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L’usage médiatique permanent du terme « les jeunes », qui n’a aucun équivalent pour les autres catégories d’âge et qui se réduit en fin de compte à désigner ceux qui n’ont pour propriété que la « jeunesse », montre combien toute une partie de notre population est ignorée, au point de ne pouvoir sortir des généralités pour la nommer. Mais cette ignorance est loin d’être neutre et désintéressée.
On peut observer qu’elle se manifeste quotidiennement par au moins 4 éléments :
une généralisation à outrance qui semble avoir pour finalité de gommer toutes les différences du réel pour mieux évacuer les problèmes, et surtout les solutions pour les régler. L’émission « A vous de juger », présentée le 16 mars dernier sur France 2 par A. Chabot a été de ce point de vue exemplaire : elle a conclut un débat consacré au CPE par la diffusion d’une publicité caricaturant « le jeune » (se levant tard, s’exprimant mal, se complaisant dans le désordre, etc. ) sous prétexte qu’après un débat comme celui qui venait d’avoir lieu, on pouvait bien tous s’entendre autour d’une caricature humoristique !
une stigmatisation automatique de certaines sous-catégories de la catégorie jeunesse, surtout lorsque cela entérine un certains nombres de préjugés. Parmi elles aujourd’hui, c’est sans aucun doute celle de « jeunes de banlieue » qui subit une carrière épatante depuis les révoltes populaires de novembre dernier : une majorité de journalistes n’ayant jamais - ou avec crainte et rapidité - été au-delà du périphérique, charrient ainsi de manière tacite derrière cette locution tous les jugements dévalorisants qu’une classe dominante peu avoir à l’égard d’une classe dominée : violence, immoralité, illettrisme, absence de repères, de goût et d’ambition, etc. ...
un paternalisme permanent de la part des générations installées qui lorsqu’elles donnent la parole aux moins de 30 ans ne peuvent s’empêcher d’adopter un ton moralisateur, de juger le bien-fondé de ce qui est exprimé en fonction des normes dominantes, et dès que possible de faire entendre l’absence de légitimité d’une telle parole, au motif, implicite mais ô combien établi dans les faits, que pour être écouté, il faut avoir fait ses preuves
un oubli constant que la majorité des jeunes travailleurs, chômeurs, étudiants, lycéens, etc., appartiennent aux classes populaires et connaissent la précarité et l’insécurité sociale : très étonnés de la lutte contre le CPE - au point, comme l’a fait Le Parisien - Aujourd’hui en France du 10 mars, d’oser titrer « Les 20 ans, cette génération qui ne veut pas être sacrifiée », comme si une génération avait pu un jour vouloir son asservissement - les médias ne cessent de confirmer l’univers éthéré dans lequel ils évoluent, où l’on ignore par exemple que la grande majorité des jeunes travailleurs sont en CDD ou en intérim, que 70 % d’entre eux ont, pour les mieux lotis, le SMIC pour vivre, qu’il y a 620000 chômeurs de moins de 26 ans et qu’un quart des jeunes ménages vit en-dessous du seuil de pauvreté (chiffre qui a triplé en 30 ans)
Il résulte de ces éléments une représentation extrêmement caricaturale de ceux que l’on appelle, faute de savoir qui ils sont précisément, « les jeunes » ; représentation qui non seulement est révoltante à voir et à entendre, mais qui plus est ne fait que volontairement consolider celle que partage toute une partie de la société. La motivation de fond d’une telle représentation est, pour ceux qui la développent, de préserver une situation de privilèges évidentes qu’ils n’imaginent pas partager avec les « nouvelles générations ». L’exemple de la place faite au moins de 30 ans dans les organisations politiques est à cet égard un sommet de caricature. Et l’appel de François Hollande aux jeunes anti-CPE à « prendre tout simplement toutes les responsabilités » (dépêche Reuters du 22 mars) au sein de son parti est un sommet d’hypocrisie. Mais une étude détaillée du fonctionnement des groupes médiatiques ne nous « décevrait » certainement pas non plus quand on sait à quel point le système de la pige ou de l’emploi précaire est devenu la règle pour les nouveaux venus dans le monde des médias !
La conséquence sociale d’une telle caricature est très claire : sont compris derrière les « jeunes » tous ceux dont les classes dominantes retardent l’entrée dans l’ « âge adulte » pour prolonger le temps où l’expérience est à démontrer et les conditions de vie précaires à supporter. Il s’agit d’entretenir la caricature pour plus aisément faire perdurer la domination. Les médias justifient ainsi par leur vocabulaire, et parfois même leurs discours, une situation de fait injuste comme le sont toutes les situations arbitraires. A force d’aveuglement, ils sont incapables de se rendre compte de l’indignation provoquée par cette situation dans l’esprit de ceux qui subissent l’injustice, et ses effets politiques : une révolte intense prête à toutes les explosions, motivée par des revendications qui ne cessent de s’amplifier dans le cœur de tous ceux pour qui il est de plus en plus insupportable d’être surtout des jeunes exploités.
Quand le jeu démocratique favorise la reproduction des élites et la précarisation des masses, qu’elles soient jeunes ou moins jeunes, alors c’est dans la rue que les privilèges sont contestés, attaqués, en vue d’être abolis et que la justice sociale est exigée. Parfois la colère accumulée et rentrée depuis des années aboutit à des explosions de violences qui paraissent nihilistes alors qu’elles expriment ce désir premier d’une vie humaine digne. Parfois, elle se traduit par la recherche des moyens permettant qu’une mobilisation politique de grande ampleur rende possible la modification d’une situation humainement inacceptable.