Lu sur
anarchosyndicalisme ! : "Dans un article publié dans notre précédent numéro, nous avions abordé les mouvements de résistance à la mécanisation qui ont secoué l’Europe dans la première moitié du 20ème siècle, en mettant en lumière la portée hautement politique de ces révoltes : loin de se restreindre à leur manifestation la plus spectaculaire, sous la forme du bris de machine, elles reflétaient le refus d’un assujettissement global aux formes de vie qu’exigeait la révolution industrielle, au bouleversement du mode de production mais aussi du rapport social.
Le Luddisme fut parmi ces mouvements le plus tumultueux, le plus intense, mais aussi le plus réprimé. Il désigne la révolte des ouvriers du textile en Angleterre, qui massivement et de sang-froid, détruisirent des centaines de machines travaillant la soie, le coton et la laine. Il apparaît entre 1811 et 1813 dans les régions de production textile, secteur traditionnel (longtemps basé sur une activité manuelle, un réel savoir-faire, et formé de corporations indépendantes), devenu l’industrie phare du pays, en proie à une mécanisation particulièrement rapide. Le théâtre de ce soulèvement, “le triangle Luddite”, concerne le centre industriel de l’Angleterre et réunit trois corporations : les tricoteurs du Nottinghamshire, les tondeurs du Yorkshire et les tisserands du Lancashire, des foyers de lutte relativement éclatés géographiquement, dont les acteurs exerçaient diverses professions qui présentaient chacune leur histoire, leur spécificité, leur tradition de lutte. C’est en cela que réside notamment la singularité des luddites : “une cohérence globale, une conscience de leur unité” entraînant une renommée considérable, une unité du mouvement mais une pluralité des pratiques, inscrites dans des contextes socio-économiques très divers et des spécificités régionales fortes... Ces différences conditionnent complètement l’évolution du mouvement qui connut plusieurs étapes (se radicalisant au fur et à mesure) et les modes d’actions choisis (certaines professions restaient dans des cadres plus légalistes que d’autres), mais nous ne pouvons nous y arrêter ici en détail. Précisons que le mouvement est enraciné dans un contexte de crise économique et politique : chômage massif, famines ravageant le pays, discrédit des dirigeants liés à la corruption. En 1811, la première puissance industrielle est avant tout un pays au bord de l’insurrection... l’image de prestige (sa seule préoccupation) qu’elle cultive aux quatre coins du monde, y compris dans les colonies qu’elle pille et affame n’est que pure propagande. La réalité est tout autre.
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