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Alexis Madrigal, Wired, 28 mai 2008
Un nouvelle étude publiée jeudi par la prestigieuse revue scientifique Nature décrit le pire scénario d’emballement de l’évolution du climat dans lequel la Terre pourrait perdre la totalité de ses glaces en l’espace d’une génération.
Si la température du globe continue d’augmenter, d’énormes quantités de méthane pourraient être libérées par les 10 000 gigatonnes de gaz gelé qui sont à l’heure actuelles emprisonnées dans les profondeurs des océans et le pergélisol. Le franchissement de ce seuil de basculement du climat aurait pour conséquence que le réchauffement de la planète serait alors bien pire et bien plus rapide que ce qu’envisagent aujourd’hui les prévisions des scientifiques.
Cette nouvelle étude suggère que c’est précisément ce type de processus libérant les réserves de méthane qui a provoqué un réchauffement rapide de la Terre il y a 635 millions d’années de cela, durant lequel un âge glaciaire a laissé place à une période de chaleur tropicale. Le principal auteur de l’étude indique que ce phénomène pourrait se reproduire, et rapidement. Il ne s’agirait pas d’une évolution sur des milliers ou des millions d’années, mais peut-être à l’échelle du siècle.
« C’est un une préoccupation majeure, car il est possible qu’un réchauffement de faible ampleur puisse libérer ce méthane piégé », déclare Martin Kennedy, qui est professeur à l’Université Californienne Riverside. « La libération de ces réserves de méthane pourrait réchauffer la Terre de dizaines de degrés Farenheit [1] , et ce mécanisme pourrait être très rapide, à l’échelle géologique. »
Le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 25 fois plus puissant que celui du dioxyde de carbone. Et ces réservoirs de gaz gelé sont deux fois plus importants en volume que les réserves de combustibles fossiles connues.
Les scénarios des évolutions futures du climat, comme ceux qui ont été élaborés par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur les Changements Climatiques, ressemblent souvent à des courbes régulières progressant du même pas que celle de l’élévation des niveaux de dioxyde de carbone. C’est le résultat de l’usage des modèles mathématiques linéaire qui sous-tendent ces graphiques. Mais M. Kennedy, tout comme d’autres géologues, tout en reconnaissant l’importance des gaz à effet de serre dus à de l’activité humaine, affirme que les modélisations ne peuvent rendre compte des changements climatiques très marqués qui se produisent en quelques décennies.
« Aucune de ces choses n’est linéaire. C’est du non-linéaire », constate M. Kennedy.
Le travail de M. Kennedy publié par Nature étudie la période de déglaciation rapide qui s’est déroulée voici 635 millions d’années, et s’efforce de déterminer quel a été le « déclencheur » à l’origine du réchauffement massif qui a eu lieu dans le monde entier.
Dans le scénario proposé par son étude, le méthane à l’état solide - emprisonné avec des molécules d’eau dans des formations cristallines nommées « clathrates » - a d’abord été décongelé aux latitudes des tropiques et a commencé à se répandre dans l’atmosphère. Le réchauffement induit par ce gaz a déclenché une cascade de déstabilisation des clathrates, remontant peu à peu vers les pôles, agissant comme un mécanisme de rétroaction produisant un emballement qui a rapidement transformé un climat glacial en période tropicale.
Kennedy a choisi d’étudier la période connue sous le nom de déglaciation Marinoan parce qu’il voit un parallèle entre cet événement lointain et l’augmentation rapide de température que connaît maintenant la Terre en raison du « forçage radiatif » induit par l’élévation des niveaux de gaz à effet de serre.
« Que va-t-il se passer si l’on double ou triple les niveaux de CO2 ? » s’interroge-t-il.
A l’heure actuelle, les clathrates sont présentes dans le pergélisol de la région Arctique et dans les fonds marins près des continents. Le professeur s’inquiète que la hausse des niveaux de CO2 puisse provoquer un réchauffement suffisant pour déstabiliser ces réservoirs de clathrates. Sur la base de son analyse des données géologiques, cela pourrait entraîner une évolution du climat plus rapide que ce que la plupart des scientifiques prévoient. Il serait alors difficile pour l’humanité d’y faire face.
« Si la Terre évolue vers un nouvel état, cela se déroulera très rapidement », avertit M. Kennedy.
D’autres géologues partagent également ses inquiétudes. Jim Kennett, un professeur de géologie et de paléobiologie à l’Université de Santa Barbara, déclare que la recherche des éléments déclencheurs des évolutions climatiques et des points de basculement est devenu le plus important problème scientifique de notre époque.
« Les travaux de Martin Kennedy sont très important et je pense qu’il est sur la bonne voie », déclare M. Kennett.
M. Kennett, comme M. Kennedy, fait valoir que la libération des clathrates de méthane est la seule explication possible pour le déclenchement de changements climatiques massifs intervenant en quelques décennies seulement.
Pour autant, tous les scientifiques n’admettent pas l’hypothèse selon laquelle le méthane gelé ferait peser une grave menace pour le climat. Larry Smith, un professeur au département des sciences de la terre et de l’espace de l’UCLA, déclare que des recherches antérieures avaient dissipées les craintes de voir les clathrates de méthane se déstabiliser et libérer leur méthane.
« Les conditions requises pour déstabiliser les clathrates ne semble pas réalistes dans les scénarios futurs probables, » observe M. Smith.
David Archer, professeur de sciences de la terre à l’Université de Chicago, a fait valoir l’an dernier dans une étude (Pdf) que la libération de méthane semble devoir être « régulière plutôt que de catastrophique » et se dérouler sur une échelle comparable à celle de la combustion de combustibles fossiles.
De nombreux scientifiques estiment que toute une gamme d’autres facteurs, comme les variations dans l’albédo (la réflectivité) de la Terre pourraient expliquer l’ampleur et la rapidité des changements climatiques qui se sont produits à travers l’histoire.
Déterminer laquelle parmi ces théories est pertinente pourrait avoir un impact majeur à la fois sur les priorités de recherche et les décisions des politiques. Si Kennedy a raison, la hausse des températures dans les latitudes septentrionales où se trouve le pergélisol serait un très mauvais signe pour le climat de la planète.
En effet, Larry Smith, expert dans ce domaine, note que les températures du pergélisol ne cessent de s’élever dans l’hémisphère Nord. Cela a conduit l’ONU à publier une mise en garde au début de l’année avertissant que les clathrates sont l’une des principales inconnues pour l’évolution du climat. Le mois dernier, des scientifiques Russes ont publié des données indiquant que la déstabilisation des hydrates est d’ores et déjà une réalité dans l’océan Arctique.
Cependant, l’absence de données fiables sur la quantité de méthane libérée dans l’atmosphère par le réchauffement du pergélisol et des fonds marins ne permet pas de produire les chiffres qui pousseraient les gouvernements à prendre conscience et à changer de cap.
« Les fuites de méthane du pergélisol, c’est quelque chose qui existe », rappelle M. Kennedy. « Le défi aujourd’hui, c’est que nous ne pouvons pas les mesurer, donc nous nous contentons de les ignorer allègrement. »
Sur le web :
Nature Snowball Earth termination by destabilization of equatorial permafrost methane clathrate
The equatorial palaeolatitude implies a highly volatile shelf permafrost pool that is an order of magnitude larger than that of the present day.
A pool of this size could have provided a massive biogeochemical feedback capable of triggering deglaciation and accounting for the global postglacial marine carbon and sulphur isotopic excursions, abrupt unidirectional warming, cap carbonate deposition, and a marine oxygen crisis.
Our findings suggest that methane released from low-latitude permafrost clathrates therefore acted as a trigger and/or strong positive feedback for deglaciation and warming.
Methane hydrate destabilization is increasingly suspected as an important positive feedback to climate change that coincides with critical boundaries in the geological record and may represent one particularly important mechanism active during conditions of strong climate forcing.
BBC : Methane rise points to wetlands (23/5/08)
Higher atmospheric levels of the greenhouse gas methane noted last year are probably related to emissions from wetlands, especially around the Arctic.
Rising levels in the Arctic could mean that some of the methane stored away in permafrost is being released, which would have major climatic implications.
Noaa suggested that 2007 had seen a global rise of about 0.5%.
Some stations around the Arctic showed rises of more than double that amount.
One is the station at Mount Zeppelin in Svalbard, north of Scandinavia.
A sustained release from Arctic regions or tropical wetlands could drive a feedback mechanism, whereby higher temperatures liberate more of the greenhouse gas which in turn forces temperatures still higher.
A particularly pertinent question is whether methane is being released from hydrates on the ocean floor.
These solids are formed from water and methane under high pressure, and may begin to give off methane as water temperatures rise.
The amount of the gas held in oceanic hydrates is thought to be larger than the Earth’s remaining reserves of natural gas.
In collaboration with other British institutions, Dr Fisher’s team will begin work this summer sampling water near hydrate deposits to look for indications of gas emerging.
Publication originale Wired, traduction Contre Info
Illustration : Réservoirs d’hydrates. Image USGS
[1] Ndt : 10 degrés Farenheit égalent 5,5°