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Lu sur : RéveilTunisien « Si l'on effectuait un référendum auprès des prisonniers, les résultats non truqués indiqueraient que 99.99% des détenus disent Pâloir et non parloir…
Pâloir parce que c'est l'endroit où se rencontre le monde des morts vivants, des femmes et des hommes transformés en zombie après des mois ou des années de détention et ceux de l'extérieur « les presque vivants ». Quand les prisonniers sont confrontés au regard de leur famille, de leur mère ou père, de leur épouse ou époux, de leurs enfants, c'est un miroir qu'ils ont en face d'eux. Et dans ce miroir, ils peuvent voir à quel point ils ne ressemblent plus à rien d'humain.
Il est difficile d'imaginer pour un enfant de voir l'image de son père ou de sa mère ainsi briser, il est difficile pour un père ou une mère d'inspirer de la pitié à son enfant. Pourtant, il faut se composer une figure, un sourire. Dire que tout va bien même si cela se voit que rien ne va bien. Parce que c'est important de faire croire « qu'on y arrive », « qu'on tient le coup », « qu'on garde le moral ». Quel fils voudrait ajouter des larmes et angoisses aux peurs et à l'inconnue que vit sa famille.
En pratique, le parloir de la prison de Borj El Amri est une petite salle de 5,5m x 3,5m divisée en 2 parties : Le parloir comporte 2 portes et 2 guichets.
Une partie pour l'approvisionnement. Une partie pour les visites.
Une cloison sépare les deux parties, les familles livrent au premier guichet ce qu'elles ont apporté comme argents et habits à un agent qui fouille le tout et donne ça aux détenus via l'autre guichet.
Une sorte de marché parallèle dont les règles semblent inscrites depuis la nuit des temps et gravées sur des murs qui n'ont pas d'âge, ni d'âmes. Des lois non écrites, des arrangements, qui permettent à des prisonniers ne pensaient un instant qu'ils sont autre chose que des animaux pestiférés jetés en cage. Car si on nous jette en prison et si nous n'avons rien, ni personne pour nous soutenir, si nous sommes l'anonyme noyé dans la masse humaine, il n'y a pas de chance de survie. Sans la famille, on ne mange pas. On ne s'habille pas et on ne se soigne pas. Pourtant depuis des années et bien avant Ben Ali on savait déjà que les prisons tunisiennes étaient des mouroirs destinés à enfermer non pas uniquement les « droits communs » mais également les contestataires .
Pour revenir aux conditions de visite de Borj El Amri, le compartiment des visites est divisé en 3 parties, une pour les détenus, une pour les visiteurs et une troisième centrale pour les gardiens. Des grillages séparent les 3 parties. Le détenu peut faire sortir sa « vaisselle 100% plastique » et son « linge sale » par le guichet qui est de son côté quand la visite est terminée et peut recevoir son argent en bons et des vêtements propres. Le détenu récupère après sa sortie du parloir son couffin par un autre guichet situé un peu plus loin. La visite dure en moyenne 20 minutes mais le détenu peut la refaire ou la faire durer s'il est prêt à « payer » un paquet de cigarettes Mars Inter Légères.
Tous les gardiens et tous les surveillants (prisonniers) sont corruptibles, s'adonnent au racket et peuvent facilement décourager tout prisonnier récalcitrant à la corruption. Là encore, c'est une maffia qui ne dit pas son nom. Des règles et un système parallèle mis en place pour la plus grande satisfaction matérielle des gardiens et des surveillants. La corruption existe à grande échelle et à tous les échelons en Tunisie et comme on parle d'état dans l'état, on peut ici parler de mafia dans la mafia. Car l'état qui emprisonne ses citoyens non seulement ne va pas les nourrir et les vêtir pendant qu'ils effectuent leurs peines mais en plus va encourager explicitement tout ce qui pourra les faire « cracher » un peu plus et les enfoncer toujours plus bas.
La durée du parloir qui est l'unique moment de bonheur dans toute la semaine. C'est étrange de parler de bonheur dans ces conditions. Mais quand un filet d'oxygène vous parvient grâce à une visite, vous ne tenez plus que par l'attente de ce moment. Un moment précieux où l'on espère retrouver un peu d'humanité, un peu de dignité. Mais non ! Parce que ce moment est vital pour les prisonniers, il est gâché par l'inhumanité des gardiens qui font entrer les détenus par lot de 10, comme un troupeau, comme des animaux !
Et l'on a au bout du compte de 30 à 50 personnes dans moins de 20 mètres carrés, les détenus et leurs familles sont forcés de crier de toutes leurs forces pour communiquer. Alors que ce parloir devrait être fait pour permettre aux prisonniers de respirer un instant, il se transforme en moment stressant, bourré d'angoisses au milieu de cette foule où il faut se faire entendre en hurlant.
Comment je l'ai vécu :
Avant de m'en aller au parloir, les agents font entrer tous les détenus dans leurs chambres, car je ne dois rencontrer ni parler à aucun prisonnier sur mon passage, les autres visiteurs sont tous éloignés du parloir et ne reste que ma famille que je rencontre tout seul ou presque ! Au moins 3 gardiens m'accompagnent au parloir et rédigent leurs rapports devant mes yeux !
Il arriva souvent que des agents de la DST et de la présidence de la république assistent à mes parloirs. Généralement mon parloir durait moins de 5 minutes et jamais plus car je dérogeais toujours aux règles d'omerta imposées par la dictature : pendant le parloir on oublie un instant les conditions de vie en prison et on a envie de dire ce que l'on pense, comme tous les hommes libres.
Il arriva souvent aussi que mes parloirs finissent en un échange d'insultes et de menaces d'autant que je n'ai jamais réussi à composer une phrase sans la pimenter avec une insulte à Zine Ben Ali et son système pourri. Je ne le regrette pas. Et Ben Ali n'aura pas réussi à ce que je me renie moi même. La liberté se crie. En Tunisie, elle se crie avec les mots de la violence qui sont juste à la hauteur de l'injustice qui m'était faite à moi, mais aussi aux autres. Aux autres prisonniers politiques, aux autres prisonniers tout court, aux autres tunisiens.
Mon couffin était fouillé toujours minutieusement avec les mains crasseuses des gardiens et je finissais toujours par le refuser et le restituer à ma famille. Il faut savoir que même mes vêtements neufs étaient systématiquement déchirés par les gardiens car ils pensaient que ma famille pouvait avoir écrit des messages à l'intérieur… j'avais le droit de recevoir que 20 dinars par semaine c'est à dire 20 paquets de Kristal et 60 sachets de café soluble, cigarettes et cafés, ce qui a fini par nuire gravement à ma santé car comme la nourriture de la prison est ignoble et n'est pas faite pour nourrir normalement les prisonniers, je tenais avec cela.
Maintenant que j'ai écrit cela, je sens encore la rage remonter à la surface, l'envie de crier, encore avec violence ce que je pense de Ben Ali. Je voudrais écrire encore sur tout ça. Mais la colère et les souvenirs sont trop forts. Je n'y arrive pas. Je suis désolé. »
Zouhair Yahyaoui, écrit en collaboration avec Hasni
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Lire aussi : Internautes de Zarzis : une condamnation sans fondement
Commentaires :
magdoleine |
urgentsalut, je suis étudiante en architecture et je prépare ma thése sur les prisons,je veux bien que vous me contactez,car vous pouvez bien m'aider vu le manque de documentation que j'ai,,,,,,je vous remercie
tél; +216 98/447/290 Répondre à ce commentaire
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hasni 04-01-06
à 16:54 |
Re: urgentde nouvelles images prises clandestinement dans la prison du avril en Tunisie ont été publiées. vous pouvez les reprendre comme bon vous semble. Un article les accompagne sur les conditions de détention. version arabe et version française.
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libertad 04-01-06
à 21:11 |
Re: Re: urgentOn peut voir les photos de la prison ici
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à 17:19