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L'En Dehors


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Nouveaux malheurs de la vertu
Lu sur Oulala.net : "Dans son numéro du 30 juillet 2002, avec cette malice assez perverse dont il est coutumier, le journal Le Monde publie conjointement un plaidoyer d'Elisabeth Badinter intitulé « Rendons la parole aux prostituées » et un article de Gisèle Halimi aux positions exactement contraires.
Il y a une vingtaine d'années, je m'étais rendu avec quelques amis libertaires à une conférence de Gisèle Halimi sur l'avortement, organisée sous la tutelle du P.S. Une poignée de pépés fanatiques, assis dans la salle, s'agitaient en hurlant leur slogan favori : « Laissez-les vivre ! ». L'organisateur du débat ayant précisé que la parole serait donnée au public après la conférence, les grands-pères prirent leur mal en patience. Lors du débat, bien sûr, ils réitérèrent leur intention de prendre la parole. Aussitôt, une escouade de gros bras se précipita pour contraindre manu militari les vieillards à se taire. Outrés par cette intervention, mes amis et moi avons vivement protesté, criant « Laissez-les parler ! » et arguant de la liberté pour chacun de s'exprimer. A quoi Gisèle Halimi nous répondit, avec toute la force de son micro : « La liberté, ça se mérite ! ». Je me souviens que nous avons dû empêcher avec vigueur le service d'ordre de maltraiter les vieux fachos. A la sortie de la salle, ceux-ci nous ont remerciés et ont été surpris de nous entendre leur dire : « Maintenant taillez-vous vite avant qu'on vous casse la gueule ». Ils n'avaient pas compris qu'on avait défendu leur liberté de parler en sachant bien qu'eux, dans une situation semblable, nous l'aurait refusée.

Cette position selon laquelle « la liberté, ça se mérite » est celle du stalinisme de la vertu. C'est la violence exercée sur ce qui leur échappe par les tenants (voire les tenanciers) d'un ordre où l'on n'est libre que de respecter les lois, quelles qu'elles soient. En poussant à l'interdiction légale des comportements définis comme mauvais, on revendique le déploiement des forces policières qui vont s'occuper de les détecter.

La prohibition de la prostitution, déjà mise en oeuvre dans les pays communistes ou fascistes (avant que la Suède ne s'y mette) ne peut évidemment, comme celle de l'alcool (dans les USA des années trente ou l'Arabie d'aujourd'hui) ou celle du cannabis, que renforcer la mainmise des mafieux sur le commerce d'une marchandise déclarée illégale. Penser que punir la demande abolira l'offre est d'un angélisme suspect, comme si les hommes devenaient vertueux parce qu'on éloignait d'eux les tentations. On sait combien, au contraire, le fruit défendu est appétissant. C'est d'ailleurs souvent à leur défense vigoureuse de la prohibition qu'on reconnaît les alliés des mafieux.

Certes, dans la prostitution, le corps est à louer, comme la force de travail dans le salariat. Devenir marchandise est le sort malheureux de tous les corps asservis à l'économie marchande, que ce soit pour le sexe ou pour toute autre fourniture de service. Là est la vraie question morale, dont débattent depuis longtemps les amoureux de la liberté. Les jeunes et moins jeunes qui manifestent contre la mondialisation leur appétit d'un monde fraternel n'ont pas besoin de l'aide de la brigade des moeurs.

Comme le souligne avec pertinence Elisabeth Badinter, les partisans de la prohibition (étrangement nommés « abolitionnistes ») , en refusant la parole aux prostitué(e)s, font preuve d'un singulier mépris pour les gens qu'ils prétendent vouloir libérer. Les politiques pour qui « la liberté se mérite » sont les mêmes qui délivrent les certificats de satisfecit (leur aveuglement n'a d'égal que leur immodestie, puisqu'en s'arrogeant le droit de juger, ils s'affirment eux-mêmes supérieurs). Gens de pouvoir, prêts à faire le bonheur des populations y compris contre elles-mêmes (on a vu avec Pol-Pot jusqu'où peut conduire cette libération des peuples). Au nom de principes semblables, Fidel Castro a rendu punissable non seulement la prostitution, mais l'homosexualité et la paresse.

Je reste persuadé que c'est ce socialisme-là qu'ont rejeté des millions de gens, aux dernières élections présidentielles, en ne votant pas pour Lionel Jospin. Le socialisme des spécialistes qui savent mieux que les citoyens ce qui est bon pour eux. La démocratie sans débat réel. La parole retirée aux « gens d'en-bas ».

Envisager la prostitution comme « pathologie sociale » ouvre la voie à des dérives totalitaires, comme enfermer les gens hors-normes en tant que « psychopathes sociaux ». On voit poindre l'ordre nouveau décrit par Orwell dans 1984 renforcé par les techniques modernes de contrôle et de surveillance.

Il est curieux de constater combien tout ce qui touche au plaisir, à l'ivresse, à l'extase, a le don d'exacerber les délires persécuteurs de ceux que j'appelle les « staliniens de la vertu ». On l'a vu concernant les rave-parties, la pornographie télévisée et le débat houleux qui se poursuit concernant la dépénalisation du cannabis (où les abolitionnistes sont de l'autre bord). Les nouveaux Savonaroles de la petite gauche parlent aujourd'hui de sanctionner jusqu'à la « prostitution occasionnelle »... Devra-t-on condamner quelqu'un pour avoir entretenu une maîtresse ou un petit ami, sous l'inculpation d'être l'unique client d'un(e) prostitué(e) occasionnel(le) ? Faire des cadeaux à ses amants deviendra-t-il un jeu dangereux ? On se croirait revenu au dix-neuvième siècle. Pourquoi ne pas tout bonnement lapider les adultères ?

Mais est-ce bien le sort des prostitué(e)s, majeur(e)s ou non, qui préoccupent tant les partisans de la prohibition, ou bien se sentent-ils/elles menacé(e)s par l'exposition trop visible de désirs sexuels heurtant leur sens moral ? Ce qu'ils/elles veulent punir, à l'instar des gardiens Talibans de la vertu, serait alors plutôt la débauche et le libertinage, sous le prétexte humaniste que débauchés et libertins, sans le savoir, seraient esclaves de leurs pulsions. Ainsi la Sainte Inquisition, en des temps dont on espère qu'ils appartiennent à un passé définitif, torturait-elle et brûlait-elle, pour le salut de leur âme, les hérétiques, les pervers, les sorcières, et toutes sortes de gens supposés prisonniers du diable.

Que cette nouvelle croisade puisse être conduite au nom du féminisme montre que celui-ci a au moins abouti à ce que toutes les fonctions jadis occupées par des hommes soient désormais accessibles aux femmes, y compris celles d'ayatollahs.

De grâce, Mesdames Messieurs les Censeur(e)s, ne libérez personne malgré soi. Laissez-nous nos pulsions, nos désirs, nos envies. Et respectez les putains, nom de Dieu ! On ne vient pas vous importuner dans vos alcôves conjugales (dont pourtant certains disaient qu'elles étaient de la prostitution légalisée).

Il n'y a pas si longtemps, les putains manifestaient leur volonté d'être reconnues comme des citoyen(ne)s à part entière. C'est avec eux et elles qu'il faut parler de prostitution. Augmenter les espaces de liberté ne veut pas dire rétablir les maison closes, ni renforcer le pouvoir des maquereaux en rendant illégale la prostitution. Le monde change, les moeurs aussi, et le sens des mots marche au pas de ce changement. Que la vieille gauche perde ce qui lui restait d'âme en menant des combats d'arrière-garde doit nous encourager à chercher par nous-mêmes, y compris avec les putains, les clés d'un futur où le mot liberté ait un sens partagé.

Paul Castella"
Ecrit par libertad, à 20:36 dans la rubrique "Le privé est politique".



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