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Samizdat : "Suite à l’acquittement des deux gendarmes qui avaient failli les tuer durant les actions de protestation contre le G8 d’Evian, en 2003, Martin Shaw et Gesine Wenzel ont décidé de faire appel du verdict rendu par le tribunal correctionnel.
Pendant le sommet du G8 2003, un groupe de militants organisait le blocage d’une autoroute, entre Genève et Lausanne, dans le but d’empêcher une délégation de poursuivre son chemin vers Evian. Afin de retarder l’intervention de la police, Martin Shaw et Gesine Wenzel s’étaient suspendus à des cordes d’alpinisme, du haut d’un pont surplombant une petite rivière asséchée. Les gendarmes suisses Claude Poget et Michael Deiss étaient arrivés rapidement sur les lieux, le second ne tardant pas à sectionner la corde, précipitant ainsi Martin Shaw dans une chute de 23 mètres qui aurait pu lui être fatale. La semaine dernière, le procès qui s’est tenu en Suisse sous l’oeil des médias nationaux et internationaux s’est terminé par un jugement controversé, qui blanchit les deux policiers en les dégageant de toute responsabilité pour leurs actes. Les militants ont décidé de faire appel.
« Le procès de la semaine dernière n’a été qu’une mise en scène destinée à manipuler l’opinion publique et à laver le sang qui colle aux mains des policiers, a déclaré Gesine Wenzel. Ce verdict prouve une fois de plus que la police jouit d’une impunité quasi-totale en Suisse. Il revient à leur donner un blanc-seing pour tous leurs abus et toutes leurs violences à venir. En faisant appel, nous voulons mettre en évidence que ce système est corrompu de haut en bas. » L’avocat des deux militants, Me Jean-Pierre Garbade, a déclaré : « Les policiers sont coupables. Le plus gradé d’entre eux, Claude Poget, a commis plusieurs fautes. Il a enfreint l’ordre d’engager le dialogue avec les manifestants et s’est empressé de les chasser de la route. Il n’a pas évalué la situation avant d’agir, comme il aurait dû le faire. Ensuite, il est inadmissible qu’il n’ait pas averti son subordonné de la présence des personnes suspendues au pont. Quant à son subordonné, Michael Deiss, il n’aurait jamais dû agir de son propre chef. La décision du tribunal est injuste. »
Martin Shaw a commenté : « L’attitude de la défense était prévisible, mais elle reste écœurante. D’un bout à l’autre, ce procès a eu l’air dirigé contre nous, plutôt que contre la police. Accuser les victimes est la chose la plus lâche que l’on puisse faire. Ils ont dit que la témérité de notre action avait causé notre chute… Comme si nous avions coupé notre propre corde ! Ils ont dédouané les policiers sous prétexte qu’ils étaient stressés et n’avaient encore jamais dû faire face à une action de ce type. La vérité, c’est qu’ils étaient obnubilés par l’idée de libérer la route pour les délégations du G8 et qu’ils se fichaient pas mal de nos vies. Toute la procédure judiciaire n’a été qu’une opération de couverture des violences policières. »
Le groupe Aubonne Support témoigne : « L’impunité de la police a une longue histoire en Suisse. C’est la première fois depuis plus de vingt ans que des policiers avaient à se défendre de leurs abus de pouvoir devant un tribunal correctionnel. Le système judiciaire est structuré de telle façon qu’une condamnation de la police est pratiquement impossible. Le procureur et les juges collaborent tous les jours avec les policiers, et ils ne les condamneront jamais. La seule institution qui pourrait être un peu indépendante est le tribunal fédéral, mais les députés ont voté une loi excluant toute possibilité d’appel auprès cette instance, dans les affaires impliquant des agents de l’État. Ils ont ainsi établi un système qui met toujours les procès contre des policiers entre les mains de leurs collègues.
Après le G8 d’Evian, un grand nombre de plaintes concernant des violences policières ont été enregistrées, pour être rejetées par le procureur général. Ces dernières années, en Suisse, quinze personnes ont partiellement perdu la vue suite à des tirs de balles en caoutchouc qui leur visaient directement la tête. La police se retranche toujours derrière l’impossibilité d’identifier les agents qui ont commis ces exactions. Souvenez-vous de Guy Smallman, le journaliste attaqué à la grenade explosive alors qu’il prenait des photos pendant une manifestation anti-G8 à Genève. Il a eu un mollet arraché. » La réponse de la Cour de cassation concernant l’appel est attendue l’été prochain. Il s’agit de la dernière instance d’appel pour les deux militants. La seule possibilité légale qui leur resterait si l’appel était rejeté serait d’intenter un procès au civil contre le canton de Vaud, pour réclamer des dommages et intérêts, puisque le canton est responsable de sa police. Quoi qu’il en soit, les chances sont minces, vu que la police semble bénéficier d’une totale impunité dans ce pays.
Groupe Aubonne Support,
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