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"Les travailleu(r)ses du s e x e", le dernier film documentaire du Jean-Michel Carré en salles à partir du 3 février 2010
En France, depuis la loi Sarkozy de 2003, des femmes et des hommes revendiquent le droit de pouvoir louer librement leur corps alors même que l’économie de marché utilise une pseudo libération sexuelle pour justifier la légalisation de la marchandisation de l’intime.
Paroles et pratiques dérangeantes, stigmatisées par des jugements moralisateurs, qui nous questionnent sur les rapports hommes/femmes, la sexualité et son contrôle par le pouvoir.
« Plus de caresses, moins de CRS ! »,tel fût le slogan inédit que les membres d'un nouveau collectif de travailleu(r)ses du sexe, baptisé «Les Putes», ont scandé le samedi 18 mars 2006 sous les fenêtres du Premier ministre à l’issue d’une manifestation inaugurale : la « Pute Pride ».

Bien que passée inaperçue, avec ses 500 manifestant(e)s regroupées place Pigalle, car tenue le même jour que l’énorme manifestation contre le CPE avec plus d’un million de personnes, elle fut néanmoins la marque d’un nouveau type de revendication chez les prostituées, celui de revendiquer l’activité prostitutionnelle comme un métier avec ses droits et ses devoirs.

 

Il existe une prostitution forcée qui s'exerce dans la contrainte et qu’il faut combattre car elle est dominée par le "phénomène mafieux". Depuis longtemps, les prostituées ont droit à l’amalgame entre prostitution et exploitation sexuelle qui porte physiquement et psychologiquement atteinte aux femmes, et qui considère leur corps comme une marchandise pouvant être achetée et vendue. Mais la prostitution est aussi, selon plusieurs associations de prostituées "une activité humaine" que l'on doit libérer de ses anciens asservissements sacrés, culpabilisateurs et répressifs. Le jour de la manifestation elles et ils ont adressé une lettre à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, pour poser les risques d’une politique abolitionniste.

 À force de s’entendre dire sans arrêt qu’elles ne sont que des marchandises, des corps qui se vendent, qu’elles ne se respectent pas, qu’elles auraient nécessairement été violées dans leur enfance, qu'il faut les réinsérer, qu’elles n’ont aucune conscience de ce qu’elles font, qu’elles portent atteinte à leur dignité, à leur santé psychique, beaucoup de prostituées considèrent que les abolitionnistes ont fini par briser des vies. Cet abolitionnisme est alors vécu par ces femmes et ces hommes comme une forme de maltraitance psychologique.

Pour les abolitionnistes, elles ne seraient acceptables que malheureuses afin de confirmer l'image qu'elles veulent donner d’elles. Mais si l'une d'entre elles se rebelle et revendique sa liberté de se prostituer, de disposer librement de son corps, elle sera de suite taxée : « non représentative, égoïste, salope, nymphomane forcément perturbée, légitimant les viols ». Une personne qu'il faut nécessairement punir : contrôle fiscal, retrait de la garde des enfants, amendes et PV, humiliations, harcèlement policier, expulsions, sans retraite, ni sécu. Aucun droit ne leur est accordé.

Peut-on questionner cette morale qui prétend interdire d’avoir une sexualité en dehors du couple, de sentiments amoureux avec des inconnus, avec ou sans désir, avec ou sans plaisir, ou juste par intérêt ?

S‘il faut lutter efficacement contre le proxénétisme et les réseaux de traite, les politiques devraient peut-être aider les prostituées à obtenir un statut de travailleuses indépendantes avec l’application des droits et des devoirs assimilés.

Les prostituées veulent lutter, à leur manière, contre toute forme d’exclusion sociale, contrairement aux abolitionnistes qui voudraient les exclure de la société. Ce n’est pas en voulant éradiquer la prostitution qu’ils les aideront. Elles ne veulent pas être éradiquées. Elles veulent seulement exercer leur métier dans les meilleures conditions possibles. C’est en sortant la prostitution de la clandestinité qu’elles pourront aider des personnes victimes de traite et qu’elles pourront s’appuyer sur des droits aujourd’hui inexistants en France.

 

 

 

 

 

Note de distribution

 

« Rendez-nous nos trottoirs » est un slogan entendu sur les manifestations de défense des droits des travailleuses du sexe. Il y a dans la chaleur et la virulence du débat un noeud, un problème que la question de la prostitution, la location du corps, le service sexuel incarne tant et tant que ces putes-là sont niées, repoussées, dissimulées...

Pourquoi? Pourquoi le sexe, sa marchandisation est-elle tellement stigmatisée dans une société où tout se vend, s'achète sous les auspices gracieux des lois du marché?

« Rendez nous notre débat » voulons-nous sans doute scander à travers la sortie de ce film en salles. Le sexe/la sexualité et son accès, son devenir dans notre société, celle-là même où il paraît que nous sommes libéré(e)s, est une clef incontournable de compréhension de comment nous vivons et ce que nous voulons pour notre projet d'avenir en commun. De quelle subversion si profonde et puissante est nourrie la parole de ces travailleu(r)ses? Si le film a été diffusé à la télévision en mars 2009, nous pensons que cela n'est pas suffisant et que le débat doit être public, que ces paroles-là doivent être entendues, partagées et questionnées. Et parce que le pouvoir s'emploie avec tant d'ardeur à les cacher, nous leur devons au moins ça, les écouter et les voir sur grand écran....

 

 

Quelques mots du réalisateur

 

L’économie de marché a généré la multiplication des salons de l’érotisme et de sociétés d’éditions de vidéos pornographiques, au nom de la prétendue liberté du consommateur. Dans un autre domaine du travail du sexe, la prostitution est restée plus ou moins tolérée dans la plupart des pays. En France, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, fait voter en mars 2003, une loi dite de « sécurité intérieure » incluant le racolage passif des prostituées. Si la prostitution devient très vite moins visible dans nos rues, la prostitution augmente considérablement sur les réseaux Internet et aux périphéries des villes, rendant à nouveau des prostituées à la merci des proxénètes et des réseaux mafieux.

 

Qualifiée de plus vieux métier du monde, la prostitution reste un « obscur objet de haine et de désir ». Elle a stigmatisé le symbole de l’exploitation de la femme par l’homme dans toutes les sociétés. Ces problématiques, je les avais traitées, il y a plusieurs années, dans un cycle sur la prostitution[1] Mais depuis la loi Sarkozy, certaines femmes et hommes revendiquent à nouveau haut et fort la volonté de pouvoir louer librement leur corps, de défendre leurs pratiques sexuelles et réclament que leur métier soit considéré comme aussi respectable qu’un autre, avec ses droits et ses devoirs.

 

Paroles dérangeantes qui nous questionnent sur un fait de société victime de jugements moralisateurs, d’anathèmes de certaines féministes et de mépris de beaucoup d’autres. Une activité qui interroge, naturellement la sexualité, mais aussi les rapports hommes / femmes, le pouvoir, l’argent, la définition d’un travail…[2] Une question sociétale où il est indispensable de sonder l’économie de marché qui utilise une pseudo libération sexuelle pour justifier la marchandisation de l’intime au nom de la prétendue liberté du consommateur.

 

Conjointement, chaque pays revendique unilatéralement ses lois permissives ou coercitives sans pour autant avoir été capable d’éradiquer la prostitution - esclavage.

 

C’est au travers de vies, de pratiques et de témoignages de femmes et d’hommes qui utilisent librement et professionnellement leur sexualité que ce film a été réalisé. Tourné en France, mais aussi en Belgique et en Suisse, ce film fait émerger les réflexions de fond qui implique le rapport du pouvoir et de la soumission, tout en questionnant les fantasmes qui agitent les hommes et les femmes.

 

QUELQUES PERSONNAGES DU FILM

 

 

SONIA

Sonia est prostituée depuis près de trente ans, elle travaille en vitrine à Bruxelles, elle a la cinquantaine passée.

Sonia est issue d’une famille bourgeoise, sa mère refait sa vie avec un homme avec qui elle ne s’entend pas. Elle tombe enceinte à 18 ans, son beau-père ne veut pas de l’enfant. On lui retirera son fils à la naissance. Elle quitte la famille, et commence à travailler à la caisse dans une maison de passe. Elle est fascinée par l’univers de la prostitution et découvre peu à peu qu’elle apprécie le métier de pute.  Sonia aime le sexe. La prostitution lui permet de gagner son indépendance et de s’engager avec passion pour la cause des femmes, des prostituées et des étrangers. En 1995, elle fait la connaissance de Grisélidis Réal, une rencontre qui va la bouleverser. Une longue amitié va naître entre les deux femmes. Sonia va s’engager totalement au coté de Grisélidis pour la cause des prostituées. Grisélidis meurt en 2005, Sonia continue le combat. Sonia aime son métier : « je suis une assistante sociale avec le sperme en plus … ».

 

 

YVAN

Yvan a 72 ans. Depuis dix ans, suite à la disparition de la femme de sa vie, il a décidé un jour de casser sa solitude en se retrouvant devant la vitrine de Sonia. Il ne supportait plus l’idée de ne plus toucher le corps d’une femme. Seule une prostituée lui a permis de ressentir à nouveau le désir, la vie, l’émotion de passer quelques dizaines de minutes avec une femme. Depuis ces dix années, une fois par semaine, il vient rendre visite à Sonia.

 

 

ISABELLE

Isabelle a 32 ans, elle est prostituée depuis 18 ans à Toulouse. Isabelle a été attirée par la prostitution très jeune bien qu’issue d’une famille d’intello. Elle veut rapidement gagner son indépendance, abandonne ses études et débute occasionnellement à 21 ans comme serveuse en bar américain. Au bout de quelques mois, elle décide de monter en chambre. À 24 ans, elle décide de travailler dans la rue pour se sentir véritablement indépendante. Elle aime la prostitution et apprend comme elle dit à expérimenter les rapports humains. Elle aime parler de ses clients, elle est aussi celle qui dirige et dicte les règles.

Se prostituer est, dit-elle, un acte politique et féministe. Elle a toujours refusé la soi-disant réinsertion. Pour elle la prostitution devrait être la cause de toutes les femmes. Isabelle s’exprime sur les différentes composantes du stigmate de pute qui est actuellement son principal combat.

 

 

GABY ET PASCALE

Il y a quelques années, Gaby a arrêté de se prostituer pour se consacrer uniquement à son projet, l’ANA « A Nos Ainées ». Face à la misère et à la situation plus que précaire de vieilles prostituées, elle a décidé de créer une maison d’accueil pour les anciennes qui se retrouvent le plus souvent à faire encore des passes à 70 ou 80 ans pour survivre. Gaby veut aider ces femmes qu’elle côtoie chaque jour. Son projet est en attente de subventions, mais Gaby ne lâche pas. Jusque-là, elle n’a réussi à obtenir qu’un local pour accueillir et informer les anciennes sur leurs droits.

À 18 ans, elle décide de se prostituer. C’est l’époque de Pigalle et des putes traditionnelles. C’est à cette période qu’elle rencontre Pascale qui la conseille sur le métier. Depuis quelques années, du fait de la difficulté de survivre comme vieilles prostituées, Gaby et Pascale partagent un modeste appartement en banlieue parisienne. Pascale continue de se prostituer au bois de Boulogne. Gaby l’a entraîné dans l’aventure de son association, elle y sera la première salariée. Gaby a lié une longue amitié avec Grisélidis Réal et combattu à ses cotés pour les droits des prostituées.

Pascale a 68 ans et se prostitue depuis 45 ans. Diminuée par l’arthrose et les rhumatismes, Pascale ne peut plus travailler tous les jours, mais elle refuse de quitter sa place. Elle la défend comme son territoire et celui de celles qui sont mortes. 

Pascale n’a jamais eu de proxénète, elle vit librement, fière d’être pute. Ses clients sont pour la plupart des habitués. Certains jeunes viennent la voir pour mieux connaître la sexualité féminine. Pascale pense elle aussi que le métier de pute s’est dégradé. Ces dernières années, elle s’est fait agresser plusieurs fois sur son lieu de travail. Le bois de Boulogne est devenu dangereux. Malgré cela, Pascale est déterminée à ne rien lâcher.

 

 

ALAIN

 À la sortie de l’adolescence, Alain a commencé gratuitement, et pour le plaisir, son métier de prostituée homme, « escort » ou « gigolo » comme on dit pour ne pas froisser le politiquement correct, place Dauphine à Paris. Il y rencontrait principalement des couples. Informaticien de métier, il décide de se professionnaliser en créant son site d’escorte sur Internet, ce qui lui apporte de nombreuses clientes. Depuis il se partage entre ses deux métier. Parmi la vingtaine d’escortes que j’ai pu rencontrer, c’est le seul qui a accepter d’être filmé et encore en ne montrant pas son visage car explique-t-il, c’est le plus gros tabou qui existe encore sur la prostitution, celui de femmes clientes d’hommes prostitués.

 

 

MAITRESSE NIKITA

Il est le président de l’association « les Putes » qu’il a créée en 2005 pour faire face, entre autres, aux lois Sarkozy. C’est en rencontrant d’autres putes en Europe qu’il a pris conscience qu’il appartenait à une communauté. C’est peut-être là le sens de la création de son association dont l’histoire a commencé à la première Conférence européenne des travailleuses du sexe en 2005. Il a trois enfants de 16, 18 et 22 ans et 32 ans de prostitution. Pour lui, pute, c’est beaucoup plus qu’une histoire de cul, c’est un art de vivre. Nikita a aussi un cabinet de naturopathe. Plusieurs de ses patients sont des clients. Beaucoup de jeunes garçons qui démarrent dans la prostitution viennent lui demander des conseils. Il est présent dans toutes les actions autour de la prostitution comme dernièrement les Assises de la prostitution où s’est créé le premier syndicat français des travailleu(r)ses du sexe.

 

 

MARIANNE

Belge, âgée de 40 ans, prostituée pendant 17 ans après une longue période de chômage. Elle apprend les règles du métier avec des transsexuels et des travestis. Elle considère que grâce à l’argent de ses clients, elle a enfin pu vivre normalement. Elle se découvre bisexuelle et se paye des prostituées quand elle n’a pas d’amie au bout de quelque temps. Elle rencontre un neuropsychiatre qui lui parle du désespoir des hommes et femmes handicapés qu’il a dans son service et qui parfois, n’ont jamais eu de rapports sexuels. Elle va peu à peu se spécialiser avec ce type particulier de clientèle. Après quelques mois de pratique, qui lui donne encore plus qu’avant le sentiment d’être utile, le médecin lui avoue que ses patients prennent moitié moins de médicaments depuis que Marianne les rencontre. Avec ces hommes et ces femmes handicapés, elle découvre véritablement les signes du corps et se sent vivre des aventures passionnantes et différentes à chaque fois. Elle tente aujourd’hui de former d’autres prostituées dans ce domaine où la demande est malheureusement importante et s’est lancée depuis deux ans dans une formation d’infirmière psychiatrique.

 

 

 

QUELQUES PHRASES DES PERSONNAGES DU FILM

 

Isabelle, prostituée à Toulouse 

 

- Je continue à m’interroger sur ce qui dérange tant chez les prostituées. Nous faisons partie de l’ensemble de l’industrie du sexe, sauf que lorsqu’on est prostituée, on ne répond à aucune logique justement de productivité. On maintient à toute force une petite activité à dimension humaine. Nous restons des artisanes.

- La distance entre le discours qui est tenu pour nous, les prostituées et ce qui se met en place socialement, c’est une distance infinie. Finalement dans le sex appeal qui s’est démocratisé et cette assignation à être sexy pour les femmes, il y a sans doute un vieux malentendu entre les putes et les autres femmes. Autrefois on reconnaissait une pute à la manière dont elle s’habillait, si ça continue avec la loi, ça va être l’inverse, on peut voir des nanas habillées super sexy, et les prostituées ont à cœur de s’habiller bien classique pour pas se faire repérer par les flics, pour pas finir au tribunal pour racolage.

- La loi Sarkozy qui pénalise le racolage est venue en même temps qu’une grande inquiétude au niveau du mouvement migratoire, à limiter les mouvements migratoires de personnes. C’est plus cela qui inquiète le politique à l’heure actuelle, plus que la victimisation ou l’exploitation.

- Le premier gros argument contre la prostitution, c’est la marchandisation des corps et le deuxième, incontournable, c’est l’esclavage. C’est dommage, pour les esclaves économiques en général, au-delà de la prostitution, parce que lorsque des travailleurs et des travailleuses immigrés sont exploités dans des ateliers clandestins, il y a pas grand monde pour le dénoncer avec autant de force et sur la place publique que la prostitution.

- Qu’est-ce qui se passe de si grave, de si douloureux pour une société dans le travail du sexe, qu’est-ce qui se joue là de si fondamental que tous les arguments convergent contre le travail du sexe ? Des arguments qui peuvent être justes mais qui sont justes pour l’ensemble du fonctionnement social et mondial. L'esclavagisme, malheureusement, en fait partie.

- La prostituée en tant qu’être humain n’intéresse pas. C’est l’idée de la prostitution qui intéresse. Tout ce qu’elle peut faire, c’est venir illustrer les mauvais exemples. Pour certains groupes dit féministes, une prostituée qui ne serait pas exploitée, qui ne répondrait pas à des critères de mise en souffrance, ça devient quelque chose de tellement plat, de tellement banal, de tellement tranquille, que finalement c’est beaucoup moins intéressant, c’est beaucoup moins photogénique que la souffrance !

 

Sonia, prostituée à Bruxelles 

- Une femme devient pute, quand elle demande de l’argent avant de faire l’amour. Comme disait Jacques Brel, une vraie pute se fait payer avant, les autres femmes se font payer après. C’est ça qui fait de nous une pute, et c’est de demander cet argent qui fait de nous des victimes. Si l’homme me paye, je dois rendre des comptes à la société.

- Des gens passent leur temps à m’appeler sale pute. Alors moi pour résoudre le problème, je m’appelle moi-même pute. Moi je suis une pute, voilà, il y a que le mot sale qui me dérange, j’ai déjà gagné la moitié. Moi je fais mon métier qui est la prostitution. On m’appelle travailleuse du sexe, on m’appelle personne prostituée, on m’appelle putain, on m’appelle pute, on m’appelle comme on veut, ça m’est égal.

- Quand je suis parfois face à des…, je les appelle pas des féministes, je les appelle des sexistes parce qu’une vraie féministe c’est pas ça. Une féministe, elle accepte d’entendre la parole de toutes les femmes, il n’y a pas des femmes qui méritent d’être défendues et d’autres qui ne méritent pas d’être défendues. Je crois que pour finir ça les arrange cette histoire d’esclavage. Elles nous empêchent d’avoir le droit à la parole, parce qu’elles sont ont très peur de ce qu’on pourrait dire. Dès qu’une fille dit qu’elle va bien, que c’est un métier qui lui convient alors là, on doit la tuer. Parce qu’est-ce qu’elle pourrait dire ? Elle pourrait dire que c’est un boulot qui n’est pas si terrible que ça, qui est chouette, qu’elle aime bien, que les hommes ici sont très gentils, et souvent les hommes ils sont jamais aussi gentils qu’avec une pute. Et ça, elles peuvent pas entendre, parce que leur mari est peut-être pas si gentil que ça, parce qu’elles ont des problèmes avec leur sexualité, parce qu’elles ont des problèmes avec leur mec, parce qu’elles savent pas gérer le fait que peut-être elles ont un côté noir qui voudrait bien faire la pute, et qu’elles n’osent pas.

- Moi j’ai jamais été interrogées par une prohibitionniste, elles ne m’ont jamais demandé comment j’allais. Elles vont chercher des filles qui vont dans la drogue, des toxs, elles vont chercher des filles qui travaillent dans des conditions abominables dans la rue, alors effectivement elles en trouvent des femmes qui vont pas bien, et c’est uniquement sur cela qu’il faut se battre et ne pas faire un amalgame qui n’est que du populisme politique.

- Les gens se demandent comment c’est possible d’avoir cinq, six queues par jour dans leur ventre, ou dans la bouche, ou ailleurs. Pour moi mon sexe n’est pas sacré, ça ne vient pas du divin, ce n’est pas fait que pour avoir des enfants, ou faire l’amour par désir pour l’homme que j’aime. Moi, mon sexe me sert au travail, et il me sert aussi dans ma vie privée. Mais ce n’est pas le même, parce qu’il n’est pas donné de la même manière. Il n’est pas donné ici en fait, ici, il est prêté, de manière très rapide.

- C’est un rapport gratuit, dans le sens qu’on ne se doit rien. Le client paye, on décide d’un contrat, c'est-à-dire tu me donnes tant, je te donne ça en échange. Il n’est pas obligé d’être puissant, il n’est pas obligé d’être fort, il est même pas obligé d’être poli, il doit juste être respectueux. Il est libre, totalement libre, c’est d’ailleurs ça le problème de la société, parce que la société justement, c’est un ensemble de personnes qui réprime un peu de leur liberté, pour que tout fonctionne. Et la société dit aussi que c’est dans le mariage qu’on doit trouver la situation la plus épanouissante, et un homme qui vient ici, il dit non. C’est pour ça aussi que la prostitution est tellement combattue par la société, parce qu’effectivement c’est une prise de liberté par rapport aux règles que la société impose à ses membres, mariés, famille, enfants, caravane, à la mer…

- Les clients payent aussi le droit de ne pas revenir, et là on est mal, parce que là c’est plus la pute mais c’est la femme qui a mal. Il faut justement pouvoir comprendre qu’il paye ce droit là à l’anonymat, qu’il paye le droit d’un abandon calculé.

- Dans le combat contre la prostitution, il y a un combat pour le contrôle de la sexualité des gens, que ça soit des hommes ou des femmes. Nous sommes utilisés comme des épouvantails, car grâce à nous justement on dit aux autres femmes qui auraient trop envie d’être libérées : « Attention, si vous devenez une pute on va vous démolir. » Mais on dit aussi aux hommes : « Les femmes que vous allez payer, c’est dans la boue que vous allez devoir les baiser. Que tirer un coup tranquille quand ils en ont envie ne soit pas une chose trop agréable et facile, que leur sexualité doit rester problématique et culpabilisante, qu’ils jouissent en payant s’ils veulent, mais alors qu’ils côtoient la pourriture, la honte et la misère ».

 

Sofia, juriste, prostituée :

- Toute la société pratique une prostitution voulue ou non voulue. Dans toute la société, quelle qu’elle soit. À tous les niveaux que ce soit, tout le monde se vend, se prostitue d’une façon ou d’une autre. Mais là bien sûr, là, c’est honorable, c’est noble.

 

Gaby, ex-prostituée, créatrice de l’association « A Nos Ainées » 

- Il y a l’acte, il y a l’argent mais il y a aussi les récits, ce qu’ils nous confient, ce qu’ils nous disent. C’est pas toujours très drôle pour eux, et j’aurais tendance, comme on a tendance à taper sur les hommes, de vouloir prendre leur défense, parce que ce n’est pas juste. J’ai compris combien les femmes pouvaient être castratrices, que ce soient les mères, les femmes, les sœurs, et selon l’éducation que certains hommes avait reçue et bien comment effectivement certains hommes pouvaient devenir entre guillemets des masos et pourquoi.

 

Pascale, prostituée :

- Quelques fois il y en a qui viennent juste pour tenir la main d’une femme, en respirer l’odeur, sentir l’épaule, et puis ils sont contents. Ils se rappellent peut-être quelqu'un d’autre. Je remplace une femme, une mère, ou une sœur, je ne sais pas… Dans ces cas-là, je suis un substitut d’amour.

 

Lisa, prostituée, directrice de maison close à Genève, mariée, deux enfants :

- La légalisation en Suisse fait que les choses sont beaucoup plus claires, plus saines, à la fois pour la fille, et pour le client.

- Dans ce domaine d’activité, on a vraiment toutes les couches sociales. J’ai des filles qui n’ont exercé cette activité que pour payer leurs études. Dès qu’elles ont leur diplômes et leur travail, elles s’arrêtent. J’ai aussi des filles qui viennent travailler parce que elles sont en train de s’acheter un bien immobilier. Une fois qu’il sera payé, elles arrêteront et puis elles recommenceront leur vie courante.

- J’ai des filles ici qui se font jusqu’à 1000 euros par jour. Le client paye toujours directement à la fille, c'est-à-dire qu’elles encaissnt 150 euros, ou qu’elles ont encaissé 500 euros, pour moi, c’est exactement la même chose. La seule chose qui est comptabilisée c’est le temps d’occupation des chambres. Il faut que ça lui rapporte à elle, à titre personnel, et pas à quelqu'un d’autre.

 

 

 

 

 

 

 

Annexes 

 

La loi pour la sécurité intérieure (LSI ou Loi Sarkozy II)

Cette loi a été adoptée par le parlement, le 18 mars 2003 et publié au journal officiel, le 19 mars de la même année. Cette loi crée une série de nouveaux délits et de nouvelles sanctions concernant la prostitution, la mendicité, les gens du voyage, les squatteurs, les rassemblements dans les halls d'immeubles, les menaces, le hooliganisme, l'homophobie ou le commerce des armes. Elle octroie par ailleurs de nouveaux pouvoirs aux forces de l'ordre comme l'élargissement de certains fichiers, des modifications des conditions de garde à vue, etc.

 

Le racolage passif

Concernant la prostitution, un nouveau délit a été défini: le racolage passif. Dans le Code pénal, une nouvelle infraction est prévue à l’article 225-10-1 : « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération est puni de 2 mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ».

Le délit de racolage est ainsi élargi et intègre désormais le racolage passif et aggrave cette infraction en la transformant en délit. Auparavant, le racolage actif était poursuivi au titre des contraventions de 5e classe (article R. 625-8 du Code pénal). Néanmoins, cette nouvelle disposition pénale n’a pas abrogé la contravention prévue par cet article.

 

 

 

Les principales conceptions juridiques de la prostitution :

La prostitution intéresse les autorités sur le plan fiscal, moral et sanitaire. Les politiques des pouvoirs temporels et religieux sont connues et expérimentées depuis longtemps. Toute politique vis-à-vis de la prostitution est difficile à cause de la difficulté de prouver qu'une relation sexuelle a eu lieu suite à un échange d'argent.

On peut distinguer globalement trois conceptions de la prostitution, produisant trois approches politiques des États sur l'existence de la prostitution :

 

Réglementariste : pour les réglementaristes, la prostitution est une activité comme une autre qu'il suffit de réglementer ; une activité professionnelle normale que l'État doit réguler comme toutes les autres, encadrer cette activité dans un cadre légal, c'est-à-dire en protégeant les droits des travailleurs de même qu'en prévenant et en limitant les abus des employeurs. Les prostituées sont des travailleuses sexuelles.

 

Abolitionniste : pour les abolitionnistes, la prostitution est une forme d'exploitation et une atteinte à la dignité humaine qui doit être abolie. Les personnes prostituées sont des victimes et les proxénètes des criminels. Les prostituées ne sont pas à priori sanctionnables (sauf en France); les clients peuvent être sanctionnés dans certains cas.

 

Prohibitionniste : les prostituées et les proxénètes sont des criminels ; police et justice sanctionnent ces activités. Les clients peuvent être sanctionnés.

 

 

 

Générique 

 

 

 

Un film écrit, réalisé et filmé par

Jean-Michel Carré

 

Assistante de réalisation Arielle Hanoun

Montage Nathalie Delvoye

Mixage Henri Michiels

Musique originale Benoît Jarlan

Musique additionnelle "Chatte" groupe "Mauvais-Genre!"

Direction de production Sallah-Edine Ben Jamaa

 

Une coproduction :

Films Grain De Sable / Simple production / RTBF / Télévision Suisse Romande (TSR) et la participation de France 2 et de Planète

Avec la participation du Centre National de la Cinématographie, du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté française de Belgique et les télédistributeurs Wallons et le soutien de la PROCIREP – Société des Producteurs – et de l’ANGOA

 

Ont aidé à ce film :

Les assises de la prostitution, Association ANA-A nos ainées, Association Aspasie, Marianne Schweizer, Genève, Association Cabiria, Lyon, Association Griselidis, Toulouse, Association Les Putes, Association ProCoRe, Association Stella, Canada, Association  PASTT, Virginie Despentes , Françoise Gil, Femmes de droit, droit des femmes, Marie-Elisabeth Handman,

 

Les Films Grain de Sable présente

 

« LES TRAVAILLEU(R)SES DU SEXE »

Un documentaire de Jean-Michel Carré

 

Produit par Films Grain de Sable / Simple production /

RTBF/télévision suisse romande et la participation de France 2

 

1h25 / France / 2009 / visa : 117 485

 

Distribution  : Les films du Grain de Sable

Production et Distribution

206 rue de Charenton, 75012 Paris

Tel: +33 (0)1 43 44 16 72 / Fax: +33 (0)1 40 19 07 56

gds@films-graindesable.com

www.films-graindesable.com

 

Programmation: Antoine Bast

antoinebast@gmail.com

06 59 93 52 84

 

PRESSE ALTERNATIVE: Samantha LAVERGNOLLE

01 73 73 02 21 / 06 75 85 43 39 – lavergnolle@gmail.com

PRESSE GÉNÉRALE: Stanislas BAUDRY :

09 50 10 33 63 / 06 16 76 00 96 - sbaudry@madefor.fr

 

 

Jean-Michel CARRÉ

Bibliographie

1999 CHARBONS ARDENTS, CONSTRUCTION D’UNE UTOPIE

 Editions Serpent à plumes - Arte

2008 POUTINE, LE PARRAIN DE TOUTES LES RUSSIES

 Editions Saint-Simon

 LA GUERRE DU GAZ

 Editions du Rocher, avec Roumiana Ougartchinska

2010 LES TRAVAILLEU(R)SES DU SEXE

Editions du Seuil (en cours d’écriture)

 

 

 Filmographie principale

2010 CHINE, LE NOUVEL EMPIRE DU MONDE (DOC-90’)

2009 LES TRAVAILLEU(R)SES DU SEXE (Doc-85’)

2007 LE SYSTÈME POUTINE (Doc-94’)

2006 J’AI très MAL AU TRAVAIL (Doc-90’)

2004 KOURSK, UN SOUS-MARIN EN EAUX TROUBLES (D.90’)

2003 DRÔLE DE GENRE (fiction tv -90’)

2001 TOWER OPERA (Doc – 52’)

2000 SUR LE FIL DU REFUGE (Doc-90’)

1999 CHARBONS ARDENTS (Doc -90’)

 BEAUCOUP, PASSIONNEMENT, A LA FOLIE (Doc -70’)

 QUESTION DE CLASSE(S) (Doc -70’)

1998 HISTOIRE D’ENFANCE (Doc –52’)

1997 RÉCITS DE LA JEUNESSE: Travail, Famille, etc.(D.3x52’)

1996 HONG-KONG / HANOÏ : Retour de camps (Doc -52’)

 VIETNAM : LES ENFANTS DE LA PAIX (Doc -52’)

  LA NOUVELLE VIE DE BÉNÉDICTE (Doc - 52’)

1995 LES CLIENTS DES PROSTITUÉES (Doc -52’)

 VISIBLEMENT, JE VOUS AIME (Fiction Cinéma 90’)

1994 LES TROTTOIRS DE PARIS (Doc-55’)

1993 GALERES DE FEMMES (Doc. Cinéma-90’)

1992 LES ENFANTS DES PRISONS (Doc -52’)

 LES POUSSINS DE LA GOUTTE D’OR (Doc -52’)

1991 FEMMES DE FLEURY (Doc -58’)

1990 L’ILE ROUGE (Doc -52’)

1981 VOTRE ENFANT M'INTÉRESSE (Doc. Cinéma 90’)

1978 ALERTEZ LES BÉBÉS ! (Doc. Cinéma -90’)

1971 LE GHETTO EXPÉRIMENTAL


[1]  Les trottoirs de Paris, Laurence, Les enfants des prostituées, L’enfer d’une mère, La nouvelle vie de Bénédicte, Un couple peu ordinaire, Les clients des prostituées.Tous ces films sont regroupés dans le Dvd Prostitution à visage découvert, Doriane Films-Films Grain De Sable.

[2]  Voir à ce sujet le film « J’ai très mal au travail » de Jean-Michel Carré. Dvd Editions Montparnasse.

Ecrit par libertad, à 23:44 dans la rubrique "Actualité".



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