répercute dans les lignées au fil des générations, instabilité qui rend « extrêmement difficile l’évaluation raisonnée des risques résultant des semences transgéniques sur plusieurs générations ».
La juridiction examine ensuite les méthodes prônées par la Commission du génie biomoléculaire, comme les barrières anti-pollinisation, et constatant que le vice-président de cette institution ne nie pas qu’on ne parviendra jamais au risque zéro, elle en conclue que ces méthodes sont inefficaces.
Elle fait état de la dissémination secondaire par transfert de gène avec les bactéries ou les champignons et, après avoir constaté que la directive européenne 2001/18 prévoit cette éventualité, il en conclut qu’au plan juridique ce transfert incontrôlé de gènes constitue bien un danger actuel et imminent. Sont rappelées les pollutions génétiques constatées dans les cultures non-OGM, au Canada notamment.
La nécessité des actes de destruction
Le tribunal rappelle que dans un pays démocratique, des voies de recours doivent être instaurées sans qu’il soit normalement nécessaire de recourir à une infraction pénale pour protéger des légitimes intérêts, et que devrait donc exister un encadrement législatif et réglementaire des essais en plein champ.
Pour lui, la législation de 1992 est obsolète. Et de constater la carence de l’Etat français en ce qu’il n’a pas depuis des années transposé la directive 2001/18 sur les essais en plein champ, la condamnation déjà effective par la Cour de Justice et celle qui va venir du fait de la saisine par la Commission de cette même Cour de Justice. Il constate que les essais neutralisés ont été autorisés au visa d’une législation dépassée et tire la conclusion que « l’effet direct » de l’application d’une directive européenne concerne tout juge qui a pour mission de « protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire ». Or une directive, passé un délai fixé par elle pour que les Etats membres la transposent dans leur propre droit, devient « directement » applicable dans le droit interne de ces Etats. Le tribunal considère que la Commission de génie biomoléculaire rend un avis qui ne peut remplacer une véritable législation.
Après avoir rappelé que la plupart des juridictions administratives ont considéré que le danger n’était pas imminent lorsque les arrêtés des maires interdisant les cultures et essais en plein champ d’OGM sur leur commune leur étaient déférés, le tribunal affirme qu’il a une autre appréciation du danger qu’il dit patent, dont il regrette que les autorités locales n’aient malheureusement aucun moyen de se protéger. Il considère que le fait que ces essais ne soient pas assurés ajoute encore au danger. Le tribunal constate alors que les prévenus « auxquels le droit à valeur constitutionnelle de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est reconnu », ne pouvaient obtenir « la prise en considération du danger actuel et imminent en raison d’autorisations d’essais donnés sans les garanties fondamentales, ni par les autorités exécutives, ni par les autorités législatives, ni par les autorités exécutives locales. L’état de nécessité autorisait donc « une action préventive ». Les juges constatent qu’au jour des infractions, le niveau de protection offert par les procédures en vigueur en droit interne n’était pas celui offert par une transposition adéquate de la réglementation européenne.
La proportionnalité des moyens utilisés
Le tribunal rappelle que l’action a été revendiquée « au plan politique et philosophique comme relevant d’un mouvement collectif de désobéissance civile non violent, que la destruction a été limitée aux plants porteurs du gène modifié, qu’aucun autre acte de délinquance n’a été commis et que les prévenus ont adopté un comportement responsable. »
Il conclut à une stricte proportionnalité entre les moyens mis en oeuvre et la gravité de la menace : les prévenus sont en conséquence relaxés des fins de la poursuite sur le terrain pénal.
Au civil, considérant que l’état de nécessité ne supprime pas la responsabilité civile, les personnes poursuivies sont condamnées à verser à la société Monsanto environ 6 000 euros, alors que la somme de 389 521 euros était réclamée.
Le Parquet et Monsanto ont fait appel. Pour eux et pour les OGM, ce jugement est une très mauvaise affaire.
Benoît Ducasse, d’après une note d’analyse de Marie-Christine Etelin, une des avocates des 49 prévenus.
Article paru dans Campagnes Solidaires, n°203, janvier 2006.
Le 14, 15, 16 mai 2006, se déroule à Orléans le procès en appel des faucheurs. Ils ont besoin de votre soutien
Commentaires :
Anonyme |
pourquoi le parquet ?Je comprends que Monsanto ait fait appel, mais pourquoi le parquet ?
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à 20:22