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Notes & Morceaux Choisis : "A en croire le site internet www.apres-developpement.org ou le numéro 6 du magazine L'Écologiste (hiver 2002) qui y sont consacrés, un colloque intitulé l'Après-développement se tiendrait du 28 février au 3 mars prochains au Palais de lUnesco de Paris. Ce colloque serait organisé par l'association La ligne d'horizon Les amis de François Partant et le mensuel citoyenniste Le Monde Diplomatique. Il serait accueilli par le programme MOST de l'Unesco et soutenu, entre autres, par lUnion Européenne et le ministère des affaires étrangères de l'État français. J'ignore si ces informations sont exactes mais je sais que l'allégation calomnieuse contenue dans le programme diffusé par vos soins, et selon laquelle on pourrait me compter au nombre des chercheurs et acteurs du monde entier, du Sud comme du Nord mobilisés par cet événement est évidemment infondée. Je compte par conséquent que l'intégralité de la présente mise au point sera immédiatement insérée sur le site internet www.apres- developpement.org et publiée dans la prochaine livraison (n° 7) du magazine L'Écologiste. Elle ne diffère guère de ce que j'aurais pu vous répondre pour peu que vous ayez eu la rigueur élémentaire de vérifier, en le demandant, si je jugeais bon de m'associer à vos réflexions ; et dans un tel cadre. Je suis convaincu que deux nécessités conjointes simposent à présent aux adversaires conséquents de la poursuite de la déshumanisation du monde : expérimenter pratiquement ce que vous appelez des alternatives (et des formes de lutte plus frontales aussi) en même temps que reprendre des positions pour tenter de l'emporter sur le terrain des idées, en remettant en culture les no mans land désertifiés par les idéologies progressistes. Je suis donc persuadé que le besoin est grand de mettre au pot tout ce qui mérite de lêtre ; et même que certains des sujets que vous comptez aborder ne sont pas dépourvus dintérêt. Mais croyez-vous quon vous ait jamais attendu ? Et quun colloque ne soit pas le dernier lieu où se parler pour ceux qui entendraient sinstruire mutuellement de quelque bonne recette ou émettre quelque hypothèse hasardée contre la société industrielle, son économie et sa technoscience, leurs institutions, leurs experts et leurs polices ? Pensez-vous que ceux-là sont disposés à jouer un jeu truqué demblée par l'introduction dans votre programme de prémisses subliminales qui sont autant de perles tout un collier et de niaiseries, que de contre-vérités insolentes ou de révérences au système que vous entendriez contester ? Jen cite quelques unes pour mémoire : la Tarte à la crème de « l'occidentalisation du monde », la Religieuse de « la déliquescence de létat et son remplacement par des systèmes de corruption généralisée... » , le Jésuite de « comment détourner l'argent, lutiliser et le considérer autrement ». Et cette Ile flottante ! « La guerre économique et les inégalités ne se déploient plus seulement entre les peuples mais aussi au sein des espaces nationaux » ! Ce nest pas ce qui sappelait lutte des classes du temps où vous étiez tiers-mondistes ? Imaginiez-vous vraiment qu'un de ceux-là allait sasseoir sous un arbre à palabres de lUnesco, vidéo-surveillé par un programme MOST ? Ce sigle tuyau-de-poêle ne signifie-t-il pas : « Management Of Social Transformations » ? Et lobjectif de cette estimable structure, « dirigée par un Conseil intergouvernemental et un Comité directeur scientifique indépendant » (ben, tiens !), nest-il pas, entre autres, de « générer des connaissances pertinentes pour lélaboration des politiques », « d'améliorer la communication entre les chercheurs en sciences sociales et les décideurs » ? Ce MOST nest-il pas « l'expression d'une coopération dynamique entre les producteurs et les utilisateurs de la recherche, que les états-membres de l'Unesco considèrent comme essentielle pour l'amélioration des politiques de développement » ? A quel splendide contre-don, à quel potlatch de connaissances pertinentes devrez-vous vous livrer pour rivaliser avec la munificence des analphabétisateurs qui vous prêtent leur palais ? Jadis on pu dire : comment penser librement à l'ombre dune chapelle ? Pour moi, quon y voie le syndrome dun fâcheux déficit de socialisation ou la marque dun détestable occidentalisme, je ne suis prêt à renoncer ni à laventure historique, quelque faibles en vérité que puissent paraître ses chances, ni à la liberté de choisir à la construction de quelle sorte de communauté je désire prendre part. René Riesel, 19 février 2002. à l'attention de Silvia PEREZ-VITTORIA, (association La ligne dhorizon) 45, rue du Faubourg du Temple - 75010 Paris copie à Thierry JACCAUD, (Revue LÉcologiste) 25, rue de Fécamp - 75012 Paris -------------------------------------------------------------------------------- Note de NetMC : Comme sur les grandes lignes aériennes, le surbooking de personnalités dans les colloques prestigieux semble être une pratique courante. Une réponse à cette lettre est parue dans LEcologiste n°7, p.79. Ny sont citées que les quelques lignes ci-dessus en couleur, avec le commentaire suivant : « Si la plupart des colloques soutenus par des institutions leur servent de simple relais, ce colloque à sans aucun doute fait exception. Comme nous lavons indiqué à René Riesel, les différents intervenants nont pas modifié leurs thèses en entrant à lUnesco. Sur le fond un réel débat s'est instauré débat quil reste certes à poursuivre mais que ce colloque aura contribué à sortir de la confidentialité. T.J. » Il nen demeure pas moins regrettable que pour « sortir de la confidentialité » un tel débat doive être organisé sous le patronage de lEtat, de lUnesco et autres institutions qui se sont toujours employées à l'échelle planétaire, faut-il le rappeler à faire en sorte que les idées exposées là par les différents intervenants restent lettre morte