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L'En Dehors


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LETTRE OUVERTE A CELLES ET CEUX QUI VONT VOTER "NON"
Vous allez voter « NON » au prochain référendum sur le « traité constitutionnel européen » et je pense que vous avez parfaitement raison. Je ne m’étendrai donc pas sur les raisons qui vous amènent à ce choix puisqu’elles nous sont communes et partagées – hormis, bien évidemment, les « raisons » qui sont celles de la droite nationaliste et/ou intégriste.

Ce qui m’incite à vous écrire c’est le sens de ce vote et surtout ses perspectives, les deux étant d’ailleurs intimement liés.

Si le « NON » est battu, tout sera comme avant, ou plutôt ira en empirant, et l’Europe, que nous ne voulons pas, se construira avec les drames et les conflits sociaux que nous prévoyons toutes et tous.

Et si le « NON » l’emporte ? Dans ce cas, les choses vont devenir à la fois intéressantes et délicates.

Quel sera le sens d’une victoire du « NON » ?

Plaçons nous au-delà du simple fait électoral et examinons la chose avec un maximum de lucidité et d’objectivité.

Ce « NON » sera probablement, en partie, un « NON » de politique intérieure… une sanction en quelque sorte du gouvernement. Soit ! et après tout pourquoi pas ?

Il sera aussi, je l’espère comme vous, un « NON » à une conception financière et libérale de l’Europe. Mais que va-t-il alors concrètement se passer ?

Passons sur la « soupe de grimaces médiatiques » (qui sera jouissive j’en conviens) des politiciens marrons le soir même dans les médias, et au tollé de l’Europe « bien pensante » dans les jours qui suivront.

Quel peut-être l’impact concret et réel d’un « NON » français ?. Peut-on imaginer un seul instant que, même s’il s’agit d’un pays comme la France, donc, tout de même, un des axes essentiels de la construction européenne, le processus mis en place depuis un demi siècle va être stoppé net ? Evidemment pas.

La construction européenne n’est pas qu’un échafaudage juridique et institutionnel qui s’adapte au grès de la variation des opinions publiques, il est en fait l’expression d’un système marchand qui, par ses exigences et ses impératifs, a modelé les institutions. Autrement dit, ce qui prime c’est l’organisation économique du système économique et c’est elle qui détermine le reste. Que ce système ait besoin, ne serait ce que, pour légitimer ce qui va suivre, du traité constitutionnel, c’est une évidence, mais qu’il en ait un besoin absolu, ça ce n’est pas vrai. Le système sait se passer de bonnes raisons démocratiques pour fonctionner. Il est impensable que les intérêts économiques et financiers en jeu en Europe soient sacrifiés à un « NON » français.

Je veux en venir à quoi ?

Simplement à dire que un « NON » français ne changera fondamentalement rien à ce qu’est aujourd’hui la construction européenne.

Je pense qu’il faille dire cela car la campagne du « NON » est nourrit des espoirs insensés.

Contrairement à ce qu’insinuent les protagonistes institutionnels du « NON », un tel résultat n’ouvre aucune perspective concrète… sinon de dire « On a gagné »… ce qui est puéril. Que feront-ils, les protagonostes « officiels » du NON, le lendemain de la victoire du « NON »… ils vont se réunir… ça c’est sûr ! Mais encore ? Demander la démission du gouvernement ? Du parlement européen ? De la commission européenne ? Certainement pas… encore que !

Ils vont créer un comité, des comités pour « une autre Europe », « pour une alternance », « Pour…. et contre …. », essayer de « fédérer les NON », voire faire « un comité de salut public »…. Soit ! Mais pendant ce temps les affaires vont continuer, le système va continuer, les décisions seront prises… autrement dit rien n’aura été changé. Cela peut durer des mois… et rien ne changera.

Si quelque chose changera !… Comme pour les Danois en 1992, qui avaient rejeté le traité de Maastricht, on va faire pression sur l’opinion publique française, la culpabiliser, la manipuler, la « mieux informer »… pour finalement dans quelques mois l’amener à voter « comme il faut ».

Et puis, soyons lucides, en l’absence de projet alternatif au modèle marchand, de stratégie de changement social en Europe, qui va bénéficier politiquement du NON ? Quel sont ces leaders autoproclamés (en dehors de l’extrême droite) de la campagne du NON ? Des bureaucrates qui ont déjà été ministres et même l’un d’entre eux Premier Ministre et qui s’est même payé à l’époque le luxe de mettre en place un « plan de rigueur économique »… Et c’est à ces gens là qu’il faudrait faire confiance ?

Alors ?

Alors, ne rêvons pas, notre bulletin de vote n’a en soi aucun pouvoir, et l’on va s’en rendre compte une fois de plus,… ce qui ne veut pas dire qu’il faille ne pas l’utiliser… ça n’engage à pas grand-chose, mais cessons de nous illusionner. Toutes les circonvolutions pseudo démocratiques des politiciens n’ont pour objectif que nous faire croire que l’on sert à quelque chose et que notre opinion compte, alors qu’il est évident que tout se passe, du moins jusqu’à aujourd’hui, au dessus de nos têtes sans se préoccuper de ce que nous souhaitons.

La construction d’une autre Europe, d’une Europe comme nous la concevons, encore qu’il faudrait que l’on soit d’accord sur ce que nous voulons, passe par d’autres chemins que ce simulacre de démocratie formelle. Ce qui nous détermine ce ne sont ni le Parlement, ni la Commission mais bien le système marchand qui dicte ses conditions. Tant que nous limiterons notre action politique aux jeux électoraux stériles qui nous sont offerts et auxquels nombre d’entre nous se délectent et essayent par la même de se faire une notoriété pour eux et leur organisation, nous resterons ce que nous sommes, des otages « citoyennement consentants ».

Un système ne se combat pas avec les armes qu’il met à disposition de celles et ceux qui le combattent. La critique d’un système social n’a de sens que si on est capable de lui opposer concrètement une alternative crédible et viable.

A défaut de l’avoir compris nous allons une fois de plus au devant d’une cuisante déception. Saurons nous enfin un jour en tirer les leçons ?

Patrick MIGNARD
Ecrit par , à 13:07 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonym3
09-05-05
à 13:33

malgré les simulacres de démocratie, rien ne changera, aucune perspective à l'horizon europpénne. tout est à faire, c'est quand qu'on commence ?

Que dire, si ce n'est que c'est casi exactement mon point de vue et mon analyse sur ce sujet (en tout cas je me reconnais bien dans cet article). merci patrick pour cette synthése :).
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
09-05-05
à 15:38

ies patrickounet tu remontes ds mon estime..

abstention, décroissance et autonomie vivrière !
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
09-05-05
à 19:03

Réponse rapide

Bonjour,

Ce qu'il faut c'est conceptualiser encore plus. Non pour faire le pédant, le savant ou que sais-je encore mais pour tracer les lignes du conflit car il y a conflit.

-> si l'economie dirige le politique, encore qu'il ne faut pas négliger que si le bourgeois est mis en fuite c'est souvent le gendarme qui se pointe illico presto et donc que l'état peut se détacher de son rôle de serviteur pour devenir le maître -example classique : le fascisme/le nazisme- et donc que le pouvoir sait se transférer en cas de crise sociale. Comment ? Parce que l'état peut jouer un rôle de régulateur et même d'acteur dans l'économie. Si nos jour sont marquer par l'alignement entre l'économie capitaliste et l'état (le projet de constitution européenne à saveur libérale -"laisser faire, laisser passer" (sous entendu le commerce et la marchandise)- soutenu par tout les grands partis institutionnel le prouve suffisemment)  c'est que notre siècle a fourni à la bourgeoisie mille preuves que le corps social avait besoin d'être berné et parfois violenté "pour son propre bien" pour accepter la vie de plus en plus étouffante que génère le devenir-monde de la marchandise, c'est à dire l'obligation inscrite dans la vie de chacun et toujours pressante de consommer tout ce qui est produit. Car du point de vue de l'état, l'économie se voit dans sa totalité (mis à part les pots-de-vin, rituel initiatique pratiqué par certains hommes politiques, qui ont toujours un caractère plus privé).

Or c'est de ce point de vue total, et seulement de ce point de vue, que le salarié  n'est plus seulement vue comme un producteur à embaucher ou virer ou bien comme un acheteur potentiel du produit mais aussi comme celui qui doit acheter tout ce qui a été produit, car même si l'état peut sacrifier un "secteur inductriel" au nom de l'économie générale, il n'en reste pas moins que ce qu'il a en vue c'est au moins un confort général de la population et donc une économie qui progresse, qui devient plus forte. Ce qui implique une forte consommation du tout.

Une telle médiation étatique, bien que réduisant le champ d'action de l'économie marchande, lui assure une bien plus grande perrenité. Qu'a donc a y gagner l'état ? La corruption généralisée devant l'argent. Demander Halliburton...
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
09-05-05
à 21:39

c'est vrai qu'il est bon cet article. Les articles du M.L. de cette semaine étaient pas mal aussi. Il faut en effet que les libertaires cessent de s'illusionner dans la victoire du non et surtout d'avancer des slogans d'une pauvreté rarement atteinte. Je pense notamment à celui d'A.L.: "les capitalistes disent oui, nous répondons non".

Répondre à ce commentaire

  Anonyme
10-05-05
à 06:44

Re:

"La construction d’une autre Europe, d’une Europe comme nous la concevons, encore qu’il faudrait que l’on soit d’accord sur ce que nous voulons, passe par d’autres chemins que ce simulacre de démocratie formelle. "

Oui, peut-être, et "l'autre chemin", c'est quoi ? Grève générale, insurrection ?

"Une Europe comme nous la concevons". Ca pourrait, j’en suis convaincu, intéresser les gens de savoir quelle est cette Europe, et quels sont les moyens d'y parvenir.

Oui, Mignard a raison, mais il doit sûrement savoir qu'un anarchiste n'a jamais tort en s'exprimant de la sorte, il ne prend pas de risques . Ceci dit Patrick Mignard fait preuve d'une tolérance exceptionnelle (pour un anarchiste) à l'égard de ceux qui iront voter. Serait-ce parce qu'il sait que beaucoup d'anarchistes vont le faire ?

Au fait, avec quelques contorsions on pourrait faire un texte assez similaire même si la question du referendum était : " Etes -vous favorable à ce que la France déclare la guerre à l'Angleterre" (Ou l'Allemagne si vous preferez). Si si, je vous assure.

Ce que Mignard oublie de dire c'est que bon nombre de partisans du non iront voter tout en sachant parfaitement que leur vote ne servira pas à grand chose. L'anonyme de 21:39 disait : "Il faut en effet que les libertaires cessent de s'illusionner dans la victoire du non". Franchement je ne vois pas très bien ou ils sont ces libertaires qui s'illusionnent. Sur que c'est dommage que la propagande pour le non soit assaisonnée de pas mal de mensonges, , d'omissions, et d'exagérations, mais c'est la règle du jeu, personne n'est encore capable de faire de la politique autrement. J'aimerais bien qu'un gars comme Patrick Mignard soit directeur de la campagne du non, "votez non, mais sachez que ça ne servira absolument à rien", ça serait une grosse prise de risque, les débuts seraient très difficiles, mais sur le long terme ça serait payant.

"Un système ne se combat pas avec les armes qu’il met à disposition de celles et ceux qui le combattent." Est-ce que la formule : "un système peut parfois se combattre aussi avec les armes qu’il met à disposition de celles et ceux qui le combattent " est si scandaleuse que ça ? C'est comme la barricade qui "n'a que deux cotés", imaginez que dans certains cas il y ait des anomalies et que ladite barricade en ait 3 ou 4 de cotés ?

"La critique d’un système social n’a de sens que si on est capable de lui opposer concrètement une alternative crédible et viable."

110% d'accord. Donc avant que l'Europe ne retombe dans les oubliettes - en cas de oui ça ne prendra pas longtemps, et en cas de non guère plus - je propose que les anarchistes élaborent et présentent leur vision d'une Europe alternative.



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  lagrimilla
19-05-05
à 21:20

en passant

Et une victoire du blanc???
Répondre à ce commentaire

  Luc Nemeth
20-05-05
à 10:24

Re: en passant

Une victoire du blanc? La réponse a déjà donnée, de longue date: les bulletins blancs ne sont pas décomptés... Luc
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  Anonym3
20-05-05
à 11:39

Re: malgré les simulacres de démocratie, rien ne changera, aucune perspective à l'horizon europpénne. tout est à faire, c'est quand qu'on commence ?

commentaire de p.m du 9 mai 2005 - 14h32 trouvé sur bellaciao :
- Pour être conséquent, le vote NON doit être un point de départ, ne serait ce que du refus massif et collectif de la liquidation des services publics, de la protection sociale, de la dérèglementation du marché du travail,....

Ça confirme un des commentaires précédent au sujet de son article sur la "tolérance exceptionnelle à l'égard de ceux qui iront voter" non .
Répondre à ce commentaire

  lagrimilla
21-05-05
à 11:52

le non pour protester, oui mais après?

Si le vote blanc représente une part comme 10 % des votants il ne pourra être négligé car il représentera une majorité assé suffisante pour accéder à un siège de l'assemblée, cela veut dire qu'elle pourra être tout à fait en mesure de se revendiquer.. mais j'avoue que d'ici à atteindre une telle cohalition du blanc c'est une tentative qui reste plutôt dangereuse, surtout quand à un traité si important..

Toutefois le vote du non me pose un vrai problème parceque je ne crois pas qu'il puisse réellement changer quoique ce soit pour la simple raison que lorsqu'un gouvernement veut arriver a qqchose il le fera au dépends de tout ce qui peut l'entraver, et que ce n'est certainement pas les décisions du peuple qui risquent de le gêner plus que cela.. Depuis quand ce droit de vote que l'on a bien voulu nous confèrer à une époque nous a-t-il permis d'exprimer nos vraies revendications?? Et aujourd'hui plus que jamais il devient si insignifiant... Un non général en guise de protestation?? un coup de poing dans du vent, oui! Une majorité en réalité cindée en diverses opinions très opposées les unes aux autres. Qui, quels autres démagogues pourront jouir encore de cette "victoire"?

Réfléchissons à cela, les anars ont bien plus à opposer, à proposer et à soutenir... On est pas faitEs pour suivre des rails qu'on a soigneusement mis en place pour les troupeaux!! La lutte n'est-elle pas ailleurs, hors des élaborations d'une société qui nous fait croire à ses seules possibilités? A quoi on prends part là? Au fait qu'on va continuer à fonctionner selon un autre traité à la con pour affirmer notre protestation contre un nouveau traité encore plus con?? Mais faut arrêter là... voyons encore plus loin, non??

Perso je suis très mitigée à ce sujet, comme vous tous je ne suis pas sans savoir l'importance de la tournure que les choses vont prendre avec ce référendum, je ne sais pas encore ce que j'irais voter entre non et rien parceque je redoute, en même temps qu'une victoire du oui, l'implication dans un choix qui n'est pas mien, que je n'ai jamais voulu et que je ne voudrais jamais rendre valable, un choix que l'on m'impose devant ma légitimité et ma volonté de vivre complètement autrement, selon un modèle qui me parraît plus juste, plus humain auquel le capitalisme, constitution européenne ou pas, fait tout pour nuire, tout les jours... Ce qui me pose problème c'est que je me demande pourquoi je prendrais part dans le projet de lois du système que j'aimerais de toute mes forces combattre et réformer totalement, pourquoi je devrais suivre l'autre partie du troupeau, sous prétexte que l'on m'offre deux voies seulement?! Si je conçois tout à fait l'importance indéniable du droit au vote comme ultime outil démocratique (si on peut encore employer ce terme..) je ne conçois pas que ce droit doive se limiter à une palette toute érigée devant nos yeux qui nous dit: c'est ça ou ça.

Si je prends ce droit c'est par respet de la mémoire, par affirmation de ma légitimité, parceque j'ai mon mot à dire... Mais mon mot ne s'arrête pas à ce qu'on me suggère de répondre. Et, au dépend ma résistance entière, authentique, pure, que faut-il que je craigne le plus?? Le passage peut-être inaperçu de mon vote blanc dans les urnes que je trouve pourtant si symbolique, ou un non de réaction au oui qui finalement ne veut rien dire, le non d'un ensemble non collectif puisque non-soudé par la même conviction et volonté de changement? Faut-il choisir le poid d'un côté de la balance afin qu'elle ne penche du côté indésirable ou s'en défaire, sachant que cette balance n'est qu'une illusion, sachant que quelque soit la décision tout ira dans le sens qui a été depuis longtemps prévu pour nous?

 

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