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Les victimes, entre réparation et instrumentalisation
Lu sur: Champ pénal : La pensée sociale a longtemps affirmé l’importance qu’il y a de jeter le bébé avec l’eau du bain afin d’être tout à fait sûr de ne pas se salir les mains. Peut-être est-ce là la raison du faible intérêt porté aux victimes qui « justifient » les mesures de contrôle social. Cette pensée nous semble aujourd’hui inacceptable. Il nous semble devoir porter attention aux victimes, en dépit ou peut-être en raison des formes d’instrumentalisation qu’elles suscitent, de la fascination que peut éveiller leur souffrance.

Le coupable aussi a longtemps fasciné. Déviant en raison de sa situation sociale, puis objet d’une violence d’État, le coupable peut être perçu comme doublement à plaindre, éclipsant par là sa victime. D’ailleurs, nombre des sociologues ou associatifs présents lors de l’atelier ont commencé leur carrière auprès de détenus, et ne sont venus aux victimes que suite à leurs interpellations. De ce trajet (mais sans doute existe-t-il des raisons plus sérieuses) venait peut-être l’espoir porté en une justice restauratrice qui permettrait par la rencontre des protagonistes de régénérer les uns et les autres, de reconstruire une relation ou une capacité à la relation à l’Autre.

Personnellement, mes rencontres avec d’anciens détenus et les discours que je pouvais entendre des victimes alors présentes me donnaient le sentiment que cela serait difficile. Outre le fait que les détenus me déclarent rarement (sauf dans les cas de délit familial) que leur insertion s’était jouée dans la rencontre avec leur victime, les victimes présentes semblaient d’autant plus réticentes qu’un argument allait clore la discussion : « Si vous devenez victime un jour, ce qui peut arriver à tout le monde, vous verrez qu’il n’est pas facile de raisonner, vous aussi, vous demanderez une punition. » Autrement dit, il y a quelque chose de paradoxal à demander de sortir de la souffrance par la rencontre et le langage quand le crime et la souffrance ont détruit la capacité à rentrer dans le langage. Peut-être qu'alors l’incarcération séduit car elle impose le silence au coupable : « on n’en entendra plus parler. » Par ailleurs, l’instrumentalisation est bien là qui ruine les tentatives reconstructrices : l’allongement de la durée des peines afin « de prendre en compte la victime » amène le détenu à voir celle-ci comme demandant une incarcération qui ferait paiement de sa dette. La demande de réparation apparaît alors superfétatoire : « j’ai déjà payé. »

Il m’est resté de cette discussion le sentiment que nous avions souffert de ne pas avoir suffisamment déconstruit la catégorie de victime. Peut-on véritablement raisonner sur la place des victimes sans distinguer crimes et délits, affaires familiales et affaires entre inconnus, traitement en correctionnelle et traitement en assise, etc. Sans doute, tout délit est-il une rupture du lien social, de la confiance que nous avons besoin de porter aux personnes avec qui nous vivons, qu’elles nous soient connues ou étrangères. Cette dimension est centrale dans la sociologie d’Anthony Giddens où le risque est intrinsèque à toute forme d’interaction : Trust in others […] is at the origin of the experience of a stable external world and a coherent sense of self-identity1. Tout délit appelle donc à une restauration de cette confiance en soi et en l’autre sans laquelle l’engagement dans la vie sociale ne peut se faire ou se réduit à un retranchement dans des enclaves protectrices car ségrégatives, des lieux où les rencontres sont rendues évidentes et sûres par la réduction de la distance sociale et culturelle. Richard Sennett a bien montré dans la famille contre la ville comment le repli dans un univers homogène vise à conjurer l’effroi suscité par un environnement incertain. Il est donc de l’intérêt des victimes de retrouver une confiance qui permette l’engagement dans un monde dont la conflictualité et la violence ne peuvent pas être totalement évacués. Mais la façon dont on peut prendre en compte la victime ne peut être évidemment la même tant que n’est pas interrogée cette confiance qui a été rompue, la relation et les situations sociales préexistantes au délit. Or il faut bien reconnaître que nous n’avons porté d’intérêt qu’aux grands crimes et non aux petites victimes et aux petits délinquants. Pourtant la question de « la petite délinquance » est centrale car les réponses que nous y donnons ne permettent visiblement pas de juguler ce « sentiment d’insécurité » qui est l’inverse d’un sentiment de confiance dans son environnement et qui suscite de nombreuses tentatives d’instrumentalisation. Peut-être est-ce même là que la rencontre entre victime et coupable est la plus absente alors même qu’elle est la plus possible.

Olivier Claverie, « Les victimes, entre réparation et instrumentalisation », Champ pénal, Responsabilité/Irresponsabilité Pénale mis en ligne le 17 juillet 2005. URL : http://champpenal.revues.org/document370.html. Consulté le 21 juillet 2008.

Ecrit par Rakshasa, à 22:08 dans la rubrique "Pour comprendre".
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Commentaires :

  satya
21-07-08
à 23:02

les réponses que nous y donnons ne permettent visiblement pas de juguler ce « sentiment d’insécurité » qui est l’inverse d’un sentiment de confiance dans son environnement et qui suscite de nombreuses tentatives d’instrumentalisation.

franchement, après lecture de cet article et ces dernières phrases, je pense en effet que ces personnes n'ont aucune véritable connaissance ni compréhension des ex-victimes. déjà rien que de parler constemment de victimes est une erreur basique et fait partie intégrante du maintien dans la victimisation des personnes.
un élément essentiel à considérer est qu'une personne qui a souffert d'une aggression quelle qu'elle soit n'est en aucun cas une victime à vie, elle est victime uniquement dans un espace-temps délimité et on ne peut alors plus parler de victimes mais on devrait utiliser plutôt des termes comme des "survivants", des personnes souffrants de sequelles ou de stress post traumatique, language plus couramment utilisé par exemple dans les pays anglo-saxons et qui justement permet aux ex victimes de ne pas stagner dans leur histoire plus ou moins douloureuse selon les personnes et selon les histoires vécue. l'instrumentalisation commence déjà au niveau du langage utilisé ici en fixant les personnes dans leur vécu traumatique uniquement.

avant de vouloir mettre face à face les ex victimes et les aggresseurs, il faudrait déjà que la définition concernant les ex victimes soit un peu plus "travaillée", or un élément essentiel c'est que la société a beaucoup plus peur des ex victimes que des aggresseurs.

ensuite, la confiance et l'insécurité sont deux éléments totalement différents et qui ne sont absolument pas reliés; ni à mettre sur le même niveau.
la soit disante "sécurité" ou sentiment d'insécurité n'est qu'une illusion organisée afin de jouer sur les peurs des gens: c'est de la manipulation totale et politique. nous sommes constemment dans la possibilité de vivre un accident que ce soit par la main d'une autre personne ou par une catastrophe naturelle. absolument personne n'est à l'abri d'un accident quel que soit le sexe, le niveau social ou économique ou le lieu d'habitat et nous avons tous en nous cette capacité de vivre avec cette insécurité constante relative.
mais la peur est facilement manipulable et il est plus "intéressant" de l'utiliser plutôt que de faire comprendre aux gens qu'ils peuvent gérer leurs peurs simplement et naturellement. c'est un rapport totalement malhonnete d'exploitation des peurs et de maintient et entretien de ces peurs.

la confiance relève des rapports humains, ce qui est différent; cela concerne l'établissement du relationnel et des limites posées et choisies par chacunE d'entre nous.



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  Rakshasa
22-07-08
à 02:41

Re:

Je suis entièrement d'accord avec toi Satya sur la définition de victime, et j'ai posté ce texte,  pour le sujet qu'il abordait et les pistes de réflexions qu'il pouvait susciter (ça vient d'une revue de recherche sur la criminologie...brrr).
La question qui se pose alors à moi, c'est comment une ex-victime peut elle-même passer de son rôle de victime à survivante, dans un laps de temps réduit, sachant que c'est le traumatisme aussi, qui fait que la personne va faire perdurer son sentiment de victime ? Sentiment qui engendre le désir de vengeance, que le système pénal est là pour assouvir et canaliser. Aussi quelles réponses avons-nous en remplacement de ce système pénal quand le désir de vengeance cherche à s'exprimer ?
Refouler et inhiber ce désir ? (le temps suffit-il ?) Le transformer ? (comment ? en quoi ?) Le laisser s'exprimer (vendetta ?) ? Difficile tout cela...en tout cas pour moi...

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  satya
22-07-08
à 18:18

Re:

bonjour,
je vais essayer de faire court,  mais à dire la vérité il y aurait des tonnes à dire sur ce sujet pour essayer de répondre à tes questions.
- le fait que le texte vient d'une revue de recherche sur la criminologie montre et démontre ce que je disais avant: l'aggresseur fait beaucoup moins peur que la/le victime et celui/celle-ci ne sont encore considéré que depuis l'agresseur donc lié, voire soudé à l'autre. or l'action de l'agresseur comme je l'ai déjà dit est de fait limité dans le temps et l'espace. le mal-être que ressent les sociétés pour considérer les personnes qui ont été vicimes est clairement intolérable pour la grande majorité: d'ailleurs cet effet créé chez les ex-victimes un sentiment de culpabilité sociale puissant et beaucoup plus fort et fréquent que chez les agresseurs!

- pour essayer de répondre à ta question, il faut garder à l'esprit que chaque personne qui a vécu une agression le vivra d'une façon totalement unique en fonction d'une part de sa propre personnalité et d'autre part de son propre vécu. une même personne peut réagir totalement différemment aussi selon l'époque de sa vie à laquelle cela se produit.
un autre fait important c'est également les degrés d'aggressions subites qui sont multiples, donc des intéractions extrêmements subtiles, complexes, diversifiées et relatives.

à partir du moment où une personne survit une aggression traumatisante, cette personne est unE survivantE et déjà plus une victime. c'est vraiment essentiel, justement parce que cela redonne du pouvoir à la personne. le fait de comprendre que c'est fini, d'exprimer la limite est essentiel car cela permet justement d'appréhender l'idée de soins et d'évolution.
dans les cas de traumatisme intense, cette prise de conscience peut être très longue selon l'état de choc émotionnel et psychique. mais la psyche est vraiment très bien faite et elle trouve des moyens de gérer tout cela de maintes façons. l'entourage a un impact important à ce moment là et peut effectivement influencer l'ex victime qui alors s'installera justement dans une victimisation à perpet, ou voire même s'installera dans le déni (pffft même pas mal!).
mais dans les faits, non seulement la psyche a une très bonne mémoire et fera le boulot même si la personne ne veut pas ou se retrouve sous médicaments inhibiteurs. ça bosse de toutes façons mais en sous terrain et petit à petit les choses seront représentées à la lumière du jour au fur et à mesure car la personne lachera prise sans s'en rendre compte.
en plus de la psyche, il faut aussi savoir que le corps a sa propre mémoire active (un peu comme une imprimante d'un ordi qui a une mémoire totalement indépendante du pc). et là aussi ça bosse dur et ça réagit.
donc tout est constemment très relatif, mais le boulot est fait en interne aussi bien par la psyche que par le corps. des personnes peuvent rester dans la victimisation pour le restant de leur jours tout simplement parce que cela arrange bien aussi la société.
quand l'ex victime devient consciente qu'il/elle souffre de séquelles, il peut donc y avoir des recherches de "guérisons" et ce qui marche pour une personne ne marchera pas forcémment pour une autre.
le temps peut avoir des effets pervers, c'est à dire que certaines personnes s'installent dans le déni pendant des années mais en fait c'est comme laisser une jarre cassée au grenier, le temps fait qu'elle est recouverte par la poussière mais la casse est réelle et il suffira d'un petit courant d'air pour soulever la poussière et constater de nouveau les morceaux cassés.
d'un autre coté, le temps permet à la psyche et au corps de faire leur boulot de sous marin.

le désir de vengeance est je pense une étape naturelle qui montre que la personne se rend compte de ce qu'il lui est arrivé. mais effectivement, je pense que le système pénal maschiste est fait pour canaliser et réprimer des sentiments de vengeance qui sont naturels et fondés. le système pénal n'assouvit jamais un sentiment de vengeance amha.
je pense que toute ex victime doit passer par ce sentiment de vengeance totalement justifié. et il faut tenir compte du fait qu'une agression c'est un acte de prise de pouvoir sur une autre personne. le désir de vengeance est la recherche de récupérer le pouvoir perdu.

quelles réponses avons-nous en remplacement de ce système pénal quand le désir de vengeance cherche à s'exprimer ?

c'est à chaque personne de trouver ses réponses, mais par exemple je connais une ex victime, qui s'est retrouvée face à face avec son agresseur et qui était armée (de façon illégale) et qui a menacé l'agresseur jusqu'à voir la panique totale dans son regard, cela lui a redonné son pouvoir d'une part et d'autre part, le fait de n'avoir pas tiré sur le mec lui a permis justement de dépasser le sentiment de vengeance car tirer sur lui aurait signifié perdre totalement le cours de sa vie puisque cela aurait signifié la prison. le fait de passer à l'acte aurait signifié l'incapacité de s'extraire de la victimisation et de reprendre sa vie en main même si c'est avec des morceaux cassés.

tout le monde ne se ballade pas avec un flingue, ce n'est qu'un exemple. mais effectivement la confrontation avec l'agresseur peut permettre d'exprimer la colère et surtout peut permettre de trouver des manières pour récupérer le pouvoir volé.

je ne sais pas si tu peux voir ce que je veux dire, j'espère.

je crois plutôt qu'il serait important d'accompagner les ex victimes, de ne pas les jeter dans le deni, et de leur permettre de vivre toutes les étapes nécessaires et oui de les laisser s'exprimer jusqu'à ce que la personne récupère son pouvoir personnel, ait envie de se soigner et puisse réintégrer sa propre vie et son corps.
refouler et inhiber est ce qui peut être de pire, par contre, l'entourage serait essentiel  justement de garant qui permette à l'ex victime de ne pas dévier complètement, créer des espaces d'expression libre mais avec des filets de protections de façon à ce que la personne n'agresse pas l'autre par vengeance ou ce qui est beaucoup plus courant que la personne ne se blesse pas volontairement ce qui est très courant.

voilà, je ne sais pas si c'est très clair.
une chose est certaine, il existe très très peu de centres pour traiter des traumas et peu de méthodes construtives, les laboratoires pharmaceutiques se faisant un beurre fou là-dessus.
la victimisation est amha un acte politique et financier évident.
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  satya
23-07-08
à 09:51

Re:

bonjour,
j'ai oublié hier par rapport au language utilisé: il est vraiment surprenant que la langue française qui est pourtant réputée pour ses nuances et sa finesse grâce justement à une grande quantité de synonymes est incapable de fournir d'autres mots pour "victime".
on peut en effet se demander à quel moment on devient une victime et on s'arrête de l'être, par exemple les personnes qui sont au chômage et/ou précaires à partir de quel  moment sont-elle des victimes et de qui, de quoi?
également: les naufragés du titanic ont été victime d'un iceberg ou de la politique économique naissante qui n'avait pas considéré que mettre des canots de sauvetages suffisants pour les deuxième et troisième classes??
et il pourrait y avoir tant d'exemples différents.

comme on peut le constater aujourd'hui ouvertement, la victimisation permet aussi la culpabilisation puis la criminalisation des personnes au chômage ou des pauvres et cela est en train de s'installer au niveau mondial. la relation des violences multiples et de la victimisation est aussi quelque chose d'important à considérer.
l'exemple de l'ex victime d'une agression  personnelle concerne tout autant les violences de groupes amha et concerne ... le pouvoir et la liberté.
(tu vois quand je t'ai dit que je pourrais en faire des tonnes ;) ).


il y a quelqu'un ici qui parlait de détricoter et bien il serait intéressant de détricoter le mot victime afin de nous en libérer touTEs les unEs autant que les autres ;)
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