Lu sur
ARTICLE XI : Toujours, revenir à Orwell. L’écrivain anglais n’a pas seulement livré une œuvre romanesque passionnante. Mais a aussi analysé avec une rare clairvoyance les problèmes politiques de son temps - et du nôtre. Dans De La Décence ordinaire (2008), Bruce Bégout revenait sur la pensée d’Orwell, analysant une part méconnue et très contemporaine de son œuvre. On a voulu en savoir plus.
Il y a un Orwell que l’on connaît peu, qui est resté dans l’ombre de la figure presque écrasante de 1984. Il est moins facile d’accès, c’est certain. Moins charismatique, aussi : il n’a pas l’attrait prophétique de celui qui - à travers 1984 ou La Ferme des animaux - met à nu les ressorts d’une société totalitaire. Il n’a pas non plus la charge presque mythique de ce combattant de la liberté, volontaire pour rejoindre les Brigades Internationales pendant la Guerre d’Espagne avant d’en livrer un récit magnifique, auréolé de désillusion, Hommage à la Catalogne. Il est plus discret, en quelque sorte.
Il y a deux Orwell, donc. Le premier passé à la postérité historique, le second un brin méconnu. Les deux sont naturellement indissociables : comment comprendre l’Orwell extraordinaire sans connaître son double, homme aux deux pieds solidement planté dans son époque, être assoiffé de simplicité et d’ordinaire ? Tout simplement impossible.
C’est que la majeure partie de l’œuvre de l’écrivain anglais est habitée par une quête de simplicité, de frugalité. Parmi les humbles et les sans-grades, Eric Blair (son nom de naissance) a échafaudé ses réflexions politiques et construit son univers théorique. Question d’affinité - écrivant à Henry Miller, Georges Orwell disait sa préférence pour « une sorte d’attitude terre à terre, solidement ancrée » et expliquait se sentir « mal à l’aise » dès qu’il quittait « ce monde ordinaire où l’herbe est verte et la pierre dure » - mais aussi de conviction : une pensée politique se détachant du quotidien du plus grand nombre se fourvoierait forcément, élitiste et hors-sujet.
Cette part méconnue de Georges
Orwell a retenu l’attention de Bruce Bégout. L’auteur de
La Découverte du quotidien, de
Zéropolis (Allia) et (entre autre) de
L’Éblouissement des bords de route (Verticales), en a tiré une étude passionnante. Publié en 2008 aux éditions Allia,
De La Décence ordinaire s’articule autour de l’idée de «
Common decency » (
décence ordinaire,
principe théorisé par Orwell) et interroge l’approche politique de
l’écrivain anglais, ainsi que ses troublantes résonances
contemporaines. Une démonstration limpide sur laquelle il a gentiment
et longuement accepté de revenir pour Article11 [
1]. La suite
ici.