L'En Dehors

  
En fait, depuis 15 jours, si la campagne se fige, c’est à cause des deux camps, qui finalement sont d’accord sur l’essentiel.

Les partisans du OUI préfèrent abandonner leur bébé mal-conçu que de pousser le débat plus loin, c’est-à-dire là où se trouve le vrai ressort de la construction européenne : le besoin de formater les capitalismes pluri-nationaux de l’Europe en un outil efficace pour dépasser les limites que la lutte des classes a posée et pose encore à son développement.

Les partisans du NON ne poussent pas l’avantage car un pas de plus et c’est le rejet de la construction européenne qui se retrouve au cœur du débat. Ce rejet est peut-être minoritaire, mais il est suffisant pour être déterminant le 29 mai, et il ne faut surtout pas lui donner l’occasion d’exister. Car il paraît en effet qu’aujourd’hui « tout le monde est européen ». Rien que cette idée est une confiscation du débat.

Quoi qu’il arrive le 29 mai, il n’y aura rien de changé le lendemain dans les conditions de vie, de travail, d’exploitation. Car comme dans chaque élection, c’est l’ordre social qui est le tuteur muet de toute cette mascarade.

Les deux camps nous fatiguent à coup de citations du texte. Je m’en permets une. « Acte final : Titre I – Dignité : article 2 – Droit à la vie […] Nul ne peut être condamné à la peine de mort. (complété de l’explication suivante) La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire […] pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. » (c’est moi qui souligne)

Evidemment, ce type de phrase n’étonne personne qui a réfléchi un temps soit peu à la nature de l’Etat. Il fut un temps cependant où celui-ci préférait déclarer que « l’insurrection est […] le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » (déclaration des droits de l’homme de 1793, article 35)

Rappelons aux ignorants (on ne leur reproche pas) que ce référendum coïncide avec la commémoration de « la semaine sanglante » (21-28 mai 1871) qui a mis fin à la Commune de Paris. L’armée de la République a tiré sans discernement et a abattu dans l’heure TOUS les prisonniers. Ces 30 000 morts (10 fois le score de Pinochet !)doivent leur triste sort au « suffrage universel ».

Et les héritiers de Monsieur Thiers s’étonnent que le peuple ne les suive pas ? Si les renverser est impossible (question liée à la période historique), les adorer l’est également.

Roland Tissot, enseignant à Persan (95), le lundi 23 mai 2005