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lu sur legrandsoir : " Mumia Abu-Jamal est un journaliste afro-américain qui a déjà passé un quart de siècle dans le couloir de la mort, condamné pour le meurtre d’un policier blanc (NDLR ce qu’il a toujours nié). L’appel de Mumia Abu-Jamal entre aujourd’hui dans une phase critique, celle de la Cour d’Appel Fédérale. Le condamné à mort le plus célèbre de Pennsylvanie et son avocat, Maître Robert R. Bryan, viennent en effet de déposer un mémoire soulevant trois moyens qui pourraient invalider sa condamnation.
Maître R. Bryan, avocat au barreau de San Francisco, assure la défense de Mumia Abu-Jamal depuis 2003. Ce vétéran en matière de lutte contre la peine capitale a remis le 20 juillet dernier un premier mémoire à la Cour Fédérale du 3ème Circuit [dite Haute Cour], exposant trois moyens susceptibles d’invalider la condamnation pour meurtre de son client. Le mémoire reprend également une décision de décembre 2001 de la Cour Fédérale du District [dite Cour Inférieure] qui avait annulé la condamnation à mort. Le bureau du procureur de Philadelphie ayant fait appel de cette décision, Abu-Jamal n’a finalement jamais quitté le couloir de la mort.
Dans son mémoire, Maître R. Bryan expose trois moyens : tous contestent l’accusation selon laquelle Abu-Jamal a tué le policier Daniel Faulkner.
Le premier moyen souligne de manière incontestable que le procureur Joseph Mac Gill, dans ses préconisations lors du procès, et au mépris de la législation pénale, « a réduit le pouvoir du jury, l’a induit en erreur et a porté atteinte à sa fiabilité dans son aptitude à se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé ». Maître R. Bryan affirme que « le procureur a saboté le droit à la présomption d’innocence et à ne pas être condamné à moins d’être déclaré coupable au-delà du doute raisonnable » en disant au jury de ne pas s’inquiéter s’il déclarait l’accusé « coupable par erreur » car Abu-Jamal aurait ensuite une « multitude d’appels » et la culpabilité pouvait donc « ne pas être définitive ».
Comme l’écrit R. Bryan dans son mémoire : « En déclarant que la décision du jury ne serait pas définitive et en lui disant que le verdict de culpabilité ferait l’objet d’appel sur appel, le procureur a minoré le rôle et la responsabilité du jury ». Par suite, argumente-t-il, Abu-Jamal « a été privé de son droit à être jugé par un jury car, contrairement aux prérogatives constitutionnelles dévolues au jury, on a fait croire aux jurés que leur décision ne serait pas définitive ». Et d’ajouter que « la présomption d’innocence et la nécessité de prouver la culpabilité au- delà du doute raisonnable repose sur l’idée que le doute doit profiter à l’accusé et, par voie de conséquence, conduire à son acquittement ».
Le deuxième moyen du recours affirme que le procureur a fait preuve de racisme dans la sélection des jurés. La Cour Suprême des Etats-Unis a établi depuis longtemps que si un procureur use délibérément de peremptory challenges [élimination d’un juré potentiel sans justification] pour écarter du jury des personnes en fonction de leur appartenance ethnique, c’est en soi un motif suffisant pour annuler la condamnation. Pour justifier et qualifier cette allégation d’illégale, Maître R. Bryan démontre que parmi les 39 jurés potentiels entendus, 15 furent exclus ; et parmi eux 10 étaient noirs. « Cette disparité ethnique est un cas incontestable de discrimination raciale » écrit R.Bryan.
A ce propos, R. Bryan cite une étude (rejetée à tort en tant que preuve par la Cour Fédérale en 2001) analysant les pratiques discriminatoires des procureurs de Philadelphie entre 1981 et 1987. Cette étude du Professeur David Baldus, qui eut pour effet d’invalider une condamnation à mort en Pennsylvanie, établit que durant cette période - incluant le procès d’Abu-Jamal en 1982 - les procureurs ont exclu 51% des jurés potentiels noirs contre 26% de blancs. « Il s’agit d’une preuve accablante de discrimination raciale anticonstitutionnelle » conclut l’avocat de Mumia Abu-Jamal. De plus, R. Bryan fait remarquer que, même après le procès de son client, le bureau du procureur utilisait une cassette vidéo pour apprendre aux nouveaux procureurs comment écarter les noirs des jurys sans se faire accuser de discrimination raciale. La solution consistait à garder toutes ses notes et d’inscrire un motif sans rapport avec la race chaque fois que l’on éliminait un juré noir, ceci afin de justifier sa décision et sans tomber sous le coup de la jurisprudence Batson. [1]
Maître R. Bryan allègue que puisque l’on n’a jamais demandé au procureur Mac Gill de fournir une justification pour son racisme apparent dans le choix des jurés, la Cour d’Appel devrait annuler la condamnation ou, tout le moins, exiger une audience de la Cour Fédérale au cours de laquelle le procureur, aujourd’hui retraité, devrait justifier qu’il n’a pas éliminé les jurés noirs sur des critères de race.
Le troisième moyen du recours développe l’argument du parti pris manifeste du juge Albert Sabo (aujourd’hui décédé) lors du procès. Maître R. Bryan affirme que, devant témoin (la greffière) on l’a entendu déclarer en coulisses, après le premier jour de sélection des jurés, qu’il allait aider l’accusation « à faire griller le nègre ». Dés lors, on enlevait ainsi toute chance à Abu- Jamal d’avoir un procès équitable, dit R. Bryan. Il souligne par ailleurs que le Juge Sabo, qui détient le record des condamnations à mort parmi les juges américains a une longue histoire de préjudice racial : sur 33 condamnés à mort à son actif, seuls deux n’étaient pas afro-américains ! R. Bryan ajoute, à propos de l’audience d’appel de 1995 (Post Conviction Relief Act), également présidée par le Juge Sabo, que « l’hostilité et le manque d’objectivité du Juge était si flagrants que les journalistes locaux et nationaux ont tous décrit l’injustice des procédures ». L’un des principaux journaux de Philadelphie avait fait ce commentaire : « le comportement du juge nous a troublés dès le début, et lors des audiences, il n’a jamais donné l’impression à ceux qui assistaient au procès de faire preuve d’objectivité. Au contraire, il manifestait, ce qui était extrêmement préjudiciable au bon déroulement du procès, son empressement à vouloir en terminer au plus vite, faisant preuve d’hostilité constante envers la défense ».
Maître R. Bryan admet que, conformément à la législation fédérale, les Cours Fédérales ne peuvent pas renvoyer le cas de son client devant les Cours d’Etat pour une nouvelle audition des preuves et de témoignages. Mais, ayant démontré que le Juge Sabo avait eu un comportement d’obstruction systématique, il écrit qu’une juste réparation serait que la Cour Fédérale d’Appel réexamine les faits présentés lors du premier procès ainsi que les faits et témoignages nouveaux présentés lors des audiences de 1995. Il précise enfin que la même procédure devrait s’appliquer aux éléments de preuves et aux témoignages écartés par le juge Sabo lors des procès en 1982.
Si les trois juges de la Cour d’Appel, qui examinent aujourd’hui le recours, reçoivent l’une ou l’autre des deux premières demandes selon lesquelles les droits constitutionnels d’Abu-Jamal ont été bafoués, Mumia pourrait bénéficier d’un nouveau procès et être rejugé. Dans le cas de reconnaissance du choix discriminatoire des jurés, Abu-Jamal et son avocat proposent, en réparation, une nouvelle audition en Cour Fédérale devant le juge William Yohn qui avait rejeté en 2001 les deux premières requêtes, mais qui avait cependant annulé la condamnation à mort d’Abu-Jamal.
Le juge Yohn avait rejeté la plainte d’Abu-Jamal quant aux instructions du procureur aux jurés [selon lesquelles il y aurait eu « appel après appel »] ainsi que la clause portant sur le manque d’objectivité du juge Sabo. Il s’ensuit, selon Bryan, que la Cour Fédérale du 3ème Circuit n’a certes aucune obligation de réexaminer ces deux premières requêtes. Toutefois, fin 2005, la Cour Supérieure a rejeté les conclusions de Yohn et confirmé que ces deux requêtes pouvaient être de nouveau examinées en appel. Il semble donc qu’au moins deux des trois juges chargés du dossier en appel d’Abu-Jamal aient pensé que les deux moyens additionnels étaient valables. Yohn a également rejeté le motif relatif aux choix discriminatoires des jurés, mais a confirmé sa validité pour un examen en Cour Fédérale du 3ème Circuit.
En 2001, le Juge Yohn a annulé la condamnation à mort d’Abu- Jamal en argumentant de façon très détaillée sa décision. Ainsi, écrivait-il, lors du choix de la peine, les formulaires fournis aux jurés étaient non conformes, ce qui, en plus des informations erronées du juge Sabo, a induit les jurés en erreur [ils ont ainsi cru, à tort, que si les 12 jurés n’arrivaient pas à une décision unanime sur la présence d’une circonstance atténuante - décision qui écarte la condamnation à mort - ils ne devaient pas tenir compte de cette circonstance atténuante lors des délibérations]. L’unanimité des jurés ne peut, en effet, être requise qu’en cas de circonstances aggravantes qui, elles, peuvent entraîner une condamnation à mort. Et tout juré, individuellement, peut décider qu’il y a une circonstance atténuante, différence cruciale puisque le verdict de peine de mort requiert un vote unanime du jury. Donc, si un juré trouve une circonstance atténuante - l’accusé, par exemple, est un bon père de famille qui s’occupe bien de son jeune enfant - ce juré peut décider de ne pas voter la sentence de mort. Or, les formulaires remis aux jurés et les instructions du juge impliquaient tous les deux que l’unanimité soit requise pour qu’une circonstance atténuante [2] puisse être prise en considération. Pour ces raisons, le juge Yohn a conclu à l’invalidation de la condamnation.
Le procureur a fait appel de ce jugement, espérant que la peine de mort serait à nouveau prononcée par la Cour Fédérale du 3ème Circuit. Le bureau du Procureur, en charge de la suite à donner à l’affaire, avança alors l’argument tatillon que l’appel n’était pas recevable car le mémoire en défense ne mentionnait que la 3ème page du formulaire remis au jury (pas le formulaire complet) ; pour conclure que le Juge Yohn n’avait donc pas pu appréhender le problème de façon globale. Maître R. Bryan rejette cet argument qui conduirait son client à être exécuté pour un simple détail portant sur la forme et non sur le fond du dossier.
Depuis 5 ans, bien que la sentence de mort ait été annulée, Mumia Abu-Jamal n’a toujours pas quitté l’isolement du couloir de la mort alors qu’il n’a cessé de répéter avec insistance qu’il était innocent du meurtre du policier Faulkner.
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Durant les mois d’août et septembre 2006, la défense et l’accusation ont procédé à l’échange de leur mémoire respectif permettant à chaque partie d’affiner son mémoire définitif. Dans quelques jours la Cour d’Appel Fédérale du 3ème Circuit disposera de tous les éléments lui permettant de réexaminer l’affaire et de décider quelle suite elle entend lui donner.
Au terme de ce résumé de l’imposant mémoire [plus de 130 pages] déposé par Maître R. Bryan [témoignant de l’investissement monumental de la défense], Dave Lindorff a tenu à apporter sa note personnelle sur cette affaire qui accuse la justice états-unienne. Il l’exprime en ces termes : « L’administration Bush a liquidé nombre de nos droits civiques. Elle a bafoué la Constitution, supprimant notre loi fondamentale l’Habeas Corpus [le droit de chacun de contester sa détention devant une Cour de justice pour en juger la légalité] et le droit à un procès juste devant le jury impartial de ses pairs. Dans ces conditions, le cas Abu-Jamal devient un enjeu majeur dans la lutte pour défendre les droits civiques de tous les citoyens américains ».
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1982 Mumia Abu-Jamal est condamné à mort par la justice de l’Etat de Pennsylvanie au terme d’un procès expéditif et truqué sous la présidence du juge Albert Sabo
1995 Première ordonnance d’exécution
1999 Deuxième ordonnance d’exécution
2001 Une Cour d’Appel Fédérale (Juge Yohn) annule la sentence de mort
2003 La Cour Suprême de Pennsylvanie rejette tous les recours de la défense et annule la décision du Juge Yohn
2005 La Cour d’Appel Fédérale du 3ème Circuit accepte d’examiner trois requêtes de la défense
2006 Maître Robert R. Bryan, avocat principal de Mumia Abu-Jamal, remet un mémoire de 130 pages à la Cour d’Appel Fédérale du 3ème Circuit avec l’objectif de démontrer l’iniquité du procès qui a conduit son client dans le couloir de la mort
Résumé de Dave Lindorff [3]
Traduction de Claude Guillaumaud-Pujol avec la collaboration juridique de Eric Bernard, et de Jacky Hortaut pour le conseil rédactionnel.
Ce document a été réalisé par le Collectif Unitaire National de soutien à Mumia Abu-Jamal
43 Bld de Magenta 75010 Paris.
Tél 01 53 38 99 99 - Fax 01 40 40 90 98
www.mumiabujamal.net
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Vous pouvez vous procurer la brochure : Mumia Abu-Jamal, l’affaire qui accuse la justice américaine.