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Apparemment, ce vieux monde est de plus en plus pourri. Pourtant, il n’y a rien à espérer de sa décrépitude contrairement à ce que les écologistes et gauchistes clament. Ce n’est pas la fin du capitalisme, ni du rapport marchand. Car le monde marchand sait parfaitement recycler l’exploitation qu’il mène, aussi bien que réinsérer la soumission durable. En perdant leur travail, les salariés et les chômeurs perdent aussi leur condition d’existence.
Non, ce qui est de plus en plus nauséeux, c’est l’assurance avec laquelle les patrons sans scrupules gèrent leurs bénéfices et leur mainmise sur nos vies. Les salariés le découvrent brutalement, ils ne sont que des outils qu’on peut mettre au rebut dés qu’une solution compétitive est possible pour le profit. Alors, la colère s’annonce. Pourtant, les exploiteurs n’affichent ni la honte, ni les scrupules attendus par la morale de la droite bien-pensante et l’éthique de gauche.
Cependant, par malheur, les immolés ne mettent pas le feu au bon endroit. La détresse de ceux qui découvrent leur prolétariat est parfois aussi poignante que leur lutte. Ce n’est pas simple de se savoir condamné au salariat perpétuel. Alors, les gauchistes prétendent piloter les « masses » dans cette adversité. Passant, sans fard, d’un patronat paternaliste à un guide « communiste », les salariés peuvent longtemps attendre une aide de leurs syndicats bureaucratiques quand ils ne pourront obtenir que les miettes que les « partenaires sociaux » leur partagent. Quant au fondement si manifestement libéral des indignés et autres « dégageurs » d’oligarchies visibles, il contribue largement à discréditer l’expression du mécontentement désarmé. Peut-être même jusqu’à dégoûter de l’esprit de protestation chez nombre de pauvres.
Pourtant, jamais une idée anarchiste aussi forte que la critique des organisations centralisées n’est devenue aussi flagrante. Partout, le monde s’est éclairé de rébellions sans chef. Jusqu’aux « indignés » de Wall-Street ou d’ailleurs, qui ont découvert la capacité à se parler ensemble et à prendre place sur, voire même à occuper des espaces marchands. Bien sûr, il y a encore des petits leaders. Bien sûr, il existe toujours des prétendues avant-gardes. Bien sûr, un grand désarroi reste suspendu face au vide sidéral de cette contestation libérale. Mais partout, l’exploitation du monde marchand est devenue si manifeste que les chefs, les religions ou les divertissements ont du mal à le protéger.
Aussi, je pense qu’il ne faut pas être bégueule sur ce que ces révoltes auto-conduites nous apprennent de l’évolution de la question sociale. Certains d’entre nous ont pris le pli de se passer des médias officiels pour reconstruire des débats alternatifs tant les journaux confisquent le réel. D’autres continuent d’essayer de distiller dans la presse ou ailleurs des positions antiautoritaires discutant la faiblesse des conflits actuels. En fait, nous le savons, tous les moyens sont bons pour évincer le fascisme ordinaire et éclairer la confusion des marchands. Chacun peut faire selon ses propres moyens. Woodie Guthrie annonçait que même sa guitare était une machine antifasciste.
Bien que l’autonomie et la liberté fassent tout autant l’objet d’une propagande mensongère répétée par les journalistes à gages, la misère devient très visible. Le détournement du bavardage officiel en révèle souvent l’essentiel, depuis la pauvreté jusqu’à l’exaspération. A chaque fois que nous glissons un mot dans le brouhaha organisé des marchandises et des distractions, il peut faire écho pour tous ceux qui découvrent souvent la réalité crue de leurs conditions. On peut longtemps disserter sur les limites de toutes ces actions ou chicaner sur l’exigence d’un assaut collectif, un futur grand soir global qui ne vient toujours pas combler les rêves des insurrectionnalistes. Mais l’important est de diffuser la richesse antiautoritaire, même primitive, de chaque insurrection personnelle.
Le mouvement des occupations s’étend à travers de maigres mobiles immédiats comme le droit au logement, la lutte contre l’expropriation des terres, les protestations contre les banques ou la réappropriation de l’espace public. Mais il met en évidence la cruauté du capitalisme. Pourtant, qu’à la limite de la légalité, l’occupation est l’espace où nous pouvons porter la voix, où le combat individuel recherche son unanimité. Si l’actuel germe de mouvement des occupations, comme celui de la ZAD, expérimente des possibles libertaires, chaque lutte peut ouvrir de nouvelles prises de paroles. Loin de constituer une impulsion sans but ni perspectives, ou de dévoiler la réaction de petits commerçants de la drogue, les petites mutineries des banlieues inventent aussi une expression politique spontanée contre la pression quotidienne de l’économie et des intimidations policières. Que ces jacqueries ne revendiquent pas de négocier, n’empêche nullement d’y lire une exaspération contre les contraintes maintenues par les multiples promesses d’un pseudo-avenir économique.
Bien qu’il ne faille pas attendre que l’insurrection s’épanouisse dans chaque lutte individuelle, prendre la parole s’avère plus que jamais un acte important de l’émancipation populaire. C’est ce qui perturbe l’agencement policé des comportements et les explications officielles. Ici commence le monde libertaire. Bien sûr, l’aptitude à fédérer ces combats individuels dans une colère commune ne surgit pas facilement, il est un autre moment. Mais, ne serait-ce pas déroutant de rester muets quand les idées anarchistes se disséminent de plus en plus contre la société des marchands ? C’est aussi ce que dit Chomsky.
Parlons partout et le plus souvent possible. Et nous le ferons, non pas pour suivre les injonctions anticapitalistes des commandeurs des croyants, mais simplement parce que l’injustice est intolérable, parce que l’exploitation est insoutenable, parce que ce vieux monde est insupportable.
Thierry Lodé