Lu sur
le Jura libertaire : "Le rappeur, poursuivi par le ministère de l’Intérieur pour des propos dénonçant des policiers «assassins», a été relaxé par la cour d'appel de Versailles qui considère que ses propos ne sont pas diffamatoires.
La cour d’appel de Versailles a relaxé mardi 23 septembre Hamé, l’un des rappeurs du groupe La Rumeur, poursuivi par le ministère de
l’Intérieur
pour des propos dénonçant des policiers «assassins». La cour considère
que les propos de Hamé ne sont pas diffamatoires, clôturant ainsi une
procédure qui aura duré plus de cinq ans.
Le tribunal de Versailles confirme la relaxe, déjà prononcée en juin 2006 par la cour d’appel de Paris.
Hamé était poursuivi pour des propos publiés en avril 2002 dans un fanzine accompagnant la sortie d’un album de son groupe, à une époque où Nicolas Sarkozy était ministre de
l’Intérieur.
«Des centaines de nos frères abattus par les forces de police»
«Les rapports du ministère de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété», avait notamment écrit
Mohamed Bourokba, dit Hamé.
Le 3 juin dernier, l’avocat général de la cour d’appel de Versailles avait demandé qu’une peine «particulièrement significative» soit prononcée à
l’encontre de
Hamé.
«Il s’agit
d’allégations
outrancières qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de la police nationale dont on affirme qu’elle agit criminellement sans jamais confondre ceux qui, en son sein,
commettent de tels crimes», avait déclaré Me Daniel Renaut.
«Une victoire par K-O»
Votre réaction après la décision de la cour d’appel de Versailles de vous relaxer dans l’affaire qui vous opposait au ministère de l’Intérieur ?
L’affaire a
commencé début 2002 : six ans de procédure, quatre jugements, et c’est là la troisième relaxe. L’arrêt de la cour statue sur une complète relaxe.
C’est une victoire
par K-O, une victoire à plate couture.
Le plus intéressant dans cet arrêt est que la décision ne remet pas en cause le fond de l’affaire, c’est-à-dire que les propos écrits sur «nos frères abattus par les forces de
police» ne sont pas diffamatoires.
L’avocat général avait demandé en juin dernier une «peine significative» et vous risquiez jusqu’à 45.000 euros d’amende. Qu’est-ce qui a joué selon vous ?
J’ai été vraiment
surpris par l’arrêt
de la cour d’appel.
On ne connaîtra pas les détails de cette décision.
À la sortie du tribunal aujourd’hui, je me suis demandé si cette affaire n’avait pas été aussi le reflet d’un affrontement, d’une guerre, entre la magistrature et le pouvoir politique et policier. La
cour a peut-être voulu montrer qu’elle n’était pas qu’une simple pièce d’enregistrement. Mais il reste dix mille points d’interrogation sur cette décision finale.
Cette relaxe a été aussi le résultat d’une défense qui s’est bien battu. Je tiens à saluer son super boulot. Nous avons choisi d’assumer la dimension politique de l’affaire et nous avons plaidé sur tous les
terrains, aussi bien historique, politique et même linguistique. L’objet du délit était un article, un pamphlet et nous avons fait témoigner une linguiste qui a bien expliqué que le pamphlet
appartenait à une tradition littéraire française. Tout le travail de la défense a été remarquable depuis le début de l’affaire.
Est-ce vraiment la fin de six ans de procédure pour vous ?
Pour nous, c’est
vraiment terminé. En revanche, le ministère de l’Intérieur a trois jours pour se pourvoir en cassation. On saura d’ici vendredi, voire même dans quelques heures, comment il réagit.
Mais désormais à ce stade, la justice a confirmé que je peux dire et continuer à dire : «Les rapports du ministère de l’’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété.»
Interview de Hamé par Séverine De Smet
Le Nouvel Observateur, 23 septembre 2008.
La Rumeur, Qui ça étonne encore ? (2007)