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Après avoir regardé un peu ce qui se passait avant l’invention de notre monde, il me semble qu’il est hors de question de revenir dans l’idée retour au passé, qui lui même est très complexe et n’est vraiment pas exempt de domination féodo-étatique. La « sortie de l’économie » ne peut donc être le fait de singer l’avant-historique de l’invention de l’économie. Le passé est d’abord une source pour dénaturaliser le monde dans lequel on vit (on travaille, on consomme, on se repose, etc.). Notre monde n’est ni naturel, ni évident, ni transhistorique, il est une construction historique et sociale. Et quand bien même nous sommes enfermés dans ce monde où les portes de sorties sont réduites car il ne nous a pas laissé de clés, c’est une construction. Nous sommes bien dans une construction historique. Dans le déterminisme économique qui nous traverse, il y a donc espoir, car l’économie est finalement une réalité inventée.
La question de la « sortie de l’économie » est donc à fonder non dans le singement du passé il me semble, mais sur évidemment nos pratiques actuelles, ce que nous faisons aujourd’hui. Partir de là où nous sommes. Là question essentielle est donc, comment ici et maintenant dans nos situations de dépossédés, retisser un lien entre notre activité et son besoin, sans la médiation de l’économie ? C’est ça qui semble à plusieurs essentiel. Toute pratique, quelle qu’elle soit, qui retisse ce lien, nous fait sortir de la chaîne des délégations techno-économiques.
Dans cette question, la prise en compte de la nature de notre activité, c’est-à-dire ce que nous faisons de nos bras ou de nos capacités intellectuelles, on le voit, est essentielle pour répondre. Il se trouve que notre activité aujourd’hui, c’est le travail pour l’échange au travers de la médiation de l’obtention de l’argent (le salaire). Retisser le lien entre l’activité et son besoin, passe alors me semble-t-il par une critique totale du travail pour l’échange, qui est historiquement une invention. Et c’est ce que fait par exemple Pierre Carles dans ses films et les expériences qu’il met en avant (Attention Danger travail et Volem rien foutre al païs). Mais évidemment, on ne peut pas comme ça quitter son travail, on aimerait bien puisque au fond on s’en fout tous un peu de notre travail, mais la technologie des besoins qu’il nous permet d’acquérir est trop vitale pour nous. Il faut bien assurer le bifteck ! Il faut alors probablement travailler à sortir de ce « chantage à la subsistance » comme dit Denis. Il faut construire des situations qui nous permettent de ne plus devoir obligatoirement chanter la chanson. Certes on devra toujours la chanter, mais si on s’évitait de temps en temps de reprendre en cœur le refrain, ou si on ne terminait jamais la chanson du chantage à la subsistance, ce serait toujours ça de gagné. Il s’agit donc de se dégager des pratiques qui puissent nous permettre de faire du travail pour soi, sur notre lieu de travail, mais surtout dans notre temps de non-travail. Il faut s’organiser individuellement, en couple, en famille peut-être, mais aussi et surtout dans nos réseaux de complicité respectifs : c’est-à-dire nos copains (pas forcément des militants), nos voisins, les gens que nous rencontrons. Comment à 4, 5 ou 10, 20, 30, essayer de collectivement nous passer de la médiation économique ? C’est évidemment la question du livre de P.M., Bolo’Bolo, L’éclat, 2003 (intégralement en ligne pour ceux que cela intéresse http://www.lyber-eclat.net/lyber/bolo/bolo.html ). Et cela peut passer par quantités de pratiques diverses, variées, que l’on doit continuer à construire et surtout inventer. Tout un champs de la militance est déjà engagé dans cette voie, mais avec un manque important de vues analytiques. Cela peut être une parcelle individuelle de jardin, participer à un jardin collectif en ville, organiser la complicité d’un réseau d’auto-récupération et d’auto-recyclage par des ateliers de bricolage, auto-réduire son temps de travail pour l’argent, la création d’un réseau pour l’autonomie semencière, l'organisation d'un pool de « techniques autonomisantes » à utiliser en commun, la création d’une Amap nouvelle qui nous permette de concrètement nous réapproprier notre activité (on en discute dans le prochain n° de Sortir de l’économie, « Sortir les Amap de l’économie »), chantiers pour l’auto-construction, participer à un groupe de construction de matériels énergétiques autonomes, partir dans un groupe sur un terrain pour tenter un travail commun nourricier (quitte bien sûr à vivre aussi avec des revenus monétaires grâce à du maraîchage, et de la vente à la ferme, etc.), planter un potager durant la prochaine occupation de l’Université et organiser des « récupérations de marchandises » au moins pour le symbole et susciter des débats sur la nature des mouvements étudiants dans l’AG, toute une réflexion collective est aussi à mener sur la proposition utopique de la Centrale-ASEM de F. Partant, etc. C’est pas les pratiques qui manquent, et pleins de gens y sont déjà. Les pratiques sont là. Il faut donc à mon sens, clarifier ce que pourrait être le projet politique de toutes ces pratiques aujourd’hui de bricolage. Comme on le voit dans les pratiques qui existent, la question notamment de la nourriture est un important champ de pratiques pour justement commencer à relier son activité pour qu’elle redevienne le simplement mouvement du besoin, pour qu’elle prenne en lui à la fois son origine, son déploiement et son terme. Et comme cela on commence à mettre un pied hors de la médiation économique. Le tout est que désormais notre activité tende à être individuellement ou collectivement reliée directement à son besoin (à mon sens l’essentiel de la réappropriation est là je crois, on tire là-dessus et tout vient derrière peu à peu : la relocalisation mais pas de l’économie simplement de nos vies, le lien social, les pratiques de démocratie directe, respect de l’environnement, rapports humains, etc). A partir de là, nous ramenons notre vie à nous-mêmes, aux potentialités de notre corps qui bouge, à notre conscience qui comprend, à notre parole qui touche l’autre, à notre horizon sensible que nous éprouvons, à notre horizon de personne qui vivent avec nous et avec qui on peut « faire politique » (comme disent Camille Madelain et Loic Bielman dans le dernier bulletin de La LH : « l’autonomie politique passe par l’autonomie économique »). Notre vie redevient la notre. Nos vies redeviennent les notre. Car la chaîne des délégations auto-productrice de son irresponsabilité et de son invisibilisation, se réduit. On retrouve un monde dont la connaissance et la maîtrise sont désormais en première personne (j’ai vu que…) ou en deuxième personne (le voisin que je connais a vu que…), et non une connaissance en énième personne qui aboutit toujours au monopole radical de savoirs détenus par les spécialistes que nous sommes tous devenus (toi le vin, toi l’agriculture, toi l’ordinateur, toi l’éducation, toi l’image, toi le savoir, toi le pain, toi la santé périnatale, etc.). Il est essentiel comme dit Illich de retrouver des outils et des activités à notre mesure, localisés et maîtrisables par chacun de nous. Des outils et des activités qui ne font pas de nous la matière première ou le simple prolongement d’une interdépendance sociale abstraite. Dans la réappropriation du lien direct entre mon activité et mon besoin, si je fais quelque chose qui me semble aller à l’encontre de ce que je pense bon (hop je pollue par exemple), de ce que je crois (hop là je suis en train de placer mon voisin dans un état de dépendance totale vis-à-vis de moi), je ne suis plus impuissant pour intervenir. Et ainsi la possibilité de la pollution, la possibilité d’un rapport hiérarchique entre les humains, la possibilité de ne pas reconnaître la part d’humanité essentielle en chacun de nous, etc., se rapportent à notre propre maîtrise, à notre corps, à notre conscience, à ceux avec qui je suis, etc. Là où je et on peut agir. Le monde maîtrisable qui se rapporte directement à notre « faculté de juger » comme dit Arendt. A qui s’adresser ? Sortir de l’écologie politique et densifier les champs des complicités. Cependant, l’idée de « sortir de l’économie » n’est pas je crois une proposition d’une « autre société ». La « sortie de l’économie » n’est pas une « alternative » au sens qu’elle serait une proposition qui pourrait prendre la place de l’économie. Elle n’est donc pas transposable en termes de politiques publiques, en termes de politiques économiques, de nouvelles techniques régulatrices de quelque chose qui de toute façon est devenu fou. Parce que l’idée de tendre à relier son activité à son besoin échappe à la réalité économique, car la chaîne des délégations ne peut organiser je pense la fin des délégations, qu’en créant de nouvelles délégations. « Le réalisme politique est devenu irréaliste car la réalité se trouve à un tournant » (PM, BoloBolo). Il faut peut-être désormais se rapporter à soi et à ses proches (amis pas forcément politiques, réseaux d’appartenance militante, famille, etc.). L’idée de « Sortir de l’économie » ne peut donc être « réaliste » et intéresser que ceux qui sont résolus par leurs pratiques à se passer de ce monde ou qui en sont déjà largement exclus ou mis à sa marge. Comme le disait F. Partant, je crois que le réseau de complicité qui porte déjà la sortie de l’économie, ne peut être que celui formé par les chômeurs qui ne veulent plus travailler, les naufragés du « développement », les militants anticapitalistes, et tous ceux qui, de tout milieux sociaux, sont dégoûtés et plus motivés par ce meilleur des mondes et qui bricolent des situations les moins traumatiques pour eux (voir le livre de G. Paoli, Eloge de la démotivation, éd. Lignes, 2008). La « sortie de l’économie » ne peut être ni responsable, ni réaliste au regard du monde de la réalité de la machine, elle n’est donc forcément ni un modèle économique, ni un mot d’ordre citoyen, ni un programme politique. A mon sens, trop de personnes font de l’urgence écologique – même à leur dépend -, le point d’appui non pas d’une décolonisation de l’imaginaire, mais d’une conservation de l’imaginaire, afin de le garder « réaliste ». L’urgence écologique nous retient encore dans l’économisme, le technicisme, le politisme. Le catastrophisme entretient peut-être en effet, une soumission durable.Personnellement je crois, que nous sommes toutes tendances confondues, suffisamment nombreux à critiquer le capitalisme, la mondialisation, sa technologie, ses relations sociales chosifiées, pour engager nous-même la densification de ce champ de complicité pour nous auto-organiser à tendre à quitter la médiation économique. Mais aujourd’hui, il faut trouver une nouvelle cohérence, il y a encore trop de confusions, on sait pas trop finalement pour qui on roule : Le terme de « décroissance » dans son sens dominant (voir par exemple l’article « décroissance » sur Wikipédia), entretient à mon sens un gros flou sur les perspectives. De plus faut-il demander des augmentations de salaires en continuant à opposer le travail au capital, le travail pour l’argent n’est-il pas une des formes de la valeur, sur lequel prend naissance la valorisation ? Consommer en citoyen responsable ? Se serrer la ceinture et « consommer utile » ? (et bientôt on ira peut-être retirer à la médiation économique des produits « utiles, locaux et 100% sympa » avec toujours du travail omniprésent et son corollaire la consommation.) Réclamer de nouvelles politiques publiques à l’Etat ? Prendre le pouvoir par la force ? etc. Nos schémas fonctionnent souvent sur ces divers modes là. A mon sens il faut axer un discours collectif dans le milieu et les sympathisants, sur la réappropriation de l’activité (exactement ce que fait Pierre Carles dans ses films). Il faudrait pouvoir signifier clairement un mouvement cohérent d’idées et de pratiques, qui appellerait à arrêter de critiquer abstraitement le « capitalisme », en attendant la grève générale ou l’insurrection générale qui ne viendront jamais, ou la conquête électorale de l’appareil d’Etat et technicien qui ne changera rien.
Créer des espaces de pratiques, créer des rencontres et des débats sur cette perspective a inventer où l’on puisse partager ensemble ses expériences, ses interrogations, ses doutes, ses difficultés, etc., de nombreuses personnes aujourd’hui essayent de faire cela (réseaux d’auto-construction, rencontre d’auto-consommateurs, rencontres autour du cohabitat urbain, jardins collectifs près des villes, etc). La dedans la critique du travail, c'est-à-dire la nature de notre activité, me semble essentielle. Il faut donner mettre en cohérence ces pratiques. Nous devons quitter les slogans (« ne travaillez jamais ! ») pour passer à la tentative de leur incarnation concrète dans un champ collectif de complicités. La critique du travail ne doit plus lui opposer inutilement la paresse. On ne peut pas arrêter de travailler pour l’échange du jour au lendemain. La pratique militante que l’on pourrait promouvoir ne peut pas plus être l’autarcie, elle n’a jamais existé et elle n’existera jamais. Cependant, je crois que si on signifiait dans la militance un nouveau paradigme politique de pratiques concrètes, on sortirait de l’économie.
Dans la pratique, l’idée serait en partant d’une situation de travail pour l’argent (le salaire), de se dégager dans un premier temps au travail comme dans le temps de non-travail, des moments de travail pour soi, relié directement à son besoin et à celui de ses proches, sans médiation. Ce travail pour soi et ses proches, il peut être collectif, comme dans l’organisation d’un jardin collectif urbain, la création d’un atelier d’auto-fabrication, etc. Peu à peu, l’autoconsommation deviendrait finalement un complément au salaire. L’idée pourrait être alors de densifier les relations dans les réseaux travaillant sur ces pratiques, afin de faire une nouvelle entraide permettant de créer un basculement : faire en sorte que l’autoconsommation ne soit plus le complément à la vie sous salaire, mais devienne la base du maintien de la vie. Le salaire, ou les revenus monétaires, deviendraient dès lors complémentaires à cette autoconsommation. Tout cela ne pourra être trouvé et résolu concrètement qu’au travers de la pratique, et non au travers de vues générales comme ici. Une fois à ce niveau, on pourrait imaginer bien sûr conserver l’échange marchand de produits ou de soi, mais également imaginer entre les groupes de militants, faire circuler les réalisations de nos vies autrement que par la mise en équivalence. Don, etc…Ici on sortirait de l’économie. Ce ne serait pas une décroissance économique (décroissance de toujours les mêmes paramètres écologicisés de l’économie et de sa science) mais une sortie concrète et pratique du besoin de la médiation économique totale. Car l’idée qui me meut en premier, mon sentiment le plus profond si tu veux, c’est bien que l’échange marchand a concrètement trop pris de place dans nos vies, il faut le faire décroître concrètement, le faire passer de place totale, à complément. C’est jamais l’Etat ou l’Economie (dominante ou alternative) qui engagera cela, me semble-t-il. Cela ne peut venir je crois que de tous ceux qui aujourd’hui bricolent des pratiques dans leur coin pour se créer des situations les moins traumatisantes pour eux. De nombreux points restent encore à clarifier, c’est évident (discutons-en). Peut-être cette vision là te paraît irréaliste, ou au moins pas à la mesure d’une réponse complète à la situation actuelle, et tu as probablement raison. Mais autour de moi (comme peut-être autour de vous), les personnes avec qui je vis, et que je rencontre, ils sont concrètement là-dedans. Quand les individus s’y mettent concrètement, il faut je crois y croire (oui, ça fait un paquet de croyances J). Déconsommer ne sert à rien il me semble, il faut politiser quelque chose qui puisse véritablement être une réappropriation.[1] Je partage cette idée du sociologue Jean-Pierre Durand : « Selon Marx, le travailleur salarié [la personne touchant un salaire] est aliéné parce que, le résultat de son travail ne lui appartenant pas (en raison de la séparation entre moyens de production et travailleur), ‘‘ dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas à lui-même, mais appartient à un autre ’’ (Manuscrits de 1844). Au-delà de la dimension économique de l’aliénation, sa caractéristique principale réside dans sa négation : la perte de la liberté de disposer du produit de son travail, donc la perte de sa propre liberté en tant qu’individu, conduit l’ouvrier à nier cette perte ; la négation de l’aliénation est intrinsèque au processus d’aliénation lui-même. Dans les conditions de l’implication contrainte, acceptée contre certaines contreparties symboliques (à la différence du régime fordien où les compensations étaient salariales), les conditions de l’aliénation sont redoublées par le masquage renforcé du rapport salarial, opéré par l’octroi d’espaces d’autonomie, de satisfactions ou de consentements au travail, etc. Les conditions d’une nouvelles servitude volontaire sont réunies », in La chaîne invisible. Travailler aujourd’hui : flux tendu et servitude volontaire, Seuil, 2004, p. 17-18.
Commentaires :
libertad |
Diggers, me dire si le texte est complet, il me semble que quelque chose a sauté à la mise en ligne, je crois que c'est la note 1 car elle ne fonctionne plus.
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Diggers 21-07-08
à 11:14 |
Re:Je crois que c'est juste le dernier paragraphe qui n'apparait pas comme la note de lecture [1]. Si tu peux le faire, merci par avance. Diggers Répondre à ce commentaire
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libertad 21-07-08
à 13:26 |
Re:C'est corrigé. Je n'ai pas retrouvé l'article "De la décroissance à la sortie de l’économie" sur le site, pourtant ce texte dit qu'il a été publié sur l'En dehors.
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Diggers 24-07-08
à 12:48 |
Re:Ah... je croyais que c'était Elvirolo qui l'avait mis sur l'Endehors. Sinon il est là : http://forum.decroissance.info/viewtopic.php?t=6105&start=0 Répondre à ce commentaire
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à 10:37