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Bien que passée inaperçue, avec ses 500
manifestant(e)s regroupées place Pigalle, car tenue le même jour que l’énorme
manifestation contre le CPE avec plus d’un million de personnes, elle fut
néanmoins la marque d’un nouveau type de revendication chez les prostituées,
celui de revendiquer l’activité prostitutionnelle comme un métier avec ses
droits et ses devoirs.
Il existe une prostitution forcée qui
s'exerce dans la contrainte et qu’il faut combattre car elle est dominée par le
"phénomène mafieux". Depuis longtemps, les prostituées ont droit à
l’amalgame entre prostitution et exploitation sexuelle qui porte physiquement
et psychologiquement atteinte aux femmes, et qui considère leur corps comme une
marchandise pouvant être achetée et vendue. Mais la prostitution est aussi,
selon plusieurs associations de prostituées "une activité humaine"
que l'on doit libérer de ses anciens asservissements sacrés, culpabilisateurs
et répressifs. Le jour de la manifestation elles et ils ont adressé une lettre
à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, pour poser les risques d’une politique
abolitionniste.
À
force de s’entendre dire sans arrêt qu’elles ne sont que des marchandises, des
corps qui se vendent, qu’elles ne se respectent pas, qu’elles auraient
nécessairement été violées dans leur enfance, qu'il faut les réinsérer,
qu’elles n’ont aucune conscience de ce qu’elles font, qu’elles portent atteinte
à leur dignité, à leur santé psychique, beaucoup de prostituées considèrent que
les abolitionnistes ont fini par briser des vies. Cet abolitionnisme est alors
vécu par ces femmes et ces hommes comme une forme de maltraitance
psychologique.
Pour les abolitionnistes, elles ne
seraient acceptables que malheureuses afin de confirmer l'image qu'elles veulent
donner d’elles. Mais si l'une d'entre elles se rebelle et revendique sa liberté
de se prostituer, de disposer librement de son corps, elle sera de suite taxée
: « non représentative, égoïste, salope, nymphomane forcément perturbée,
légitimant les viols ». Une personne qu'il faut nécessairement
punir : contrôle fiscal, retrait de la garde des enfants, amendes et PV,
humiliations, harcèlement policier, expulsions, sans retraite, ni sécu. Aucun droit ne leur est accordé.
Peut-on questionner cette morale qui
prétend interdire d’avoir une sexualité en dehors du couple, de sentiments
amoureux avec des inconnus, avec ou sans désir, avec ou sans plaisir, ou juste
par intérêt ?
S‘il faut lutter efficacement contre le
proxénétisme et les réseaux de traite, les politiques devraient peut-être aider
les prostituées à obtenir un statut de travailleuses indépendantes avec
l’application des droits et des devoirs assimilés.
Les prostituées veulent lutter, à leur
manière, contre toute forme d’exclusion sociale, contrairement aux
abolitionnistes qui voudraient les exclure de la société. Ce n’est pas en
voulant éradiquer la prostitution qu’ils les aideront. Elles ne veulent pas
être éradiquées. Elles veulent seulement exercer leur métier dans les
meilleures conditions possibles. C’est
en sortant la prostitution de la clandestinité qu’elles pourront aider des
personnes victimes de traite et qu’elles pourront s’appuyer sur des droits
aujourd’hui inexistants en France.
Note de distribution
« Rendez-nous nos trottoirs » est un slogan entendu
sur les manifestations de défense des droits des travailleuses du sexe. Il y a
dans la chaleur et la virulence du débat un noeud, un problème que la question
de la prostitution, la location du corps, le service sexuel incarne tant et
tant que ces putes-là sont niées, repoussées, dissimulées...
Pourquoi? Pourquoi le sexe, sa marchandisation
est-elle tellement stigmatisée dans une société où tout se vend, s'achète sous
les auspices gracieux des lois du marché?
« Rendez nous notre débat » voulons-nous sans doute
scander à travers la sortie de ce film en salles. Le sexe/la sexualité et
son accès, son devenir dans notre
société, celle-là même où il paraît que nous sommes libéré(e)s, est une clef incontournable
de compréhension de comment nous vivons et ce que nous voulons pour notre
projet d'avenir en commun. De quelle subversion si profonde et puissante est
nourrie la parole de ces travailleu(r)ses? Si le film a été diffusé à la
télévision en mars 2009, nous pensons que cela n'est pas suffisant et que le
débat doit être public, que ces paroles-là doivent être entendues, partagées et
questionnées. Et parce que le pouvoir s'emploie avec tant d'ardeur à les
cacher, nous leur devons au moins ça, les écouter et les voir sur grand
écran....
Quelques mots du réalisateur
L’économie de marché a généré la
multiplication des salons de l’érotisme et de sociétés d’éditions de vidéos
pornographiques, au nom de la prétendue liberté du consommateur. Dans un autre
domaine du travail du sexe, la prostitution est restée plus ou moins tolérée
dans la plupart des pays. En France, Nicolas Sarkozy, alors ministre de
l’intérieur, fait voter en mars 2003, une loi dite de « sécurité
intérieure » incluant le racolage passif des prostituées. Si la prostitution
devient très vite moins visible dans nos rues, la prostitution augmente
considérablement sur les réseaux Internet et aux périphéries des villes,
rendant à nouveau des prostituées à la merci des proxénètes et des réseaux
mafieux.
Qualifiée de plus vieux métier du
monde, la prostitution reste un « obscur objet de haine et de
désir ». Elle a stigmatisé le symbole de l’exploitation de la femme par
l’homme dans toutes les sociétés. Ces problématiques, je les avais traitées, il
y a plusieurs années, dans un cycle sur la prostitution[1]
Mais depuis la loi Sarkozy, certaines femmes et hommes revendiquent à nouveau
haut et fort la volonté de pouvoir louer librement leur corps, de défendre
leurs pratiques sexuelles et réclament que leur métier soit considéré comme
aussi respectable qu’un autre, avec ses droits et ses devoirs.
Paroles dérangeantes qui nous
questionnent sur un fait de société victime de jugements moralisateurs,
d’anathèmes de certaines féministes et de mépris de beaucoup d’autres. Une
activité qui interroge, naturellement la sexualité, mais aussi les rapports
hommes / femmes, le pouvoir, l’argent, la
définition d’un travail…[2]
Une question sociétale où il est indispensable de sonder l’économie de marché
qui utilise une pseudo libération
sexuelle pour justifier la marchandisation de l’intime au nom
de la prétendue liberté du consommateur.
Conjointement, chaque pays revendique
unilatéralement ses lois permissives ou coercitives sans pour autant avoir été
capable d’éradiquer la prostitution - esclavage.
C’est au travers de vies, de pratiques
et de témoignages de femmes et d’hommes qui utilisent librement et
professionnellement leur sexualité que ce film a été réalisé. Tourné en France,
mais aussi en Belgique et en Suisse, ce film fait émerger les réflexions de
fond qui implique le rapport du pouvoir et de la soumission, tout en
questionnant les fantasmes qui agitent les hommes et les femmes.
QUELQUES PERSONNAGES DU FILM
SONIA
Sonia est prostituée depuis près de
trente ans, elle travaille en vitrine à Bruxelles, elle a la cinquantaine
passée.
Sonia est issue d’une famille
bourgeoise, sa mère refait sa vie avec un homme avec qui elle ne s’entend
pas. Elle tombe enceinte à 18 ans, son beau-père ne veut pas de
l’enfant. On lui retirera son fils à la naissance. Elle quitte la
famille, et commence à travailler à la caisse dans une maison de
passe. Elle est fascinée par l’univers de la prostitution et découvre peu
à peu qu’elle apprécie le métier de pute. Sonia aime le sexe. La
prostitution lui permet de gagner son indépendance et de s’engager avec passion
pour la cause des femmes, des prostituées et des étrangers. En 1995, elle fait
la connaissance de Grisélidis Réal, une rencontre qui va la bouleverser. Une
longue amitié va naître entre les deux femmes. Sonia va s’engager totalement au
coté de Grisélidis pour la cause des prostituées. Grisélidis meurt en
2005, Sonia continue le combat. Sonia aime son métier : « je suis une assistante sociale avec
le sperme en plus … ».
YVAN
Yvan a 72 ans. Depuis dix ans, suite à
la disparition de la femme de sa vie, il a décidé un jour de casser sa solitude
en se retrouvant devant la vitrine de Sonia. Il ne supportait plus l’idée de ne
plus toucher le corps d’une femme. Seule une prostituée lui a permis de
ressentir à nouveau le désir, la vie, l’émotion de passer quelques dizaines de
minutes avec une femme. Depuis ces dix années, une fois par semaine, il vient
rendre visite à Sonia.
ISABELLE
Isabelle a 32 ans, elle est prostituée
depuis 18 ans à Toulouse. Isabelle a été attirée par la prostitution très jeune
bien qu’issue d’une famille d’intello. Elle veut rapidement gagner son
indépendance, abandonne ses études et débute occasionnellement à 21 ans comme
serveuse en bar américain. Au bout de quelques mois, elle décide de monter en
chambre. À 24 ans, elle décide de travailler dans la rue pour se sentir
véritablement indépendante. Elle aime la prostitution et apprend comme elle dit
à expérimenter les rapports humains. Elle aime parler de ses clients, elle
est aussi celle qui dirige et dicte les règles.
Se prostituer est, dit-elle, un acte politique et
féministe. Elle a toujours refusé la soi-disant réinsertion. Pour elle la
prostitution devrait être la cause de toutes les femmes. Isabelle s’exprime sur
les différentes composantes du stigmate de pute qui est actuellement son
principal combat.
GABY ET PASCALE
Il y a quelques années, Gaby a arrêté
de se prostituer pour se consacrer uniquement à son projet, l’ANA « A Nos
Ainées ». Face à la misère et à la situation plus que précaire de vieilles
prostituées, elle a décidé de créer une maison d’accueil pour les anciennes qui
se retrouvent le plus souvent à faire encore des passes à 70 ou 80 ans pour
survivre. Gaby veut aider ces femmes qu’elle côtoie chaque jour. Son
projet est en attente de subventions, mais Gaby ne lâche pas. Jusque-là,
elle n’a réussi à obtenir qu’un local pour accueillir et informer les anciennes
sur leurs droits.
À 18 ans, elle décide de se prostituer. C’est
l’époque de Pigalle et des putes traditionnelles. C’est à cette période qu’elle
rencontre Pascale qui la conseille sur le métier. Depuis quelques années, du
fait de la difficulté de survivre comme vieilles prostituées, Gaby et Pascale
partagent un modeste appartement en banlieue parisienne. Pascale continue de se
prostituer au bois de Boulogne. Gaby l’a entraîné dans l’aventure de son
association, elle y sera la première salariée. Gaby a lié une longue amitié
avec Grisélidis Réal et combattu à ses cotés pour les droits des prostituées.
Pascale a 68 ans et se prostitue depuis
45 ans. Diminuée par l’arthrose et les rhumatismes, Pascale ne peut plus
travailler tous les jours, mais elle refuse de quitter sa place. Elle la défend
comme son territoire et celui de celles qui sont mortes.
Pascale n’a jamais eu de proxénète, elle
vit librement, fière d’être pute. Ses clients sont pour la plupart des
habitués. Certains jeunes viennent la voir pour mieux connaître la sexualité
féminine. Pascale pense elle aussi que le métier de pute s’est dégradé. Ces
dernières années, elle s’est fait agresser plusieurs fois sur son lieu de
travail. Le bois de Boulogne est devenu dangereux. Malgré cela, Pascale est
déterminée à ne rien lâcher.
ALAIN
À la sortie de l’adolescence, Alain
a commencé gratuitement, et pour le plaisir, son métier de prostituée homme,
« escort » ou « gigolo » comme on dit pour ne pas froisser
le politiquement correct, place Dauphine à Paris. Il y rencontrait
principalement des couples. Informaticien de métier, il décide de se
professionnaliser en créant son site d’escorte sur Internet, ce qui lui apporte
de nombreuses clientes. Depuis il se partage entre ses deux métier. Parmi la
vingtaine d’escortes que j’ai pu rencontrer, c’est le seul qui a accepter
d’être filmé et encore en ne montrant pas son visage car explique-t-il, c’est
le plus gros tabou qui existe encore sur la prostitution, celui de femmes
clientes d’hommes prostitués.
MAITRESSE NIKITA
Il est le président de l’association
« les Putes » qu’il a créée en 2005 pour faire face, entre autres,
aux lois Sarkozy. C’est en rencontrant d’autres putes en Europe qu’il a pris
conscience qu’il appartenait à une communauté. C’est peut-être là le sens de la
création de son association dont l’histoire a commencé à la première Conférence
européenne des travailleuses du sexe en 2005. Il a trois enfants de 16, 18 et
22 ans et 32 ans de prostitution. Pour lui, pute, c’est beaucoup plus qu’une
histoire de cul, c’est un art de vivre. Nikita a aussi un cabinet de
naturopathe. Plusieurs de ses patients sont des clients. Beaucoup de jeunes
garçons qui démarrent dans la prostitution viennent lui demander des conseils.
Il est présent dans toutes les actions autour de la prostitution comme
dernièrement les Assises de la prostitution où s’est créé le premier syndicat
français des travailleu(r)ses du sexe.
MARIANNE
Belge, âgée de 40 ans, prostituée
pendant 17 ans après une longue période de chômage. Elle apprend les règles du
métier avec des transsexuels et des travestis. Elle considère que grâce à
l’argent de ses clients, elle a enfin pu vivre normalement. Elle se découvre
bisexuelle et se paye des prostituées quand elle n’a pas d’amie au bout de
quelque temps. Elle rencontre un neuropsychiatre qui lui parle du désespoir des
hommes et femmes handicapés qu’il a dans son service et qui parfois, n’ont
jamais eu de rapports sexuels. Elle va peu à peu se spécialiser avec ce type
particulier de clientèle. Après quelques mois de pratique, qui lui donne encore
plus qu’avant le sentiment d’être utile, le médecin lui avoue que ses patients
prennent moitié moins de médicaments depuis que Marianne les rencontre. Avec
ces hommes et ces femmes handicapés, elle découvre véritablement les signes du
corps et se sent vivre des aventures passionnantes et différentes à chaque
fois. Elle tente aujourd’hui de former d’autres prostituées dans ce domaine où
la demande est malheureusement importante et s’est lancée depuis deux ans dans
une formation d’infirmière psychiatrique.
QUELQUES PHRASES DES PERSONNAGES DU FILM
Isabelle,
prostituée à Toulouse
- Je continue à m’interroger sur ce qui dérange
tant chez les prostituées. Nous faisons partie de l’ensemble de l’industrie du
sexe, sauf que lorsqu’on est prostituée, on ne répond à aucune logique
justement de productivité. On maintient à toute force une petite activité à
dimension humaine. Nous restons des artisanes.
- La
distance entre le discours qui est tenu pour nous, les prostituées et ce qui se
met en place socialement, c’est une distance infinie. Finalement dans le sex
appeal qui s’est démocratisé et cette assignation à être sexy pour les femmes,
il y a sans doute un vieux malentendu entre les putes et les autres femmes.
Autrefois on reconnaissait une pute à la manière dont elle s’habillait, si ça
continue avec la loi, ça va être l’inverse, on peut voir des nanas habillées
super sexy, et les prostituées ont à cœur de s’habiller bien classique pour pas
se faire repérer par les flics, pour pas finir au tribunal pour racolage.
- La
loi Sarkozy qui pénalise le racolage est venue en même temps qu’une grande
inquiétude au niveau du mouvement migratoire, à limiter les mouvements
migratoires de personnes. C’est plus cela qui inquiète le politique à l’heure
actuelle, plus que la victimisation ou l’exploitation.
- Le premier gros argument contre la
prostitution, c’est la marchandisation des corps et le deuxième,
incontournable, c’est l’esclavage. C’est dommage, pour les esclaves économiques
en général, au-delà de la prostitution, parce que lorsque des travailleurs et
des travailleuses immigrés sont exploités dans des ateliers clandestins, il y a
pas grand monde pour le dénoncer avec autant de force et sur la place publique
que la prostitution.
- Qu’est-ce qui se passe de si grave,
de si douloureux pour une société dans le travail du sexe, qu’est-ce qui se
joue là de si fondamental que tous les arguments convergent contre le travail
du sexe ? Des arguments qui peuvent être justes mais qui sont justes pour
l’ensemble du fonctionnement social et mondial. L'esclavagisme,
malheureusement, en fait partie.
- La prostituée en tant qu’être humain
n’intéresse pas. C’est l’idée de la prostitution qui intéresse. Tout ce qu’elle
peut faire, c’est venir illustrer les mauvais exemples. Pour certains groupes
dit féministes, une prostituée qui ne serait pas exploitée, qui ne répondrait pas
à des critères de mise en souffrance, ça devient quelque chose de tellement
plat, de tellement banal, de tellement tranquille, que finalement c’est
beaucoup moins intéressant, c’est beaucoup moins photogénique que la
souffrance !
Sonia,
prostituée à Bruxelles
- Une femme devient pute, quand elle
demande de l’argent avant de faire l’amour. Comme disait Jacques Brel, une
vraie pute se fait payer avant, les autres femmes se font payer après. C’est ça
qui fait de nous une pute, et c’est de demander cet argent qui fait de nous des
victimes. Si l’homme me paye, je dois rendre des comptes à la société.
- Des
gens passent leur temps à m’appeler sale pute. Alors moi pour résoudre le
problème, je m’appelle moi-même pute. Moi je suis une pute, voilà, il y a que
le mot sale qui me dérange, j’ai déjà gagné la moitié. Moi je fais mon métier
qui est la prostitution. On m’appelle travailleuse du sexe, on m’appelle
personne prostituée, on m’appelle putain, on m’appelle pute, on m’appelle comme
on veut, ça m’est égal.
- Quand
je suis parfois face à des…, je les appelle pas des féministes, je les appelle
des sexistes parce qu’une vraie féministe c’est pas ça. Une féministe, elle
accepte d’entendre la parole de toutes les femmes, il n’y a pas des femmes qui
méritent d’être défendues et d’autres qui ne méritent pas d’être défendues. Je
crois que pour finir ça les arrange cette histoire d’esclavage. Elles nous
empêchent d’avoir le droit à la parole, parce qu’elles sont ont très peur de ce
qu’on pourrait dire. Dès qu’une fille dit qu’elle va bien, que c’est un métier
qui lui convient alors là, on doit la tuer. Parce qu’est-ce qu’elle pourrait
dire ? Elle pourrait dire que c’est un boulot qui n’est pas si terrible
que ça, qui est chouette, qu’elle aime bien, que les hommes ici sont très
gentils, et souvent les hommes ils sont jamais aussi gentils qu’avec une pute.
Et ça, elles peuvent pas entendre, parce que leur mari est peut-être pas si
gentil que ça, parce qu’elles ont des problèmes avec leur sexualité, parce
qu’elles ont des problèmes avec leur mec, parce qu’elles savent pas gérer le
fait que peut-être elles ont un côté noir qui voudrait bien faire la pute, et
qu’elles n’osent pas.
- Moi
j’ai jamais été interrogées par une prohibitionniste, elles ne m’ont jamais
demandé comment j’allais. Elles vont chercher des filles qui vont dans la
drogue, des toxs, elles vont chercher des filles qui travaillent dans des
conditions abominables dans la rue, alors effectivement elles en trouvent des
femmes qui vont pas bien, et c’est uniquement sur cela qu’il faut se battre et
ne pas faire un amalgame qui n’est que du populisme politique.
- Les
gens se demandent comment c’est possible d’avoir cinq, six queues par jour dans
leur ventre, ou dans la bouche, ou ailleurs. Pour moi mon sexe n’est pas sacré,
ça ne vient pas du divin, ce n’est pas fait que pour avoir des enfants, ou
faire l’amour par désir pour l’homme que j’aime. Moi, mon sexe me sert au
travail, et il me sert aussi dans ma vie privée. Mais ce n’est pas le même, parce qu’il n’est
pas donné de la même manière. Il n’est pas donné ici en fait, ici, il est
prêté, de manière très rapide.
-
C’est un rapport gratuit, dans le sens qu’on ne se doit rien. Le client paye,
on décide d’un contrat, c'est-à-dire tu me donnes tant, je te donne ça en échange.
Il n’est pas obligé d’être puissant, il n’est pas obligé d’être fort, il est
même pas obligé d’être poli, il doit juste être respectueux. Il est libre, totalement libre, c’est
d’ailleurs ça le problème de la société, parce que la société justement, c’est
un ensemble de personnes qui réprime un peu de leur liberté, pour que tout
fonctionne. Et la société dit aussi que c’est dans le mariage qu’on doit
trouver la situation la plus épanouissante, et un homme qui vient ici, il dit
non. C’est pour ça aussi que la prostitution est tellement combattue par la
société, parce qu’effectivement c’est une prise de liberté par rapport aux
règles que la société impose à ses membres, mariés, famille, enfants, caravane,
à la mer…
- Les
clients payent aussi le droit de ne pas revenir, et là on est mal, parce que là
c’est plus la pute mais c’est la femme qui a mal. Il faut justement pouvoir
comprendre qu’il paye ce droit là à l’anonymat, qu’il paye le droit d’un
abandon calculé.
- Dans
le combat contre la prostitution, il y a un combat pour le contrôle de la sexualité des gens,
que ça soit des hommes ou des femmes. Nous sommes utilisés comme des
épouvantails, car grâce à nous justement on dit aux autres femmes qui auraient
trop envie d’être libérées : « Attention, si vous devenez une pute on va vous démolir. » Mais on
dit aussi aux hommes : « Les femmes que vous allez payer, c’est dans la
boue que vous allez devoir les baiser. Que tirer un coup tranquille quand ils
en ont envie ne soit pas une chose trop agréable et facile, que leur sexualité
doit rester problématique et culpabilisante, qu’ils jouissent en payant s’ils
veulent, mais alors qu’ils côtoient la pourriture, la honte et la
misère ».
Sofia, juriste, prostituée :
-
Toute la société pratique une prostitution voulue ou non voulue. Dans toute la
société, quelle qu’elle soit. À tous les niveaux que ce soit, tout le monde se
vend, se prostitue d’une façon ou d’une autre. Mais là bien sûr, là, c’est
honorable, c’est noble.
Gaby, ex-prostituée,
créatrice de l’association « A Nos Ainées »
- Il
y a l’acte, il y a l’argent mais il y a aussi les récits, ce qu’ils nous
confient, ce qu’ils nous disent. C’est pas toujours très drôle pour eux, et
j’aurais tendance, comme on a tendance à taper sur les hommes, de vouloir prendre
leur défense, parce que ce n’est pas juste. J’ai compris combien les femmes
pouvaient être castratrices, que ce soient les mères, les femmes, les sœurs, et
selon l’éducation que certains hommes avait reçue et bien comment effectivement
certains hommes pouvaient devenir entre guillemets des masos et pourquoi.
Pascale, prostituée :
-
Quelques fois il y en a qui viennent juste pour tenir la main d’une femme, en
respirer l’odeur, sentir l’épaule, et puis ils sont contents. Ils se rappellent
peut-être quelqu'un d’autre. Je remplace une femme, une mère, ou une sœur, je
ne sais pas… Dans ces cas-là, je suis un
substitut d’amour.
Lisa, prostituée, directrice de maison close à
Genève, mariée, deux enfants :
- La
légalisation en Suisse fait que les choses sont beaucoup plus claires, plus
saines, à la fois pour la fille, et pour le client.
- Dans
ce domaine d’activité, on a vraiment toutes les couches sociales. J’ai des
filles qui n’ont exercé cette activité que pour payer leurs études. Dès
qu’elles ont leur diplômes et leur travail, elles s’arrêtent. J’ai aussi des
filles qui viennent travailler parce que elles sont en train de s’acheter un
bien immobilier. Une fois qu’il sera payé, elles arrêteront et puis elles
recommenceront leur vie courante.
- J’ai
des filles ici qui se font jusqu’à 1000 euros par jour. Le client paye toujours
directement à la fille, c'est-à-dire qu’elles encaissnt 150 euros, ou qu’elles
ont encaissé 500 euros, pour moi, c’est exactement la même chose. La seule
chose qui est comptabilisée c’est le temps d’occupation des chambres. Il faut
que ça lui rapporte à elle, à titre personnel, et pas à quelqu'un d’autre.
Annexes
La loi pour la sécurité intérieure (LSI ou
Loi Sarkozy II)
Cette loi a été adoptée par le parlement, le 18
mars 2003 et publié au journal officiel, le 19
mars de la même année. Cette
loi crée une série de nouveaux délits et de nouvelles sanctions concernant la prostitution, la mendicité, les gens du voyage, les squatteurs, les
rassemblements dans les halls d'immeubles, les menaces, le hooliganisme, l'homophobie ou le commerce des armes. Elle octroie par ailleurs de nouveaux
pouvoirs aux forces de l'ordre comme l'élargissement de certains fichiers, des
modifications des conditions de garde à vue, etc.
Le racolage passif
Concernant la prostitution, un nouveau
délit a été défini: le racolage passif. Dans le Code pénal, une nouvelle
infraction est prévue à l’article 225-10-1 : « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de
procéder au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en
échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération est puni de 2 mois
d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ».
Le délit
de racolage est ainsi élargi et intègre désormais le racolage passif et aggrave
cette infraction en la transformant en délit. Auparavant, le racolage actif
était poursuivi au titre des contraventions de 5e classe (article R. 625-8 du Code
pénal). Néanmoins, cette nouvelle disposition pénale n’a pas abrogé la
contravention prévue par cet article.
Les principales conceptions juridiques de la
prostitution :
La prostitution intéresse les autorités
sur le plan fiscal, moral et sanitaire. Les politiques des pouvoirs temporels
et religieux sont connues et expérimentées depuis longtemps. Toute politique
vis-à-vis de la prostitution est difficile à cause de la difficulté de prouver
qu'une relation sexuelle a eu lieu suite à un échange d'argent.
On peut distinguer globalement trois
conceptions de la prostitution, produisant trois approches politiques des États
sur l'existence de la prostitution :
Réglementariste : pour les réglementaristes, la
prostitution est une activité comme une autre qu'il suffit de
réglementer ; une activité professionnelle normale que l'État doit réguler
comme toutes les autres, encadrer cette activité dans un cadre légal,
c'est-à-dire en protégeant les droits des travailleurs de même qu'en prévenant
et en limitant les abus des employeurs. Les prostituées sont des travailleuses
sexuelles.
Abolitionniste :
pour les abolitionnistes, la prostitution est une forme d'exploitation et une
atteinte à la dignité humaine qui doit être abolie. Les personnes prostituées
sont des victimes et les proxénètes des criminels. Les prostituées ne sont pas
à priori sanctionnables (sauf en France); les clients peuvent être
sanctionnés dans certains cas.
Prohibitionniste : les prostituées et les proxénètes
sont des criminels ; police et justice sanctionnent ces activités. Les
clients peuvent être sanctionnés.
Générique
Un film
écrit, réalisé et filmé par
Jean-Michel
Carré
Assistante
de réalisation Arielle Hanoun
Montage Nathalie Delvoye
Mixage Henri Michiels
Musique
originale Benoît Jarlan
Musique
additionnelle "Chatte"
groupe "Mauvais-Genre!"
Direction
de production Sallah-Edine Ben
Jamaa
Une coproduction :
Films Grain De Sable / Simple production / RTBF / Télévision Suisse Romande (TSR) et la participation de France 2 et de Planète
Avec la
participation du Centre National
de la Cinématographie, du Centre du
Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté française de Belgique et les
télédistributeurs Wallons et le
soutien de la PROCIREP – Société des Producteurs – et de l’ANGOA
Ont aidé à
ce film :
Les
assises de la prostitution, Association ANA-A nos ainées, Association Aspasie, Marianne Schweizer,
Genève, Association Cabiria, Lyon, Association Griselidis, Toulouse, Association Les
Putes, Association ProCoRe, Association
Stella, Canada, Association PASTT, Virginie Despentes , Françoise
Gil, Femmes de droit, droit des femmes, Marie-Elisabeth
Handman,
Les
Films Grain de Sable présente
« LES TRAVAILLEU(R)SES DU
SEXE »
Un
documentaire de Jean-Michel Carré
Produit
par Films Grain de Sable / Simple production /
RTBF/télévision
suisse romande et la participation de France 2
1h25
/ France / 2009 / visa : 117 485
Distribution
: Les films du Grain de Sable
Production
et Distribution
206
rue de Charenton, 75012 Paris
Tel: +33 (0)1 43 44 16 72 / Fax: +33 (0)1 40
19 07 56
www.films-graindesable.com
Programmation:
Antoine Bast
06
59 93 52 84
PRESSE ALTERNATIVE: Samantha
LAVERGNOLLE
01 73 73 02 21 / 06
75 85 43 39 – lavergnolle@gmail.com
PRESSE GÉNÉRALE: Stanislas
BAUDRY :
09 50 10 33 63 / 06 16 76 00 96 - sbaudry@madefor.fr
Jean-Michel CARRÉ
Bibliographie
1999 CHARBONS ARDENTS, CONSTRUCTION D’UNE UTOPIE
Editions Serpent à plumes - Arte
2008 POUTINE, LE PARRAIN DE TOUTES LES RUSSIES
Editions Saint-Simon
LA GUERRE DU GAZ
Editions du Rocher, avec
Roumiana Ougartchinska
2010 LES TRAVAILLEU(R)SES DU SEXE
Editions du Seuil (en cours d’écriture)
Filmographie principale
2010 CHINE, LE NOUVEL EMPIRE DU MONDE (DOC-90’)
2009 LES TRAVAILLEU(R)SES DU SEXE (Doc-85’)
2007 LE SYSTÈME POUTINE (Doc-94’)
2006 J’AI très
MAL AU TRAVAIL (Doc-90’)
2004 KOURSK, UN SOUS-MARIN EN EAUX TROUBLES
(D.90’)
2003 DRÔLE
DE GENRE (fiction tv -90’)
2001 TOWER OPERA (Doc – 52’)
2000 SUR LE FIL DU REFUGE (Doc-90’)
1999 CHARBONS ARDENTS (Doc -90’)
BEAUCOUP, PASSIONNEMENT, A LA
FOLIE (Doc -70’)
QUESTION DE CLASSE(S) (Doc -70’)
1998 HISTOIRE D’ENFANCE (Doc –52’)
1997 RÉCITS DE LA JEUNESSE: Travail, Famille,
etc.(D.3x52’)
1996 HONG-KONG / HANOÏ : Retour de camps (Doc -52’)
VIETNAM : LES ENFANTS DE LA PAIX (Doc -52’)
LA NOUVELLE VIE DE BÉNÉDICTE (Doc - 52’)
1995 LES CLIENTS DES PROSTITUÉES (Doc -52’)
VISIBLEMENT, JE VOUS AIME (Fiction Cinéma 90’)
1994 LES TROTTOIRS DE PARIS (Doc-55’)
1993 GALERES DE FEMMES (Doc. Cinéma-90’)
1992 LES ENFANTS DES PRISONS (Doc -52’)
LES POUSSINS DE LA GOUTTE D’OR (Doc -52’)
1991 FEMMES DE FLEURY (Doc -58’)
1990 L’ILE ROUGE (Doc -52’)
1981 VOTRE ENFANT M'INTÉRESSE (Doc. Cinéma 90’)
1978 ALERTEZ LES BÉBÉS ! (Doc. Cinéma -90’)
[1] Les
trottoirs de Paris, Laurence, Les enfants des prostituées, L’enfer d’une mère,
La nouvelle vie de Bénédicte, Un couple peu ordinaire, Les clients des
prostituées.Tous ces films sont regroupés dans le Dvd Prostitution à visage découvert, Doriane Films-Films Grain De Sable.
[2] Voir à ce sujet le film « J’ai très mal au travail » de Jean-Michel Carré. Dvd Editions Montparnasse.