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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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Le Palimpseste (suite et notes)
--> traduction (provisoire) d'un texte d'Hakim Bey
Le Be-In, le rassemblement et la Rave sont tous apparus aux yeux de l’autorité moderne comme de dangereux nœuds de désordre total précisément parce qu’ils tentaient de réinsuffler l’énergie du Don dans l’économie de la marchandise. Les mouvements artistiques post-surréalistes post-situationnistes qui ont porté le projet de la suppression-et-réalisation ont tous développé des théories de la fête. Bruits de Jacque Attali qui explore la suppression-et-réalisation en terme de musique (il appelle cela «le réseau de la composition») se base sur une analyse d’un tableau de Breughel représentant un festival. En fait, le festival est un ingrédient inévitable pour toute théorie qui s’offre à replacer le Don au centre du projet créatif.

L’œuvre d’art est-elle «sauvée» ? Il vaudrait mieux demander si si l’œuvre d’art possède une dimension ou une fonction sotériologique (12). L’œuvre d’art est-elle salvatrice ? Peut-elle me racheter ? Et comment peut-elle le faire à moins qu’elle ne soit libérée de l’aliénation dans une économie de la fête ? L’art est né libre et se trouve partout enchaîné : de toute évidence, la «tâche révolutionnaire» de l’artiste consiste moins à faire de l’art qu’à libérer l’œuvre d’art.

En fait, il apparaît que si nous désirons travailler à la suppression-et-réalisation, nous devons (paradoxalement ?) ranimer cette vision romantique hautement dangereuse de l’artiste comme rebelle, comme créateur-destructeur — comme révolutionnaire occulte. Si la vie créative (comprenant la création de valeur) peut être appelée «liberté», alors l’artiste est un prophète (devin ou barde/voyant) de cette liberté — tout à fait comme le croyait Blake. Au moyen de la science hiéroglyphique, l’artiste incruste, code, englobe, dégage, exprime, fait signe. L’œuvre d’art comme séduction demande à être remise à sa place et séduite à son tour par la splendeur de chacun et de tous : elle demande la réciprocité. Pas la vie comme ART (ce serait une forme intolérable de dandysme), mais l’art comme vie.

Pour finir, peut-on faire quelque chose à propos de tout ça à l’intérieur du contexte de la galerie, du musée, de l’économie de la marchandise ? Y a-t-il un moyen d’éviter ou de subvertir le processus de récupération ? C’est possible. Premièrement parce que le monde des galeries a été tellement dévalué (en grande partie parce qu’il est chaque jour plus ennuyeux) et de ce fait tente désespérément n’importe quoi. Deuxièmement parce que l’œuvre d’art, envers et contre tout, conserve une touche de magie.

Si nous, artistes, sommes obligés (à cause de la pénurie, par exemple) de travailler à l’intérieur du monde des galeries, nous pouvons toujours nous demander comment au mieux «faire avancer la lutte» et faire de l’agit’prop vraiment spirituelle pour la cause du chaos créatif. NON PAS à travers un élitisme toujours-plus-arcanique, de toute évidence. NON PAS par un Réalisme Socialiste grossier et de l’art ouvertement «politique». NON PAS par la «transgression» du culte de la mort, toujours plus morbide et par un armageddonisme tendance. NON PAS par une hyperconformité ironique.

Il peut y avoir bien des stratégies possibles pour «emmerder de l’intérieur» le monde de l’Art — mais je ne peux penser qu’à une seule qui n’implique pas la destruction physique grossière. Tout simplement celle-ci : Toute œuvre d’art peut être faite de la manière la plus transparente possible selon les principes (à jamais révélés) de la poétique utopique et de la science hiéroglyphique.

Toute œuvre d’art serait une «machine à séduire» consciemment conçue ou un moteur magique destiné à éveiller de véritables désirs, la rage devant la répression de ces désirs, la croyance en la non-impossibilité de ces désirs. Certaines œuvres consisteraient en arrangements pour la réalisation de désirs, d’autres évoqueraient et articuleraient l’objet/sujet de désir, d’autres envelopperaient tout de mystère, d’autres encore se rendraient totalement translucides. L’œuvre d’art devrait détourner l’attention d’elle-même en tant qu’icone privilégiée ou fétiche ou chose désirable pour concentrer plutôt l’attention sur les énergies libératrices.

Les œuvres de certains «earth artists (13)» par exemple qui transforment le paysage (avec les gestes les plus simples et les plus appliqués) en compositions utopiques ou en pays des songes érotiques ; les œuvres de certains «artistes d’installation» dont les micro-réalités touchent à la mémoire, au désir, au jeu, à toutes les énergies de la rêverie de l’«imagination» de Bachelard et sa «psychanalyse de l’espace». L’art de ce genre peut être exposé ou présenté à l’intérieur du contexte du Monde de l’Art, dans des galeries ou des musées, même si son but et son effet est de dissoudre ces structures et de «s’échapper» dans la vie quotidienne, où il laisserait une trace de merveilleux et un goût de revenez-y.

Des stratégies semblables pourraient être élaborées pour d’autres formes d’art : les livres imprimés, la musique ou même le festival comme création collective. Dans chaque cas je crois que le travail le plus efficace peut être fait en dehors des institutions du discours esthétique et même comme attaques contre ces mêmes institutions. Quoi qu’il en soit nous devrions faire de notre accès au Monde de l’Art et à ses privilèges un avantage à utiliser comme rampe de lancement dans l’assaut contre sa propre exclusivité, son élitisme professionnel, son manque de pertinence, son ennui — et son pouvoir.

La tactique spécifique de cette stratégie insurrectionnelle reste entre les mains d’artistes individuels et dans la vertu ou le pouvoir de leurs créations. L’essentiel est une générosité insensée, un don trop vaste pour pouvoir être récupéré par aucune transaction de marchandise, une offrande libre en-deça et au-delà de toute estimation. L’œuvre d’art devient un virus d’excès, une incitation au désir utopique — un mécanisme sotériologique. Rien ne fait plus sens que les tentatives d’auto-destruction du Monde de l’Art. Le but cependant n’est pas de détruire l’espace de la créativité mais de l’ouvrir, pas de le dépeupler mais d’inviter «tout le monde» à l’intérieur. Nous ne voulons pas partir, nous voulons - enfin - arriver. Déclarer le Jubilé.

Hakim Bey

Le texte original en anglais se trouve ici : The palimpsest

La première partie du texte se trouve ici

Notes de traduction

(1) shimmy : danse jazz caractérisée par des secousses du corps des épaules vers le bas.

(2) PoMo : abréviation pour postmodernisme ou postmoderniste.

(3). natura naturata : «ce qui est en soi et conçu par soi, autrement dit les attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie.»
natura naturans : « tous les modes des attributs de Dieu, en tant qu’on les considère comme des choses qui sont en Dieu et ne peuvent sans Dieu, ni être, ni être conçues.» Spinoza, De Deo, scolie de la proposition 29

(4). Emblem Book : Livres d’emblèmes. C’est une collection d’images avec un texte. Dans un emblême, il y a un dialogue, une tension entre l’image et le mot. Les emblèmes ont souvent des thèmes allégoriques. Un livre d’emblèmes offre un type de lecture particulier. A la différence d’aujourd’hui, on ne s’attend pas à ce que l’œil se déplace rapidement de page en page. L’emblème est destiné à arrêter le sens, à mener à l’intérieur du texte, vers la richesse de ses associations. Un emblème, c’est quelque chose comme une énigme, un «hiéroglyphe» dans le vocabulaire Renaissant, quelque chose que bien des lecteurs considéraient comme une forme de langage naturel.

(5). Atlanta Fugiens ou Atalanta Fugiens ou Atalante fugitive ou nouveaux emblèmes chymiques des secrets de la nature. Traité d’emblèmes hermétiques de Michel Maier, imprimé à Oppenheim en 1617 puis en 1618, et comprenant, entre autres, cinquante fugues. M. Maier fut docteur en médecine, médecin particulier de l’empereur Rodolphe II, et Grand Maître de la fraternité des Rose-Croix.

(6). Hypnerotomachai Poliphili ou Le songe de Poliphile. Magnifique livre imprimé à Venise en 1496, puis traduit et imprimé à Paris en 1517. Le livre raconte les songes de Poliphile qui part à la recherche de son aimée, Polia, dans un monde onirique et ésotérique. Dans ce livre, chaque page a une beauté particulière, soit par les gravures et symboles, soit par la typographie.

(7). doreur d’images : en anglais, spin doctor. Porte parole employé pour donner une interprétation favorable d’événements dans les medias, en particulier au service d’un parti politique.

(8). memes : terme inventé par le biologiste évolutionniste Richard Dawkins en 1976 dans The Selfish Gene. Désigne une idée, une conduite, un style ou un usage qui se répand de personne en personne à l’intérieur d’une culture, de même qu’un gène dans un organisme biologique.

(9). spagyrique : terme inventé par Paracelse au 16ième siècle, de spao (séparer) et ageiro (réunir). L’alchismiste spagyrique, maître du Feu, doit séparer les trois principes, les purifier, puis les réunir pour en augmenter la valeur.

(10). Here comes everybody : ou HCE ou Earwicker, dans Finnegan’s Wake, de J. Joyce.

(11). coincidentia oppositorum : la coïncidence des contraires, développé en particulier par Nicolas de Cuse.

(12). sotériologique : désigne la fonction salvatrice ou rédemptrice. Terme théologique.

(13). earth artist : littéralement, artiste de la planète.
Ecrit par provisoire, à 01:17 dans la rubrique "Pour comprendre".



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