Lu sur
No Pasaran : "Nous assistons, en ce moment, en France, à un étrange phénomène. Le premier aspect est une sorte d’euphémisation de la vie politique et sociale institutionnelle, au sens où n’existeraient plus de grandes divergences ou conflits. Les forces politiques maintiennent des différences de points de vue et de programmes - sans lesquelles la vie politique n’existerait plus - mais qui ne touchent à rien d’essentiel dans l’orientation et les choix que ces forces énoncent, proposent, mettent en oeuvre. Cette euphémisation, cet aplatissement des divergences, cette négation de la conflictualité est étrange si on la rapporte à l’ampleur des changements qui affectent le monde et les sociétés et à la radicalité des tensions qu’ils suscitent.
Je prendrai juste un exemple : la politique dite d’ouverture, pratiquée par le nouveau Président de la République, a, en fin de compte, suscité peu de remous, voire de surprises, une fois le premier effet passé. Il semble finalement aller de soi que des leaders de la gauche soient présents dans le gouvernement ou puissent briguer la direction du FMI, avec le soutien appuyé de Nicolas Sarkozy (N.S.).
Si cette ouverture finit par aller de soi, ce n’est pas seulement parce que N.S. est un très habile tacticien, c’est aussi parce que ces personnalités de gauche pensent réellement avoir leur place dans un tel gouvernement ou bénéficier d’un tel soutien et elles le pensent parce que les différences, réelles, sont secondaires par rapport à ce qui peut rapprocher. Et que l’opinion publique n’en est pas surprise. (...) Ainsi, les forces politiques instituées finissent par former une sorte d’arc de cercle, une continuum, qui va de l’extrême droite jusqu’à la gauche (je laisse de côté le cas de la gauche alternative ; il faut dire que ce « cas » est très largement opaque pour l’opinion publique : il est tellement compliqué de s’y retrouver entre les différents groupes qu’il faut vraiment être « né dans le bain » pour comprendre !), continuum qui s’est formé par rapprochements successifs. La droite s’est rapprochée de l’extrême droite, jusqu’à rendre celle-ci inutile, la gauche s’est rapprochée de la droite, et le centre a réussi cette prouesse à opérer la jonction politico-idéologique entre la droite et la gauche, en étant institutionnellement de plus en plus opposé à la droite officielle, sans rien modifier quant à ses positions de fond qui restent... de droite. Prouesse que le Centre paie lourdement en ce moment : il devient inutile, car le chef de la droite quant à lui est passé par-dessus sa tête, pour opérer la jonction directement avec des personnalités de gauche.
Dans ce continuum, tout devient lisse. Et tout devient confus. On ne sait plus ce qui distingue une force politique d’une autre. Les citoyens, après avoir abondamment voté, s’aperçoivent qu’il existe, face à eux, ce continuum et qu’en définitive on ne voit plus se manifester de différents essentiels. Les adversaires politiques ne sont pas encore tout à fait des amis - mais le thème de l’amitié commence à occuper une grande place dans le nouveau vocabulaire politique ! -, mais ils ne sont certainement pas des ennemis. Ils deviennent de simples concurrents.
La force de N.S. est de l’avoir compris avant tout le monde. Sa politique d’ouverture est certes tactiquement bien jouée, surfant sur la crise interne du Parti Socialiste. Mais il le fait dans une visée plus stratégique : son discours est et a toujours été un discours de l’évidence, du bon sens. Sur le bon sens, il ne peut pas y avoir de divergences profondes ni durables. Forçant son propre caractère, N.S. a appris à ne plus polémiquer. Il attire ses adversaires sur son propre terrain, tient un discours de bon sens (« tout le monde comprendra que.. ») et aspire l’adversité vers le consensus qu’il édicte de manière unilatérale. « L’immigration ? Oui, il y a un vrai problème de l’immigration. Il faut le regarder en face. Il va de soi que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, qu’il y a des règles à respecter et que le problème de fond doit être abordé par l’effort des pays d’où cette immigration est issue. Par contre, nous ouvrons la porte à une immigration saine, choisie, qui nous est bénéfique, à nous, comme elle l’est à ceux qui en bénéficient. Donc, nous ne fermons pas la porte à l’immigration, nous restons accueillant, mais en fonction de règles et de principes qui sont les nôtres, qui la régulent. » (...)
L’euphémisation est double : elle se construit dans un discours de l’évidence, du « il va de soi que », qui, par définition même, n’appelle aucune contestation fondamentale et, en même temps, elle construit une réalité, largement fictive, peinte en rose, dont on retire toutes les aspérités, toutes les failles, toute la conflictualité, toutes les contradictions. Le discours sur la réalité et la réalité ellemême se trouvent ainsi unifiés, confondus et il devient normal qu’un assez large consensus apparaisse, puisque c’est le réalisme même qui le dicte (même s’il revient à un seul homme le privilège de l’énoncer). N.S. tient un discours qui est au maximum de l’idéologie
- car, comme Althusser l’a montré dans un texte déjà ancien, mais remarquable, l’idéologie est précisément ce qui fait apparaître les choses comme allant de soi, avec une instance d’interpellation qui, et c’est la force spécifique de N.S., n’est plus directement Dieu ou un grand idéal, mais....la réalité ellemême !
Il y a chez lui une alliance entre le volontarisme et la nécessité : il faut avoir la « volonté politique » de prendre les mesures qui s’imposent.
En même temps, N.S., comme il est le porte-parole de la réalité, qu’il nous rappelle que cette dernière nous interpelle à coups d’évidences, peut se permettre de se poser comme « pragmatique », contre toutes les idéologies au sens ordinaire du terme, au sens des discours stéréotypés, dogmatisés, figés. Sarkozy, le pragmatique. Cela n’exclue pas les convictions. Mais ces convictions sont d’autant plus solides qu’elles expriment le vrai cours du réel et non pas des valeurs partisanes. C’est ce qu’une partie de la droite n’a pas encore compris...
Dans le cas de Nicolas Sarkozy, qui est quelqu’un de très croyant, Dieu trace une ligne, visible dans la réalité elle-même, mais qu’il appartient à quelques élus de voir avec netteté. Une ligne, et non pas deux ou davantage. Il n’y a qu’une seule ligne, il n’y a qu’une seule vérité, il n’y a qu’une seule réalité qu’il faut saisir par la force de l’évidence. D’où le « réalisme » en politique, mais qui n’est pas un réalisme de surface ou opportuniste. Nicolas Sarkozy ne se présente pas comme un pragmatique opportuniste. Il a des convictions profondes et durables. C’est un pragmatique de conviction, un nouveau type d’homme politique.
Cet appel actuel au consensus n’a été rendu possible que grâce à une longue, mais permanente érosion : depuis un quart de siècle, en France, nous vivons l’érosion des divergences politiques de fond. Nous les avons vécues dans les politiques pratiquées, avant même de les voir s’infiltrer dans les discours. Cela fait longtemps qu’il devient difficile de différencier la gauche de la droite. Mais du moins, dans les apparences, les méthodes, les « valeurs », pouvait-on encore faire une distinction. Ce qu’apporte de nouveau le tournant actuel, c’est que Nicolas Sarkozy et ses conseillers, en avance sur leur propre camp, disent : « ces différences existent, il faut les respecter, mais elles ne touchent pas à l’essentiel. L’essentiel, c’est l’exigence de vérité, et autour d’elle, nous pouvons nous réunir ».
Aux valeurs (toujours contingentes et humaines), on oppose la vérité. Et cette vérité, chez Sarkozy, est d’essence profondément divine. C’est une croyance chrétienne, qui, sur le fond, est nettement plus proche du protestantisme que du catholicisme. Mais la question n’est pas de constater cette croyance chez certains chefs d’Etat, comme Bush ou Sarkozy. C’est simplement de voir comment peut s’imposer une sorte de « pragmatisme de la vérité », que Blair ou tout autre homme politique, peut partager, sans être spécialement croyant, mais qui correspond très bien à l’évolution (et à l’énorme régression) du discours politique.
Sur le plan du style, Sarkozy est plutôt proche de Blair, un style pragmatique et suractif. Mais sur le plan des convictions profondes, il est sans doute proche de Bush. Mais que nous dit cette vérité, qui alimente le bon sens ? Elle nous dit trois choses :
- nous sommes, nous occidentaux, « la » civilisation. Nos institutions et nos manières de vivre se doivent d’être défendues, voire diffusées. Au centre de cette civilisation : la morale du travail, celle que Max Weber dépeint admirablement dans son « éthique protestante et l’esprit du capitalisme ».
- Il existe une hiérarchie sociale nécessaire et légitime, fruit du travail, du mérite et de la réussite. L’indicateur central en est la richesse individuelle : les riches le sont car ils ont mérité de l’être. Cette recherche légitime de la richesse individuelle est en même temps, si chacun s’y adonne, le moteur de la richesse économique d’un pays.
- Le rôle essentiel de l’Etat est d’assurer l’ordre et la sécurité et de libérer toutes les entraves à l’expression du « travail méritant ».
Ce sont des idées simples, mais cette simplicité en fait la force. Morale du travail d’un côté, Mérite de l’autre, Ordre et Sécurité d’un troisième : voici la vérité profonde qui doit faire consensus entre toutes les forces politiques « civilisées ». Il peut y avoir débat. La vie démocratique l’exige même. Mais il ne peut porter sur l’essentiel. C’est pourquoi il n’y a rien à craindre de l’ouverture politique. Sarkozy est, sur ce point, beaucoup plus fort que Bush. Il dépasse son modèle, car il évite en même temps de dogmatiser son discours : le recours au pragmatisme est beaucoup plus solide et durable que l’affirmation de grandes valeurs ou des propos généraux sur la morale du Bien et le Mal.
Sur quoi peut alors porter le débat politique, réduit à une simple concurrence entre gens civilisés ? Non pas sur les ressorts des choix politiques fondamentaux, mais sur l’efficacité des mesures concrètes prises par un gouvernement. Il est sain qu’il y ait concurrence et émulation. La démocratie n’est pas autre chose que l’organisation de cette mise en concurrence. Mais elle ne porte que sur l’usage des moyens et non pas sur les finalités.
La droite, grâce à Sarkozy, a pris de vitesse la gauche, encore empêtrée, soit dans des discours creux, purement idéologiques, que Ségolène Royal a porté à leur paroxysme, soit dans la mise en avant de politiques efficaces, expertes, mais coupées de toutes finalités, de toute perspective, voie que Strauss Kahn a incarnée. (...)
Le résultat est, à l’intérieur de certaines limites sur l’importance desquelles je vais revenir, il n’existe plus de véritables adversaires. Uniquement des concurrents, qui doivent progressivement partager les mêmes règles et adhérer aux mêmes finalités. La démocratie n’est pas l’organisation de débats contradictoires, sous-tendus par des projets fondamentalement opposés.
La démocratie n’est pas une relation entre égaux, départagés par le suffrage universel.
En fait, dans le débat démocratique, il existe une claire hiérarchisation entre ceux qui savent, qui voient clairs dans la réalité, qui en saisissent la vérité, qui sont à l’avant-garde et les autres, qui se situent à des degrés divers de lucidité et d’adhésion, avec des divergences normales sur le choix des moyens les plus efficaces.
L’intervention de N.S. dans le débat - qui n’est plus un débat contradictoire, sinon de manière purement formelle - se veut avant tout pédagogique : « expliquer et encore expliquer ». L’aspect répétitif de sa rhétorique est voulu. Mais elle peut se nourrir d’un nombre infini d’exemples concrets et se référer aux résultats des actions engagées. La pédagogie politique du maître d’école est bien de nous placer sans cesse face aux mêmes évidences, tout en mobilisant une multiplicité d’exemples pris dans l’actualité ou dans telle ou telle situation locale. (...) Les adversaires politiques, qui continuent à faire valoir de vraies divergences, sont dans l’erreur. Ils se trompent. Ils n’ont pas encore compris. Il faut leur montrer leur erreur, les conduire dans le droit chemin, être pédagogue, sans les brusquer inutilement, mais sans concessions sur le fond. Qui plus est : quand on s’adresse à eux dans un débat politique, il faut en même temps, voire prioritairement, s’adresser « aux gens ». Car les « gens », dotés de leur bon sens intuitif, peuvent comprendre mieux et plus rapidement que les opposants politiques. Ces derniers sont alors soumis à une double pression :
- la pression populaire qui, dans sa majorité (et si possible, dans une majorité croissante) adhère à ce que fait et dit le maître d’école et ses collaborateurs,
- la pression directe d’un débat dans lequel le réalisme pragmatique, soutenu par des finalités fortes, est opposé aux fausses querelles, aux polémiques inutiles.
(...)
Il n’en est pas différemment dans la vie sociale. Bien des leaders de gauche ont cru pouvoir dire que l’arrivée, à la Présidence de la République, de Nicolas Sarkozy, vue la brutalité de ses mesures, allaient susciter l’expression rapide de vastes mouvements sociaux. Cette éventualité reste ouverte. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas. Là aussi est jouée la carte du bon sens et de la pédagogie, tout en laissant ouverte une marge de discussion, voire de négociation sur le « comment faire ». Là aussi, il est fait appel à l’arbitrage implicite des « gens ».
Prenons l’exemple du service minimum dans les transports en commun. Tout le monde connaît la force des syndicats dans ce domaine et les traditions de luttes fortes, voire de grève générale. Mais que dit le bon sens ? Qu’il est normal, à la fois que les travailleurs fassent grève sur des revendications déterminées et que les usagers, et derrière eux l’économie du pays, ne soient pas pris en otage, car il est normal que les gens qui veulent aller travailler puissent le faire. Le service minimum est l’équilibre entre ces deux exigences. (...) Dans le service minimum réside cette vérité : les intérêts corporatistes ne doivent pas s’opposer à l’intérêt général. Si conflit d’intérêts il y a, ce sont des faux conflits, des conflits qu’il faut dépasser. Le service minimum est aussi un moyen de les dépasser, de lisser, d’euphémiser la réalité vécue. Le reste n’est qu’astuces techniques. Certaines phrases dans le projet gouvernemental sont là pour être éventuellement retirées. La tactique politicienne ne disparaît pas pour autant, mais elle ne prime pas.
Le cercle des civilisés et les barbares
Tout ceci, toute cette démarche, n’est valable qu’entre « gens civilisés », respectant les mêmes règles, réfléchissant de la même manière, partageant la même réalité, vivant selon la même identité (l’identité française). Or, à l’intérieur du pays, il existe une ligne qui sépare les civilisés des barbares (réels ou en puissance de l’être).
Face à cette ligne, tout se renverse. Les contradictions sont fortes, voire insurmontables. Les conflits violents sont inévitables. La pédagogie est tout à fait inutile et donc le débat. On ne peut dégager aucun consensus. Les règles institutionnelles sont sans effet, car elles ne sont pas respectées. (...)
Ici s’affirme le rôle essentiel d’un Etat sécuritaire. Plusieurs aspects sont à prendre en compte :
- la qualification, l’identification des barbares. Il y a d’abord ceux sur lesquels pèsent, en quelque sorte, une présomption de barbarie : ce sont les immigrés clandestins. Il faut les chasser. Il y a ceux qui, bien que de nationalité française ou immigrés réguliers, ont manifesté, à un moment donné, leur barbarie (par des actes barbares). Ces derniers doivent être sévèrement punis et d’autant plus sévèrement qu’ils récidivent. Ce sont comme les fous : il faut les retirer de la société, les parquer dans des lieux surveillés. Il y a ceux qui, bien que n’ayant pas commis d’actes barbares, ont cherché à protéger et défendre l’une des deux premières catégories. Il faut définir les règles de police et de justice qui peuvent leur être appliquées (un peu comme ceux qui cachaient des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale..). Enfin, il y a ceux, et ils peuvent être nombreux, qui, n’ayant pas commis d’actes barbares et sur lesquels ne pèsent pas des signes visibles de présomption de barbarie, peuvent se révolter contre le consensus, entrer en résistances. Ce ne sont plus des concurrents politiques. Ce sont des ennemis potentiels. Leur pensée est barbare : ils se situent en deçà, ou, pire encore, au-delà du « bon sens ». Ici, il faut établir un vaste système de fichage, de surveillance, de suivi, point à point (individu par individu), pour, le cas échéant, agir préventivement ou les prendre dans un acte de résistance.
- et la punition des barbares. L’Etat sécuritaire se trouve à la limite du droit et de la légalité : bien que les lois nécessaires aient déjà été votées, le droit admet difficilement qu’on puisse arrêter ou punir quelqu’un pour des « intentions », pour des présomptions de comportements. Le droit demande des actes. Il est possible qu’insidieusement, par la voie de la jurisprudence, il évolue dans le sens de la punition des intentions. Car une chose est de surveiller. Encore faut-il punir et mettre « hors jeu » ces résistants. Il va de soi que les « terroristes » de type AlQaida servent ici de prétexte. Cette dernière catégorie est extensible : alors qu’il ne devrait pas, dans une réalité lisse et non conflictuelle, euphémisée, y avoir de différents majeurs, et lorsque, après tous les efforts de pédagogie et de dialogue explicatif (admettant des divergences et négociations secondaires), une opposition ferme continue à se manifester, c’est bel et bien qu’elle tend à sortir du cercle des civilisés, qu’elle penche vers la barbarie.
Le cas le plus évident est celui de ceux qui « croient » à des antagonismes politiques et/ou sociaux irréductibles. Ceux-là sont clairement dangereux. De fait, la contrepartie de l’euphémisation de la société et de la propagation ondulatoire d’un consensus sur les finalités essentielles réside dans cette délimitation entre deux camps et justifie le renforcement de l’Etat sécuritaire. Réapparaît ici, de manière certes implicite, mais instrumentée comme telle, la figure de l’ennemi. Qui dit ennemi dit guerre. Une guerre larvée, parfois violement affichée (dans les reconduites aux frontières par exemple), parfois plus insidieuse, mêlant surveillance, fichage, et, le cas échéant, arrestation et punition.
Cet Etat sécuritaire est en voie d’achèvement matériel, technique et légal sur le volet « surveillance ». Il n’en est encore qu’à l’état embryonnaire sur le volet « châtiment ». Mais le vote de la loi sur la récidive en constitue un exemple, de même que l’inféodation de plus en plus ouverte de la justice à la police (au sens large du mot « police ») et le recul des droits individuels en matière de défense.
Nous voici donc avec un pays coupé entre deux univers, doté d’une vie politique atrophiée. Sarkozy peut être alors un personnage à faces multiples : tantôt le pragmatique qui s’appuie sur la vérité (incontestable) du bon sens, tantôt l’homme de l’ouverture, tantôt le défenseur - sans se déclarer comme tel, pour tenir compte de l’importance de la laïcité en France, bien qu’il l’attaque sous de nombreux biais - des traits fondamentaux de notre civilisation (chrétienne / capitaliste), tantôt enfin l’homme de l’ordre, de la sécurité et de la police, oeuvrant contre les ennemis de l’intérieur, ceux qui ne s’inscrivent pas dans le cercle des civilisés.
Sarkozy, autant par intelligence que par conviction, ne s’est jamais présenté comme un partisan sans conditions de la mondialisation, ni comme un libéral débridé. Bien au contraire : il a toujours su souligner l’enracinement dans la Nation et l’importance de l’Etat, mais un Etat recentré sur ses fonctions régaliennes, l’Etat de Hobbes, celui qui assure l’ordre et la sécurité dans un univers qui, sans lui, serait livré à l’anarchie. Mais bien entendu, Sarkozy n’est lui-même qu’un personnage. Il faut voir quelles sont les forces sociales à l’oeuvre. On pourrait assez facilement démontrer qu’autour de N.S. et des lois déjà votées, s’organise une alliance de classe entre le capital financier mondialisé (qui entraîne déjà dans son sillage la frange supérieure des classes moyennes) et les petits propriétaires ou épargnants, qui, quant à eux, restent localisés en France et inscrits dans la vie quotidienne. C’est la base du « bon sens ». Ce n’est pas, bien entendu, le bon sens des hauts dirigeants du système économique. C’est le bon sens des « petits », qui échappent progressivement à l’influence de la gauche, ainsi que, de manière plus récente, à celle de l’extrême droite. Si cette alliance réussit, la droite peut rester longtemps au pouvoir.
Philippe Zarifian , le 14 août 2007