Des « faucheurs volontaires » résistent aussi en Allemagne contre la dissémination des OGM. Mais là encore, la cupidité et l'appât du gain de certains agriculteurs se combinent avec les violences policières pour mettre en danger environnement et santé. Au début de l'été, suivant l'exemple des actions conduites en France, l'initiative citoyenne «Gendreck Weg !" (" À bas les OGM ! ») (1) annonce par voie de presse (organisation d'une action de fauchage de maïs génétiquement manipulé de Monsanto sur la commune de Strausberg, près de Berlin.
Trois cents personnes répondent le 31 juillet à l'appel du collectif fondé par Michaël Grolm, apiculteur dans le Bade-Würtenberg. Elles se rassemblent sur la ferme de Kirsten et Jürgen Ewald, paysans « bio » , pour un forum sur les OGM le samedi soir, auquel participe Jörg Piprek, l'exploitant concerné par la culture ciblée. Le dimanche, une marche pacifique doit être suivie du fauchage...
Jörg Schönbohm, ministre de l'Intérieur du Brandebourg où se déroule l'événement, a annoncé qu'il y aurait « un policier par manifestant » . En effet, ce sont plus de 280 fonctionnaires de police qui encerclent le champ de maïs transgénique et contrôlent toute la zone autour du village... Hélicoptères, véhicules blindés avec lances à eau, chiens, chevaux: le dispositif effraie les habitants et laisse peu de chances aux manifestants.
Avec une heure de retard, le cortège part de la ferme des Ewald. La foule est joyeuse et bigarrée, où l'on retrouve jeunes alternatifs, paysans et familles, portant banderoles et scandant : « Gendreck weg ! ». Les villageois regardent le cortège mi-amusés, mi-interrogatifs.
Sur la ferme de jörg Piprek, à l'autre extrémité du village, la tension règne dans la cour de l'ancienne coopérative agricole que la police utilise comme QG. Piprek, homme calme et solide, reçoit la presse et se défend : « Avec de tels procédés, ils se portent préjudice : on ne peut résoudre un conflit de manière violente ». Lors du forum public, la veille au soir, il a été l'objet de moqueries et prétend que sur le chemin du retour, il ne se sentait pas en sécurité.
Le calme après la tempête...La foule est bloquée à moins de trois cents mètres du but. Après une conférence de presse improvisée, de petits groupes de manifestants essaient de pénétrer dans le périmètre interdit, par des chemins de traverse. Certains parviennent à atteindre le champ visé, à piétiner, voire à arracher des plants. La police réagit de manière rapide et brutale... causant plus de dégâts que les manifestants, y compris dans les champs de seigle et de blé environnants. Les suspects sont jetés à terre, menottés. . . 78 personnes sont arrêtées et interrogées (2). 600 m2 d'OGM sont cependant neutralisés.
Durant quelques jours, la ferme de Kirsten et Jürgen Ewald aura attiré l'attention de nombreux médias et des centaines de défenseurs de l'environnement se sont rencontrés dans un hameau où le maïs OGM pousse juste à côté d'une ferme biologique et près d'une réserve naturelle. La loi allemande, pourtant jugée par nombre d'observateurs contraignante au détriment des cultures transgéniques, ne l'a pas empêché.
Si l'objectif de sensibilisation du grand public est « temporairement » atteint, celui d'amener les utilisateurs de semences OGM à réfléchir sur les conséquences de leur pratique semble raté. Une
semaine après les événements, Jörg Piprek déclare : « J'en planterai peut-être même plus l'année prochaine, cela dépend de la récolte ». Il est pourtant d'accord sur un point avec les Ewald: « Tout ce dispositif policier, c'était vraiment trop ! » Mais les menaces et lettres d'insultes que lui et son fils ont reçues ne sont pas non plus la bonne solution.
Quant à Kirsten et Jürgen Ewald, ils sont devenus grands-parents il y a cinq semaines et se posent la question: « Pourrons-nous encore montrer des coccinelles à notre petite-fille dans quelques années, ou nous faudra-t-il avoir recours à un livre d'images ? »
Thomas Dupont d'après un article paru dans le quotidien berlinois Tageszeitung
(1)Site Internet (en allemand)
www.gendreck-weg.de(2)Pour l'instant, aucune poursuite judiciaire n'a été engagée contre elles.
Campagnes solidaires #200 octobre 2005
