Le RESF suit plus de cent vingt enfants étrangers, scolarisés et sans papiers, à Lyon.
Depuis qu'il s'est constitué, au printemps dernier, il n'a pas relâché sa vigilance. Aujourd'hui moins que jamais.« INVITATION A OCCUPER LE TERRITOIRE », tel était le slogan provocateur du tract diffusé lors de la manifestation nationale du 4 octobre dernier par les membres du RFSF (Réseau éducation sans frontières) de Lyon.Ce tract appelait à un rassemblement, le lendemain même, devant la préfecture du Rhône pour réclamer la régularisation de quatre-vingts enfants scolarisés dans le département et menacés d'expulsion du territoire, sans compter, soulignait-il, ceux dont on ne connaît pas encore la situation.
De fait, un mois et demi plus tard, ce sont plus de cent vingt enfants étrangers et sans papiers, et donc leur famille, qui sont « suivis » par le RESF-Lyon, autrement dit sous haute surveillance, pour une fois dans le bon sens du terme: si une des familles des enfants concernés se retrouve à la rue ou conduite au centre de rétention de Satolas, sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière, tous les membres du réseau sont avertis et s'organisent pour soutenir le cas signalé.
Pétition et délégation à la préfecture s'enchaînent alors immédiatement. En général, des mesures suspensives sont obtenues. Pas toujours: un couple de Kosovars a été expulsé, avec ses deux enfants de 2 et 4 ans (nés en ce), le 30 septembre dernier, après quatre semaines au centre de Satolas.
C'est le cas d'une autre famille, « retenue » à Satolas, qui a provoqué la création de RESF Lyon, même si déjà, en ordre dispersé, des groupes d'enseignants et de parents défendaient tel ou tel dossier.
Le centre de rétention de Satolas a cette particularité « humanitaire » d'être aménagé pour recevoir des enfants. Fin avril, Karina Velitchko, 14 ans, y était enfermée et aussitôt signalée aux associations de Lyon par le RESF de Moselle, où elle vivait avec ses parents depuis 2003. Son père, déserteur de la guerre en Tchétchénie, risque au moins sept ans de prison s'il retourne en Russie. La famille Velitchko a été relâchée et est repartie à Metz, tandis qu'à Lyon, la force d'un réseau a été démontrée : tous les collectifs de soutien s'entraident et font régulièrement le point, au local de la LDH. Cet été, un système de veille systématique a été organisé pour qu'il n'y ait aucune expulsion « en douce » .
La situation de ces familles est plus que compliquée et, à ce jour, seuls une douzaine de dossiers ont été provisoirement régularisés, en dépit d'un harcèlement incessant de la préfecture, au grand dam du fonctionnaire désigné comme interlocuteur qui supplie « que l'on arrête cette litanie » . Les autres sont désormais plus ou moins protégés par la circulaire du 31 octobre (les enfants sont autorisés à rester sur le territoire jusqu'à la fin de l'année scolaire mais pas forcément les parents!). Néanmoins, ils restent dans l'illégalité, autrement dit sans aucun droit. La question cruciale est celle du logement: nombre des enfants suivis par le RESF sont à l'école le jour et dans la rue la nuit. Mais là aussi la mobilisation paye: face à l'expulsion de trois de leurs élèves, les enseignants d'un collège de Vaulx-en-Velin se sont aussitôt mis en grève et ont obtenu un relogement d'urgence, le soir même.
Même succès pour lés actions de « sensibilisation » ! Ainsi, le collectif de soutien des familles roms menacées d'expulsion des locaux d'une paroisse catholique du 1 - arrondissement a-t-il pu rencontrer (on_ plus exactement coincer) l'archevêque de Lyon, en visite au lycée privé attenant au squat, pour le sensibiliser à la situation de ces familles.
Le malheureux prélat, n'en pouvant mais, dut bien s'engager à trouver une solution charitable, surtout sous la menace d'une occupation d'église! À ce jour, en principe, deux familles devraient rester sur les lieux en attendant un relogement.
La vigilance reste de mise pour ce cas comme pour d'autres familles qui peuvent se retrouver à la rue à tout moment. Il s'agit aussi de durer dans le temps car, même si la circulaire « Sarkarcher » est appliquée, le problème des expulsions du territoire se posera à nouveau, dans quelques mois.
Tous ces enfants, Roms, Arméniens, Congolais, Guinéens, Tchétchènes, ont un point commun: ils sont mineurs et scolarisés en France, certains depuis longtemps. Il s'agit de défendre leurs droits fondamentaux garantis par la Déclaration des droits de l'enfant, ratifiée par la France, envers et contre toute politique d'exclusion.
Anne Sizaire
Le Monde libertaire #1417 du 24 au 30 novembre 2005