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L'En Dehors


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Les héritiers d'Armand : les pacifistes, les provos, les hippies.
La guerre d'Algérie, le retour de de Gaulle au pouvoir, l'évolution sans heurts majeurs de l'économie classique vers une économie moderne de consommation, s'ils ne changèrent pas grand-chose aux structures comme à la manière des partis politiques d'analyser l'évolution, avaient politisé l'U.N.E.F., caractérisé l'opposition révolutionnaire d'extrême gauche et créé, en marge des partis, des îlots qui ne se contentaient plus seulement de contester les appareils mais prétendaient repenser les théories dont ces partis se considéraient comme les dépositaires. Mais la grande masse des hommes ne suivait encore que de loin, et avec inquiétude, les iconoclastes qui, de toute part, s'attaquaient aux statues en pied des grands ancêtres.
Les travailleurs suivaient avec une sagesse, qui était peut-être due à la crainte, des mouvements d'une économie que l'extrême gauche considérait toujours comme catastrophiques. Ils s'alignaient sur les tendances syndicales dont ils se recommandaient, plus pour des raisons idéologiques que pour leur efficacité revendicatrice.

1962, Louis lecoin entamme une grève de la faim afin d'obtenir le statut d'objecteur de conscience. Tous les jours devant l'hopital Bichat : rassemblement de soutien.

La grande masse des jeunes mobilisés contre la guerre d'Algérie le sera surtout sur les mots d'ordre du pacifisme traditionnel entretenus par l'irruption sur la scène de Garry Davis, puis par la grève de la faim exemplaire de Louis Lecoin.
Les manifestations contre la guerre d'Algérie se transformeront souvent en manifestations en faveur d'une méthode de combat supposée plus efficace qu'une autre. Les actions révolutionnaires qui auraient pu être celles de l'opposition : le refus de charger du matériel militaire pour l'Algérie ou l'organisation de manifestations collectives des appelés contre leur embarquement, seront rares, circonstancielles et donneront bien la température du climat qui se créait insidieusement et qui contribuera à remplacer le refus violent, la lutte, par la démonstration pacifiste, le défilé qui fait appel à la conscience de la rue, non pas au nom de la révolution mais du bon droit, de la justice, de la métaphysique, en un mot.
Et cela fut dû pour une bonne part à l'attitude du parti socialiste « embringué » dans cette guerre coloniale, à la mollesse du parti communiste sacrifiant les aspirations du prolétariat, embrigadé dans ses cellules à des obligations internationales et à ses intérêts électoraux. Les étudiants pouvaient, dans leur grande masse, poser le problème révolutionnaire à travers la lutte contre la guerre, les organisations révolutionnaires qui le proposaient n'étaient pas suffisamment crédibles pour être suivies et ne recevaient qu'une audience de sympathie. La jeunesse qui se voulait réaliste désirait du concret. Elle restait insensible au « spectacle » dont elle raffolera quelques années plus tard. On la vit un moment mettre son espoir dans un politicien à la fois honnête et roublard qui avait bâti toute sa carrière contre les partis politiques. Mendès France fut un instant la coqueluche de la jeunesse pacifiste.
Il le redeviendra périodiquement aux instants de pointe et il devra ce renouveau à sa prudence à se tenir loin des combines électorales et à sa maîtrise à formuler contre vents et marées des solutions discutables mais qui finiront par être parées de l'auréole de la constance, ce qui, à côté de la démission des milieux parlementaires, était assurément louable. Mais les partis politiques associés pour défendre leur « job » lui couperont rapidement les ailes.
Et ce furent les défilés contre la guerre, à Vincennes et autre part, où pacifistes et révolutionnaires, fraternellement mêlés, s'insultaient copieusement en se rejetant la responsabilité des résultats médiocres de leurs efforts. Les uns défilaient, silencieux, se laissant traîner par la police jusqu'aux cars qui les recueillaient, les autres braillant, distribuant des tracts, appelant à la révolution, se battant avec les flics qui les enfournaient dans les mêmes cars, les dirigeant vers les commissariats ou vers Beaujon où ils continuaient leurs discussions passionnées pendant la nuit sur les vertus réciproques de la révolution et du pacifisme intégral.

Puis Provos vint, qui allait réconcilier la famille révolutionnaire désunie.
C'est au milieu de cette année 1965, qui restera une plaque tournante de l'évolution de la vie sociale, que paraîtra le premier numéro de Provos dans lequel on décrit comment fabriquer une bombe. Et puis la nouvelle éclate, que nous relate Le Parisien libéré. Pendant que la reine Juliana prononçait son traditionnel discours du trône, des jeunes gens en distribuaient une version différente où l'on pouvait lire : « Comme je suis devenue anarchiste, je renonce à mes fonctions de reine, symbole de l'unité nationale. J'abdique en faveur du peuple et de l'anarchie. Je lègue ma fortune au peuple néerlandais. Je mets à la disposition des victimes du logement mes palais de Soesdijk, Amsterdam et La Haye. »
Enfin, quelques mois plus tard, nous apprendrons que ces jeunes gens se nomment eux-mêmes des provocateurs. « Nous sommes contre toute autorité, déclarent-ils, toutes règles imposées. » Le Monde libertaire écrira « Provos, bravo! Phénomène de renouvellement chez une jeunesse révoltée et qui, peut-être inconsciente aujourd'hui, prendra vraisemblablement toute sa force demain. Provos, bravo! Demain sonnera le rendez-vous sur le chemin de l'anarchie. »
En Hollande, les manifestations se multiplieront. C'est en 1966 que Provos apparaîtra au Quartier latin. Ce ne sera qu'un feu de paille mais ses méthodes de combat originales séduiront les groupes gauchistes en marge qui exploiteront largement cette nouvelle tactique au cours des combats de rues.
Les provos se déclarent pacifistes, contre la bombe; leur action qui n'est pas destructive, constitue un avertissement. Ils sont pour la désobéissance civile et contre la violence. « Nous luttons pour notre liberté personnelle », déclarent-ils. Ou encore : « Nous sommes anarchistes, nous voulons casser le régime. Nous voulons pouvoir être communistes sans être surveillés, avoir les cheveux longs sans être suspects. » Ils sont pour la liberté sexuelle. En réalité, malgré la confusion qu'on peut relever dans leurs propos, ils se réclament d'un individualisme que n'aurait pas renié Armand.
Mais leur originalité viendra, non pas du caractère « vieil anar » de certaines de leurs proclamations, mais de leur méthode de lutte qui va relever d'une technique révolutionnaire moderne. Pacifistes, ils vont répondre à l'agression de la police par la violence et le schéma va alors s'établir. Ils vont provoquer la police, le pouvoir, la société. Celle-ci fera donner la garde, alors les provos rompront le combat, puis reviendront à la charge dans un mouvement incessant qui provoquera puis rompra le combat, pour le reprendre, déroutant non seulement les forces de répression, mais encore leur allié éventuel. Nous avons là comme le reflet des folles nuits du Quartier latin du mois de mai 1968 où les flics pourchasseront, de barricade en barricade, des groupes fuyant le combat et revenant à la charge jusqu'à l'aube. Et on peut dire que c'est Provos qui dotera les étudiants de cette tactique originale qui entretient le combat sans espoir de faire la décision autrement que par une prise de conscience de la population ou de son appareil d'État, ce qui était dans la conjoncture absolument impossible, qui ne fut jamais bien compris des ouvriers déroutés par ce cocktail où se mêlaient la manifestation pacifiste, la provocation de la police derrière des barricades que l'on défendait juste ce qu'il fallait pour créer le désordre et enfin la violence qui clôturait les fins de nuits agitées, énervantes, avec un peu de ce caractère désespéré des barouds d'honneur. Et cet esprit provo survivra à la disparition de ses créateurs pour devenir un élément de la stratégie révolutionnaire.

Enfin, d'autres héritiers d'Armand vont marquer la jeunesse étudiante du Quartier latin et auront, par leur aspect extérieur, une présence moins éphémère. Ces hippies ou ces beatniks vont faire leur apparition le long des berges de la Seine. Ils ont beaucoup de points communs avec les provos.
La littérature s'est emparée des hippies. L'insolite, le pittoresque, les « vices » savamment dévoilés donnent au bourgeois des sensations délicieuses qui influent sur les tirages et l'éditeur est sensible à cet argument. Cependant, les ouvrages sérieux qui traitent du problème hippy nous le présentent comme un phénomène anglo-saxon qui serait une sorte de chancre, un rôt de la société de consommation qui cherche la sensation en dehors des lassants délices qu'elle nous procure.
Il est vrai que le phénomène hippy a été importé. Que son apparition fut timide. Peut-être un phénomène de la transhumance qui, chaque été, jette sur les routes de France des milliers de jeunes en marche vers le soleil d'Italie et d'Espagne et qui, la tête farcie d'idées libérales et révolutionnaires, font halte un instant dans la capitale des barricades. Il est vrai que les Auberges de la jeunesse et l'esprit qui y persiste ont été un argument supplémentaire à leur vagabondage nonchalant. Il en est resté des traces au sein d'une partie de cette jeunesse qui avait lu Armand, qui se réclamait de l'individualisme et qui considérait que le baroque de l'aspect général, cette espèce d'uniforme de la liberté sexuelle et de comportement, s'imposait avec autant de raisons que la lavallière et le chapeau à larges bords s'étaient imposés à ses anciens.
Mais chez nous, nous aurons des hippies à notre manière où se mêleront le folklore individualiste anarchisant et les éléments assimilés à la « va-commeje-te-pousse » de la tradition anglo-saxonne, et le seul véritable héritage original qui débordera d'ailleurs rapidement le groupe hippy réduit dans le pays, sera l'aspect extérieur de ceux qui se réclameront, sans toujours beaucoup de fondement, de ce qu'on peut s'avancer à nommer « une mystique », ce qui d'ailleurs ne veut pas dire une mystification.
Disons que le hippy des bords de la Seine est pacifiste, non violent, résistant à toute servitude. Il trouve les éléments de cette position dans un vieux fond idéaliste qui prend ses sources dans les religions de l'Inde ou dans les innombrables sectes protestantes du monde anglo-saxon, mais également dans le vieux fond antimilitariste du mouvement ouvrier français. N'oublions pas que Armand, avant d'être le théoricien de l'individualisme français, appartint à une secte de cet ordre et fut membre de l'Armée du salut. Le hippy est pour la liberté sexuelle et toute une école française de l'anarchie fit de la liberté sexuelle le centre de sa propagande. Enfin, ce même hippy a un goût prononcé pour le phalanstère, la vie en communauté, dans une camaraderie constante et une mise en commun de toutes les ressources. Et là encore, il y a un mariage entre l'aspiration de certains sectateurs des religions primitives et les milieux individualistes anarchisants de la fin du siècle dernier. On retrouve, dans l'attitude de nos hippies, un peu de ce particularisme de Gandhi, de Romain Rolland, celui d'Au-dessus de la mêlée, de Han Ryner, de Raymond Duncan, le tout poussé au paroxysme. Anachorète et phalanstérien, le hippy se drape dans des attitudes exemplaires qui peuvent prendre une haute élévation morale lorsqu'il refuse toute violence, et en particulier la guerre, ou paraître dérisoires lorsqu'il montre une hostilité farouche au tabac ou à la viande. Il nous apparaît à la fois comme un héros ou un maniaque.                                   Mouna Aguigui
Il rôde autour des organisations pacifistes et humanitaires. Il est présent dans les manifestations, parfois derrière des barricades, avec l'attitude agaçante de l'homme qui se veut un exemple parfait, qui fait honte à l'adversaire qu'on combat, mais également à l'ami qui emploie des armes que la haute spiritualité réprouve. Il est, par excellence, une pousse des régimes libéraux d'abondance car sa carcasse un peu frêle résisterait mal au despotisme, que celui-ci prenne le masque de Staline ou d'Hitler. Hélas! si le Christ fut cloué sur sa croix, les sociétés policées se contentent de chasser les hippies des beaux quartiers, de façon à ne pas effrayer les touristes!
La Fédération anarchiste en a recueilli quelques-uns et leur sagesse n'a pas toujours été inutile au sein de ce bouillonnement de la jeunesse conquise par l'A.B.C. de la doctrine libertaire.

Maurice Joyeux



L'anarchie et la révolte de la jeunesse de Maurice Joyeux p. 117 à 124

Lire aussi le dossier sur les origines de mai 1968
Ecrit par libertad, à 08:36 dans la rubrique "Pour comprendre".



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