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Oui, nous nous rendons compte qu'il est facile et banal de dénoncer la disproportion entre les pages consacrées, par exemple, aux frasques nocturnes d'un rejeton d'une célèbre famille italienne, et celles ou l'on nous parle du drame des millions d'asiatiques frappés par le dernier tremblement de terre. Comme il est facile et banal de stigmatiser l'insensibilité avec laquelle les médias ont mis en sourdine la tragédie pakistanaise, préférant remplir consciencieusement leurs premières pages avec les états d'âme de tel ou tel personnage public. Sans compter les passionantes aventures de tel chanteur italien. Donc, pour ne pas être accusés de démagogie ou de donner des leçons de morale faciles, nous ne ferons pas d'inutiles comparaisons ou commentaires. D'ailleurs le Cachemire est à plusieurs milliers de kilomètres de nos villes, et parmi les victimes il n'y a pas de touristes italiens logés dans quelque hôtel de luxe, et les morts sont tous musulmans, la plupart jeunes et très jeunes, et donc selon toute probabilité de futurs kamikazes prêts à se faire exploser un jour au milieu d’une foule quelconque d’occidentaux.
Et pourtant les chiffres sont impressionnants. On parle d'au moins 40 000 morts (mais ce sera sûrement plus), de milliers de villages détruits et toujours inaccessibles une semaine après le drame, de millions de sans-abri, de gens qui ont perdu tout le peu qu'ils avaient. Et l'approche de l'hiver rendra encore plus précaires les conditions de vie de ces malheureux. Le pire, peut-être, est à venir. Car comme toujours il pleut là ou c'est mouillé. Pas seulement parce qu'au tremblement de terre, s'ajoutent maintenant des pluies torrentielles, des éboulements et des inondations, mais parce que ce n'est pas sur la terre sèche que se trouvent les pauvres, les exclus de la terre, ceux qui face à l'impartiale adversité de la nature ne peuvent ni ne pourrons jamais disposer des moyens nécessaires pour y faire face décemment et avec autant d'impartialité.
Et il semble qu'il y en ait peu qui soient plus mouillés que les habitants du pauvre Cachemire, à moins que l'on aille en chercher au Guatemala ou au Chiapas, là ou Stan, cet autre ouragan dévastateur (l'effet de serre, ça ne vous dit rien ?) a détruit d'entières communautés d'indiens, tués des milliers de personnes, choisies, peut-être pas par hasard, parmi les communautés les plus pauvres de ces pays pauvres. Reconnaissons toutefois que les malheureux enfermés comme des bêtes dans le stade de la Nouvelle-Orléans, les exclus de l'opulente et très civilisée Amérique, n'ont pas eu un sort beaucoup plus enviable. La différence, s'il y en a une, entre Katrina le Cachemire et le Guatemala, réside dans l'attention morbide que les médias ont témoigné à l'égard du drame américain, non pas à cause d'in intérêt ou d'une émotion particulière à l'égard des exclus de l'Amérique,mais parce que
tout le monde fut stupéfait de la réponse désastreuse des autorités du pays le plus puissant du monde au drame des inondés. Stupéfait de ce que ce "libéralisme" exacerbé qui sévit partout au nom de l'efficacité fut capable de faire pour aggraver un désastre naturel.
Quoiqu'il en soit, chacun sait qu'il y a ce qui fait la une et ce qui ne la fait pas, et que même dans un cas comme celui-ci, ou au drame de l'inondation et du tremblement de terre, s'ajoute celui de la misère, l'information se limite au minimum indispensable, ne serait-ce que pour éviter que ne surgisse un ennuyeux "moraliste" qui ferait observer que la misère ne fait jamais les premières pages.
Dans le Cachemire dévasté par le tremblement de terre, l'armée (qui pourtant dispose des indispensables hélicoptères) n'a pratiquement pas bougé, et même l'aide internationale, d'ailleurs concédée avec l'avarice d'un mont de piété, a eu d'énormes difficultés à arriver à cause des multiples restrictions imposées sur un territoire ou règne depuis trente ans une guerre souterraine, mais qui n'en est pas pour autant moins cruelle, entre l'Inde et le Pakistan. Et c'est ainsi qu'à la misère endémique de terres misérables, s'ajoute la pauvreté due aux investissements absents car destinés aux dépenses militaires, et la difficulté de faire circuler des aides dans des régions oubliées du monde depuis toujours, puisque soumises au contrôle draconien de l'armée et aux paranoïas délirantes des divers services secrets présents dans la région. Il suffit de penser que l'arrivée dans un aéroport pakistanais d'un avion indien rempli d'aide, a été saluée non pas comme un fait normal mais comme un événement exceptionnel.
Et puis d'ailleurs pourquoi se mêler de tout ça ? Voici les chiffres que vient de nous fournir aujourd'hui la FAO à l'occasion de la journée mondiale de lutte conte la pauvreté : chaque minute 69 personnes, en majorité des enfants, meurent de malnutrition ; l'écart entre pays riches et pays pauvres s'accroît au lieu de diminuer ; non seulement les programmes de l'ONU pour réduire la pauvreté n’ont pas progressé d'un pouce, mais ils laissent prévoir une aggravation de la situation ; les seuls investissements qui continuent d'augmenter, tant dans les pays riches que, surtout et malheureusement, dans les pays pauvres, sont ceux destinés aux armées : que là ou tsunamis, inondations et tremblements de terre, ne peuvent sévir, vienne l'armée !
C'est dégoûtant ! Et d'autant plus dégoûtant que cela devient banalisé par une réalité qui l'accepte et le métabolise comme un fait inévitable . Et qui nous invite tous à regarder de l'autre coté, à tourner le dos pour s'occuper de choses plus frivoles, parce que "c'est ainsi que va le monde", et nous ne pouvons rien faire : si nous voulons que notre richesse, ou plus simplement notre bien-être, se maintiennent au même niveau, nous devons accepter les dures lois de l'économie. Des lois dures, certes, mais indispensables, et surtout qui ne sauraient être remises en question. Parce que si nous commencions vraiment à le faire, si on s'y mettait sérieusement, pas seulement nous pauvres rêveurs et utopistes, si tous ensemble nous remettions en question le postulat criminel que la richesse d'une minorité est nécessaire à la faible survie de tous, alors commenceraient à se fissurer les bases même de cette "société bien ordonnée". Et, par voie de conséquence, les injustices qui nous semblent si naturelles et "nécessaires", deviendraient un monstre inhumain à abattre. Avec toutes ses perversions, avec tous ses crimes.
Massimo Ortalli Traduction rokakpuos.