J'ai des potes qui franchement s'inquiètent des 700 milliards de dollars avancés par la Fed pour sauver le système bancaire américain.
Car nous avons tous en France le fondement douloureux,
lorsque nous pensons au Crédit Lyonnais,
à sa structure de défaisance (le CDR)
pour laquelle nous avons raqué en impôts des sommes astronomiques,
et 15 ans après ça continue, il a encore fallu allonger 400 briques à Nanar ce mois-ci.
(Alors que Fadela n'a pas eu un flèche pour le Plan Marshall des banlieues, au motif qu'il n'y a plus un rond.
Remarquez, ça ne l'empêche pas d'être heureuse, et c'est tant mieux pour elle).
J'ai des potes, donc, qui s'inquiètent un peu pour les amerloques, et
surtout pour eux-mêmes : des fois que les yankees nous présentent la
douloureuse (comme ils en ont la détestable habitude).
700 milliards de dollars c'est, à la louche, 250 fois ce qui était
prévu au départ pour notre Crédit Lyonnais (12,4 milliards de francs).
On a beau respecter le gigantisme américain, on se dit que la planète
entière va y passer : ils n'y arriveront jamais tout seuls.
Et bien, je tiens à rassurer tout le monde,
Ca m'étonnerait que ça leur coûte autant, toutes proportions gardées, que le Crédit Lyonnais.
Dans leur cas, ça devrait s'arranger.
A la longue, tout s'arrange.
Même l'immobilier.
La population augmente, et pas le sol national.
Il suffit d'attendre.
Les affaires reprendront bien un jour.
Comme elles auraient repris pour le Crédit Lyonnais.
Sauf qu'entre temps il est mort.
C'est cette triste histoire que j'aimerais vous raconter.
Ca se passait aux temps heureux de la Mittérandie.
Ils faisait beau pendant l'été, le PS était à gauche, on nageait en plein socialisme.
L'Etat veillait à soulager les misères.
Il avait nationalisé les banques, afin qu'elles viennent en aide aux plus nécessiteux.
Chacune avait sa spécialité.
Le Crédit Lyonnais servait alors de caisse de secours pour milliardaires dans le besoin.
Il sauva les Lagardère de la faillite (après la débacle de la 5).
(On se demande ce que serait devenu Arnaud, le frère du prézydent, sans cette courageuse intervention).
Et surtout il aida quelques jeunes sans le sou, tels Bernard Arnault
(aujourd'hui 13 ème fortune mondiale, et témoin de mariage de Nicolas
Sarkozy) François Pinault (pas très loin derrière Bernard, et qui fait
du vélo avec Nico) ou Vincent Bolloré (beaucoup plus modeste, seulement
13ème fortune française, mais maintenant qu'il prête yacht et jet au
prézydent, sa situation va peut-être s'améliorer).
Sans le sou, c'est manière de parler.
Disons pas très très riches, au départ.
Mais le système des "poulies bretonnes" (c'est à cause de Vincent qu'on
les appelle comme ça : il est breton, d'origine) leur a permis
d'utiliser bien plus d'argent qu'ils n'en avaient.
Comme l'expliquent les spécialistes, à l'article "poulie bretonne" :
L'exemple type est celui de Vincent Bolloré qui en 1988 constitue une
cascade de six holdings. Il détient 60% de Finfranline, qui possède 51%
d'Omnium Bolloré, qui possède 51% de la Financière V (comme Vincent)
qui possède 51% de Sofibol (comme Bolloré), qui possède 51% de la
Financière de l'Odet, qui possède 51% d'Albatros Investissements, qui
possède enfin 40% de Bolloré Technologies (cf. Raulin et Lecadre,
Vincent Bolloré, p. 111). Ce montage (...) permet à Vincent Bolloré
avec 50 millions de francs, soit 1,3% du capital de Bolloré
Technologies, d'avoir tout pouvoir sur un groupe de 3 milliards de
francs de capitalisation boursière. (http://www.boursilex.com)
Idem pour Bernard Arnault :
Groupe Arnault contrôle 85,6% de Financière Agache, qui possède 98,6%
de Bon Marché Holding, qui contrôle 58,9% de Christian Dior, qui
contrôle 100% de Financière Jean Goujon, qui possède 42,5% de LVMH.
En 1991 la cascade de holding comptera 11 étages.
Ces astucieux montages permettent de dépouiller peu à peu les autres
actionnaires, par des jeux d'écriture (le transfert d'actifs d'une
société à une autre de la holding) ou par des rachats de capital (aux
frais des sociétés elles-mêmes).
Encore faut-il trouver des pigeons consentants :
Banques et assurances viennent en minoritaires aux différents niveaux
(de la holding), et acceptent ce rôle sans mettre en place des
mécanismes de sortie les associant pleinement aux plus values. De façon
générale ce sont principalement les banques, alors nationalisées, et en
particulier le Crédit Lyonnais et des institutions à capitaux publics
qui participent à ces montages.
Le but étant de faire la fortune d'autrui.
Pour assurer la grandeur de la France.
Et lui donner les capitalistes d'envergure mondiale que cette fière nation mérite.
Il est, dans ces conditions, parfaitement compréhensible que les
investissements consentis par le Crédit Lyonnais lui soient un jour
retombés sur la gueule.
Une crise de l'immobilier (le CL avait beaucoup investi dans le
secteur) et deux escroqueries (SASEA et MGM) plus tard (c'est dur de
faire la différence entre affairistes pleins d'avenir et gibier de
potence bientôt en taule), le Crédit Lyonnais était au bord de la
faillite.
L'Etat aurait pu le sauver, par l'un des moyens mis en oeuvre cette
année aux USA pour sauver Bear Stearns, Fanny Mae, Freddy Mac, Merryl
Linch, AIG etc...
Ou simplement en recapitalisant (puisqu'il était seul actionnaire de cette banque nationalisée).
Mais cette année-là (1993) était aussi la première année de la seconde cohabitation, gouvernement Balladur.
Quand Nicolas Sarkozy était ministre du budget.
Et justement, question budget, ça n'allait pas.
Le sauvetage du Crédit Lyonnais revenait trop cher, disait-on.
(La banque avait perdu, sans espoir de retour, 15 milliards de francs).
Le PS n'insistait pas beaucoup, il cherchait encore où était l'erreur.
Et la droite voulait à tout prix la peau des nationalisations.
Ce fut, en conséquence, la défaisance qui fut choisie
(Elle consistait à mettre dans un consortium valeurs et dettes du
Crédit Lyonnais, vendre les uns pour rembourser les autres, et si ça ne
suffisait pas, l'Etat payait la différence)
Vidant ainsi la banque de sa substance.
Et la privatisant sans la privatiser.
Que du bonheur!
Le CDR (Consortium De Réalisation) fut constitué.
Et se mit aussitôt au travail.
Les années passèrent, discrètes.
On n'entendait plus beaucoup parler du CDR.
Quand un beau jour....
En 2000, un rapport de la Cour des comptes estimera entre 110 et 120 milliard de franc (valeur 1999) le coût de la défaisance.
Comment?
Il y avait eu des frais.
Énormément de frais.
Et surtout, les petits protégés du Crédit Lyonnais étaient repassés par là.
Je vous donne un seul exemple, Pinault, bien éclairant.
Le CDR possédait en 1995 24,5% de sa holding Artémis.
Ces 24,5% étaient alors évalués à 6 milliards de franc.
Grand seigneur, Pinault en offrait 1.
L'affaire traine un peu.
Chirac est élu.
On propose à Pinault d'emporter le tout pour 1,5 milliards.
Il temporise encore.
Et en mars 97, catastrophe : dissolution de l'assemblée et arrivée de la gauche au pouvoir.
DSK rectifie le prix : c'est 4,1 milliards.
DSK, vous avez dit?
Ouf! vous m'avez fait peur.
J'avais cru Vladimir Oulianov.
Pinault s'exécute.
Car, à ce moment là, la part du Crédit Lyonnais dans Artémis vaut 12,8 milliards.
Pinault qui voulait à l'origine gratter 5 milliards au contribuable
(qu'il n'est pas lui-même : il ne paye d'impôt sur le revenu que depuis cette même année 1997)
au final en extorque 8.
Pour le reste,1,5 ou 4,1 milliards, qui s'en soucie?
Pas lui, en tous cas.
Car il n'a de toutes façons pas allongé un seul centime.
C'est le Crédit Lyonnais lui-même qui lui a avancé la somme.
Emprunt qu'il remboursera peu après, avec les profits dégagés par cette splendide opération.
Ce n'était pas alors de la vente que pratiquait le CDR, mais du don.
Il lui fut difficile, dans ces conditions, de faire rentrer la thune.
On parle aujourd'hui de 20 milliards d'euros de pertes, c'est-à-dire 130 milliards de francs.
Toutes essuyées par toi, happy taxpayer.
Tu perdis aussi, cher contribuable, ta banque dans cette affaire (elle
était à toi, puisqu'elle était propriété de la nation, et ce depuis
1945).
Corps et biens.
Un véritable évanouissement.
(Son nom-même a été effacé, c'est désormais la LCL, filiale du Crédit Agricole.)
Avec pour seule consolation, la satisfaction d'avoir quelques nouveaux amis.
Pinault, compagnon de cyclisme du Prézydent.
Arnault toujours là quand Nicolas se marie.
Lagardère, le "frère" du Guide.
Bolloré, qui fait du bateau (et aussi de l'avion).
Et même Nanar, le fils maudit, qui eut droit aussi à sa part de gâteau.
Tu n'es plus seul.
Car il s'agit d'amis sûrs.
Ils ont des télés, des radios, des journaux.
Ils viennent tous les jours te tenir compagnie.
Et t'aider à comprendre.
Sauf, bien sûr, quand c'est trop compliqué et qu'eux-mêmes se trompent.
Par exemple les 700 milliards de dollars de la structure de défaisance mise en place par l'administration américaine.
Ils ont peur que ça tourne à la catastrophe, comme avec le Crédit Lyonnais.
Que tout disparaisse.
Mais ils confondent, on se demande bien pourquoi.
La structure de défaisance américaine n'a pas grand chose à voir avec le CDR.
Elle a pour objectif d'aider les banques à traverser la crise.
Et non d'en déchirer une pour la distribuer aux familiers du Prince.
Ce sera, forcément, beaucoup moins douloureux.
Et, pour le contribuable, nettement moins onéreux.
Okounine