Lu sur
Samizdat : "La PAF était à l’origine (1811) un simple service administratif dans les gares qui deviendra (1973) autonome en tant que service central de la Police de l’Air et des Frontières. En 1999, un décret finalise la Police Aux Frontières, implantée alors dans 51 départements « en raison des problèmes posés par la pression migratoire irrégulière ». La PAF a aujourd’hui différentes missions mais l’essentiel de son travail consiste à « lutter contre l’immigration irrégulière », à « démanteler les filières clandestines » et à « lutter contre le travail illégal notamment l’emploi étranger sans titre ». C’est ce qui en fait, selon nous, une véritable « police de l’immigration ».
En Ille-et-Vilaine, les effectifs de la PAF sont passés d’une dizaine d’agents en 2002 à une cinquantaine en 2006. Compte tenu de l’évolution globale des effectifs de fonctionnaires, on note localement un effort budgétaire qui en dit long. Chaque jour, les agents de la PAF traquent les personnes sans-papiers. Pour cela, ils font des contrôles dans la rue ou des contrôles routiers. Ils peuvent aussi faire des planques devant le domicile des personnes sans-papiers et, au petit matin, faire irruption dans ce même domicile (voir exemple 4 de Mme I). Ils n’hésitent pas à revenir plusieurs fois par semaine quand les personnes recherchées sont absentes (voir exemple 4 de Mme I) ou à faire irruption dans les domiciles des ami-e-s des personnes sans-papiers (voir exemple 5 de l’étudiante chinoise).
Les agents de la PAF font parfois irruption dans les foyers spécialisés dans l’hébergement des étranger-e-s (voir exemple 3 de Mr M). De même, ils n’hésitent pas à faire des recherches par les enfants scolarisés des personnes sans-papiers (voir exemple 1 de Mme B) : ils attendent alors à la rentrée des cours que les parents amènent leur enfant à l’école et ils l’interpellent. Quand il s’agit d’un lycéen majeur sans-papiers, ils sont même capables de faire irruption dans l’établissement scolaire (voir exemple 2 de V). Les agents de la PAF sont aussi chargés, sur ordre du procureur, de faire les interrogatoires afin de vérifier qu’un mariage mixte (français-e/étranger-e) n’est pas un mariage « blanc ». En convoquant les gens pour de telles vérifications, ils en profitent pour contrôler les identités et, lorsque la personne n’a pas de papiers, elle est expulsée et son mariage est de fait compromis.
Si toutes les méthodes utilisées que nous venons de relater ne sont pas illégales, les agents de la PAF ont pris cependant l’habitude de menotter les personnes sans-papiers lorsqu’ils les accompagnent pour les expulser. Le menottage systématique est illégal pour deux raisons : d’abord, les sans-papiers ne sont pas des détenus mais des retenus ; ensuite, l’article 803 du code de procédure pénale stipule que : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ». Les agents de la PAF nous ont un jour expliqué qu’une personne qu’ils accompagnaient et qu’ils n’avaient pas menottée a tenté de s’enfuir : du coup, ils ont décidé de menotter toutes les personnes sans-papiers pour annuler ce risque, autrement dit de faire d’une exception légale (article 803) une véritable règle. Nous disposons de dizaines de témoignages sur le menottage systématique des personnes.
Exemple 1 : La PAF devant les écoles = Mme B et son enfant R de 6 ans En 2004, Mme B était recherchée en tant que personne sans-papiers. Logée par des ami-e-s, elle semblait introuvable. Sur ordre du procureur, un avis de recherche de l’enfant R est lancé dans toutes les écoles du département via l’inspection académique. Croyant qu’il s’agissait d’une recherche d’enfant maltraité, le directeur de l’école de R répond. Le lendemain, deux policiers de la PAF contactent l’école et demandent au directeur les horaires du début des classes. Sans se méfier, le directeur les leur donne. Le jour suivant, Mme B est interpellée devant l’école au milieu des enfants à 8 heures du matin. La mobilisation la sauvera mais elle est toujours sans-papiers.
Exemple 2 : La PAF dans les lycées = V lycéen majeur sans-papiers et ses parents sans-papiers En décembre 2005, V était scolarisé à l’EREA, lycée rennais. Arrivé en France à 16 ans, il venait d’être accepté en CAP Maçonnerie dans ce lycée. Son père sans-papiers est interpellé par la PAF qui se met à rechercher la mère et V. Connaissant la situation scolaire de V, trois agents de la PAF se présentent auprès du directeur adjoint de l’EREA et lui demandent de faire appeler V. Heureusement V était absent ce jour-là (sur notre conseil). La mobilisation sauvera V mais le père sera expulsé et la mère continue de vivre cachée, recherchée par la PAF.
Exemple 3 : La PAF dans les foyers = Mr M et son enfant scolarisé I à l’école Joseph Lotte En février 2005, le jour des vacances scolaires, des agents de la PAF font irruption dans le foyer Guy Houist, où réside Mr M sans-papiers. Ils le font demander à l’accueil et ils l’interpellent. Problème : l’enfant I est à l’école. Qu’à cela ne tienne, les agents reviennent le soir au foyer, avec le père dans la voiture, et demandent que l’enfant rentré de l’école les suive. Ne sachant que faire, les travailleurs sociaux de Guy Houist choisissent d’accompagner l’enfant jusqu’à la voiture, sous les yeux de tous les résidents étrangers du foyer. Imaginez ce qui se dit aujourd’hui dans le foyer à propos de ces travailleurs sociaux, en dépit de toutes les explications qu’ils ont pu donner ! La mobilisation sauvera Mr M et I mais ils continuent aujourd’hui de vivre cachés.
Exemple 4 : La PAF harcèle une femme enceinte de 8 mois = Mme I et son enfant S En janvier 2006, Mme I est repérée par la préfecture d’Ille-et-Vilaine comme ayant transféré son dossier car elle vient de Paris. Elle est déjà invitée à quitter le territoire français et il s’agit d’en savoir plus sur son parcours. Au lieu de la convoquer, la préfecture semble donner l’ordre à la PAF de l’interpeller et de l’interroger. Mardi 24 janvier, à 8 heures du matin, les agents de la PAF se présentent au domicile de Mme I et lui annoncent qu’ils repasseront le soir même sans préciser pourquoi. Mme I est enceinte de 8 mois et elle a une fille gravement malade (épileptique). Mme I nous contacte et nous joignons la préfecture à qui nous apprenons que Mme I est proche de l’accouchement. La préfecture dit que l’interrogatoire aura donc lieu à domicile. Nous envoyons une militante au domicile de Mme I. A 16 heures 30, la PAF ne vient pas et nous dit au téléphone qu’elle viendra le lendemain matin.
La militante revient le lendemain et la PAF ne vient toujours pas. Mardi 31 janvier, la PAF repasse au domicile de Mme I et lui annonce que l’interrogatoire aura lieu le lendemain matin. Une policière de la PAF en profite pour avancer la main vers le ventre de Mme I, sans doute pour vérifier qu’elle est bien enceinte. Cris de Mme I et la policière s’abstient. Le lendemain matin, toujours pas de PAF. Jeudi 2 février, dans la matinée, Mme I est partie à la poste chercher un recommandé et sa fille de 10 ans est restée seule dans l’appartement. La PAF fait irruption et accuse la petite de cacher sa mère : la maison est rapidement fouillée. Les policiers s’en vont puis reviennent. Mme I étant toujours absente, ils repartent puis reviennent et demandent à la petite si sa mère ne l’a pas abandonnée. Ils annoncent qu’ils repasseront le soir à 16 heures 30. Ils repassent et l’interrogatoire a lieu sous les yeux d’une militante. Au total, les agents de la PAF sont passés 6 fois au domicile de Mme I. Tout ça pour vérifier sa situation au regard des papiers.
Exemple 5 : La PAF cherche partout, même chez les ami-e-s de l’étudiante chinoise Y. En janvier 2006, une étudiante chinoise, pacsée avec un français et ayant plusieurs ami-e-s étudiant-e-s, se voit refuser par la préfecture le renouvellement de sa carte de séjour mention « étudiante ». Même si cette étudiante a été admise à redoubler en master 1 par l’université, la préfecture juge que son cursus est trop lent et ses résultats insuffisants. Y reçoit un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et devient expulsable. Trois jours plus tard, la PAF passe à son domicile officiel mais elle n’y est pas : une amie étudiante qui habite avec elle l’avertit de cette irruption de la PAF. Y décide alors de ne plus aller à l’université de peur de se faire interpeller pendant les cours et elle se cache. La PAF se met alors à la traquer partout où elle est susceptible d’être : chez son petit ami pacsé, chez les parents de celui-ci, chez leurs ami-e-s communs, etc. Aujourd’hui, Y vit terrée quelque part et sans nul doute que le traitement dont elle fait l’objet favorisera notre réputation en Chine…
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