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Les anarchistes entre eux
--> La critique

1. En amorçant le sujet des Anarchistes entre eux, je n’ai nullement eu l’intention de discourir sur la vie et sur l’activité anarchistes telles qu’elles seront conçues ou pratiquées au vingt et unième siècle ou dans mille ans. Et c’est compréhensible. À nos expériences et à nos connaissances, les anarchistes du trentième siècle ajouteront l’acquis et l’expérience de dix siècles.

On peut, concernant les anarchistes de l’avenir, bâtir dans le présumable ou raisonner sur des hypothèses et ce peut être un exercice intellectuel intéressant. mais en ce qui me concerne, je parle et j’écris relativement aux anarchistes actuels.

2. Personne ne nie l’efficacité de la critique. Elle a fait ses preuves. C’est grâce à elle que les cosmogonies et les théologies qui ont si longtemps embrumé les cerveaux des hommes ont été finalement réduites à un rôle purement documentaire.

C’est grâce à la critique qu’on est parvenu à substituer l’explication a posteriori à l’interprétation a priori, l’observation à l’hypothèse, la connaissance à la foi, le doute au dogme ― toute la science. C’est encore grâce à la critique que tend à disparaître. la méthode d’éducation qui fait de l’élève une réplique du professeur. C’est encore à son action qu’est dû le recul des oppressions sociales et le passage au crible de la raison des préjugés moraux.

La critique est une oeuvre anarchiste par excellence. Elle est foncièrement éducative et c’est probablement dans la critique des institutions et des gestes des hommes qui les concrétisent que réside toute l’efficacité actuelle de la propagande anarchiste. La critique anarchiste n’a rien respecté : elle ne laisse rien debout.

Elle s’est attaquée aux dieux et aux maîtres, aux résultats acquis et aux textes ne varietur, aux outrances scientifiques comme aux errements sentimentaux. Elle cingle sans pitié fonctionnaires, élus, électeurs, arrivistes, pontifes et hors-concours. Elle les atteint là où ils se trouvent, sans égard aux situations acquises, parce qu’elle tend à guérir les individus du préjugé de l’homme en place et à les mettre en garde contre les accapareurs de popularité. La critique anarchiste entreprend le libre examen des doctrines et des « professions de foi » publiques et ne recule pas devant la libre discussion des gestes publics des hommes qui enseignent les doctrines ou énoncent les professions de foi.

3. Point satisfaits de critiquer ceux qui ne sont pas des leurs, les anarchistes se critiquent encore mutuellement. Ils ont retenu cette grande leçon de l’expérience que là où fait défaut la critique, l’évolution tarde ou cesse. S’ils s’élèvent contre les pontifes et les « hors concours » du dehors, ce n’est pas pour les laisser s’imposer au dedans ; rien de plus périlleux pour la vie d’un mouvement ou d’un individu qu’une halte proclamée terminus ; il n’est point de gare d’arrivée définitive — homme ou théorie. Vivre aujourd’hui n’est pas une pause, c’est une manifestation d’activité. La critique a pour but de faire prendre garde qu’on ne veuille faire de la vie d’aujourd’hui même un modèle applicable à tous les jours de l’existence, la critique insiste pour qu’on ne considère pas la station actuelle. comme la dernière. La critique s’en prend à « l’inévoluable », c’est-à-dire au mort-vivant. Il. faut, pour elle, qu’on soit mort ou vif, et qu’on ne prenne pas prétexte des contingences pour s’assoupir ou ne pas répondre.. Elle affirme qu’il y a d’autres horizons en vue, qu’il faut secouer sa léthargie, se ceindre les reins et partir à la recherche de l’expérience nouvelle.

Elle jette la suspicion et le doute sur la tendance à la durabilité de l’état d’être présent. Elle est l’énergie de transformation qui combat l’inertie de stabilité. Et c’est en ce sens qu’exercée entre les anarchistes, la critique revêt une valeur profondément éducative.

4. Toute critique sérieuse est subordonnée à un effort fait par celui qui critique en vue de comprendre la mentalité ou l’attitude psychologique de celui qui est critiqué. On comprend très souvent par critique le désir de voir, dans une circonstance donnée, tel camarade se conduire ou se déterminer comme il nous semble probable que nous l’aurions fait nous-mêmes. On appelle parfois aussi « critique » un accès de vengeance, la mise à profit d’une faiblesse ou d’une inconséquence chez tel ou tel pour assouvir une rancune personnelle. D’où exaspération ou déformation du manquement constaté. Mais, comprise ainsi, la critique n’a plus de portée éducative.

Il est peu intéressant de savoir comment, à tel moment, se serait comporté qui critique, se trouvant à la place de qui est critiqué ; il aurait agi selon son état d’être d’alors, c’est incontestable, déterminé par son tempérament, sa constitution. Que nous importe l’exhibition de querelles inter-individuelles ! Que s’expliquent entre eux ceux qui ont des motifs de « s’en vouloir ». Il nous restera, appréciant a posteriori, de déterminer le profit réel à retirer de leur attitude.

La critique rationnelle et sérieuse tient parfaitement compte de la différenciation des constitutions individuelles. Ce qu’elle demande c’est que celui qui agit soit d’accord avec ses déclarations publiques ou privées. Le but qu’elle poursuit, c’est, pour éviter piétinement où régression, ― l’un préparant l’autre, — que le critiqué soit amené a se révéler à lui-même les possibilités de développement dont son organisme est susceptible. On peut dire que la critique des anarchistes entre eux se résume à une mise au point, des détails de leur existence individuelle par rapport à leur conception déclarée de la vie anarchiste ; — mise au point dont le but et la raison d’être est la recherche du mieux être chez qui est critiqué.

La conception erronée de la critique a créé chez certains un état d’esprit singulier : on éprouve comme une honte à reconnaître que sur tel ou tel détail de vie on a pu modifier les conceptions alors qu’il est très compréhensible, au contraire, que sous l’influence d’expériences insoupçonnées, on soit amené à reconnaître que telle ou telle théorie est incompatible avec un tempérament qui ne s’est affirmé complètement que par le jeu des circonstances. Être anarchiste ne consiste nullement à se plier sous le joug d’une règle de conduite uniforme, adoptée une fois pour toutes, que cette règle soit par la suite ou non d’accord avec l’évolution de votre vie individuelle. Être anarchiste c’est en dehors de toute contrainte extérieure, déterminer les détails de sa vie de façon et y trouver le maximum d’avantages normaux, la plus grande somme de bonheur normal. Par exemple après expérience faite, on peut reconnaître que la propagande qui s’adresse aux individus isolés offre plus d’avantages que la propagande qui vise les multitudes, ou encore par exemple que l’unicité en amour procure plus de bonheur que la pluralité. Ou vice versa. On ne cesse pas d’être anarchiste, bien entendu, parce que l’expérience vous a déterminé — et jamais à titre définitif — à orienter votre activité on votre vie dans un sens ou dans un autre, mais à mon sens, on ne pourrait plus se réclamer du nom d’anarchiste dès que d’une orientation de vie particulière convenant à un tempérament ou à un caractère, on voudrait faire une règle s’appliquant à tous les tempéraments et à tous les caractères.

La critique bien entendue ne reprochera jamais à un camarade quelconque d’avoir modifié les détails de sa vie ; on ne peut reprocher à qui que ce soit de ne pas consentir à demeurer figé dans la pratique d’une conception qui n’amenait plus que douleur ou désavantage. L’œuvre de la critique consiste, lorsqu’elle note une contradiction entre le geste et la déclaration, à la signaler.

S’il est sincère, le critiqué reconnaîtra son erreur de vouloir maintenir une opinion ou une thèse qu’il se trouve incapable ou impuissant à pratiquer. Il réfléchira qu’au moment où il a émis l’opinion ou proposé la thèse dont il est question, il n’avait pas envisagé tous les points de vue ou toutes les expériences que sous-entendait la pratique.

Cela suffira pour qu’il rétablisse ou tout au moins tente de rétablir l’équilibre entre ses théories et sa vie. L’obtention de ce résultat est toute la besogne de la critique.

5. Il me semble qu’on peut réduire à trois les modes d’exercices de la critique anarchiste.

a) Les anarchistes critiquant les faits et les gestes des constituants de la société par rapport à la conception anarchiste de la vie, et cela dans le but de détacher intellectuellement et pratiquement du milieu le plus grand nombre d’êtres possibles ; b) les anarchistes se critiquant entre eux, êtres et actes, par rapport aux déclarations ou aux théories exprimées par chacun, et cela dans le but d’amener chaque camarade à mettre d’accord, dans la mesure du possible, écrits, paroles et détails de la vie quotidienne ; c) les anarchistes critiquant par rapport à l’activité anarchiste les mouvements qui, par certaines apparences, voisinent avec cette dernière, mais s’en différencient en ce qu’ils font appel à l’impulsivité incontrôlable et au sentimentalisme irréfléchi des individus. Cela en vue d’atteindre à des résultats que les anarchistes ne considèrent accessibles que par l’éducation préalable de la mentalité personnelle. La critique anarchiste a alors pour but tout aussi bien de détacher de ces mouvements, ceux que pourraient séduire une certaine phraséologie ou une agitation de superficie que de creuser la ligne de démarcation qui sépare ceux que dominent les circonstances de ceux qui tentent de les déterminer.

E. Armand

La Presse Anarchiste

L’anarchie n°241 (18 novembre 1909)

Ecrit par Mirobir, à 15:38 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Mirobir
06-03-06
à 15:40

Mazette ! (Mazas !?) Encore un « vieux » texte !

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