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Le gouvernement français va-t-il enfin reconnaître la spécificité des vieux travailleurs immigrés maghrébins et africains ?
lu sur lerouetacoeurouvert : " A la suite de l’article paru ce jour dans le journal « Le Figaro » sous le titre : « Des conditions de retraite assouplies pour les travailleurs immigrés » notre association est amenée à réagir pour faire part de son étonnement sur cet effet d’annonce et nous nous interrogeons sur la pertinence de la mesure annoncée.Au contraire de ce que peut affirmer ce journal la question de «l’Allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse (ASFSV)» n’a pas de relation avec la retraite des anciens combattants coloniaux.
Si à la suite de lutte, dont les dernières en date se sont déroulées à Marseille, le gouvernement est aujourd’hui amené à prendre en compte cette dramatique question.
Il est nécessaire de rappeler : la raison d'être et la légitimité du travailleur immigré, c'est le travail, et sa présence ici n'est vécue que comme transitoire.
Son destin est le retour au pays à l'issue du cycle de travail. En ce sens la figure de l'immigré à la retraite, installé durablement ici, semble inconcevable. En réalité un véritable "paradoxe de l'immigration" est à l'œuvre. Loin de ne considérer l'immigré que comme une force de travail, le processus migratoire transforme l'ensemble de son existence. De provisoire, l'immigration se modifie progressivement en un processus d'installation durable. D'immigration de travail, les migrations deviennent des immigrations de peuplement.
Un passage à la retraite difficile
Il faut tout d'abord noter le caractère central de la question des ressources pour la population immigrée isolée dont une partie de la famille continue de résider au pays. Il est nécessaire non seulement de pouvoir se nourrir, se loger ici, mais aussi d'envoyer de l'argent au pays pour faire vivre la famille qui y réside. Plus symboliquement, on peut considérer l'argent envoyé au pays comme une forme de " rançon " de l'exil. C'est d'une certaine manière la raison de l'immigration et sa justification. Cette question trouve son acuité au moment du passage à la retraite.
Une population illettrée face à la complexité administrative - La grande majorité de cette population est illettrée et elle rencontre de ce fait des difficultés administratives. Elle nécessite un suivi régulier pour savoir les droits auxquels elle peut prétendre et pour l'aider à remplir les différentes formalités administratives auxquels sont assujettis ces droits (constitution du dossier de retraite, retour d'imprimés pour la CRAM, les impôts, la CAF, dossier d'aide médicale, etc..). L'absence de retour des imprimés dans les délais impartis entraîne la suppression des droits correspondants. Un nombre important de démarches est alors nécessaire pour rétablir le versement des prestations.
Des retraites souvent très faibles - Avant l'âge de la retraite, la paupérisation des isolés est liée aux phénomènes de précarisation d'une main d’œuvre vieillissante et usée, touchée de plein fouet par le chômage, le travail intermittent, les pensions d'invalidité. Sur ce point, nous voulons attirer l'attention sur la non-reconnaissance de la qualité de travailleur en tant qu'assuré social pour les étrangers en invalidité ou au chômage.
Ceci a pour conséquence pour les personnes concernées : de ne plus percevoir les allocations familiales pour les enfants mineurs à charge demeurés dans leur pays d'origine, de ne plus percevoir de remboursement des soins pour la famille demeurée au pays.
Les retraites sont souvent très faibles en raison : des salaires de base très faibles pour le calcul des retraites ; les difficultés de justifier des trimestres nécessaires pour percevoir une retraite à taux plein (en raison du travail non déclaré, de la difficile reconstitution de carrière ; la mauvaise couverture en terme de retraite complémentaire.
L’accès problématique au minimum vieillesse a été posé avec beaucoup de violence et de discrimination en 2005 par les services fiscaux marseillais avec la rétention de la feuille de non-imposition.
Nous notons à ce sujet que la Préfecture des Hauts-de-Seine et le fisc continuent à leur fournir les attestations dont ils ont besoin, sachant qu’ils résident principalement à l’étranger. C’est dire que l’opération discriminatoire marseillaise a bien un caractère politique grave !
Donc c'est notamment pour permettre à ces personnes d'atteindre le seuil du minimum vieillesse que dans les années 85 une action juridique ayant abouti en 1991 à l'arrêt "MAZARI" de la cour de cassation qui attribue à un ressortissant algérien le bénéfice du FNS. Depuis cette date, malgré l'obstination des caisses régionale d’assurance maladie, des centaines de jugements favorables ont été obtenus accordant le bénéfice de l'allocation supplémentaire ou de l'Allocation Adulte Handicapée à des ressortissants non communautaires. Une action élargie à l'ensemble du territoire a été menée par la suite par plusieurs associations.
La loi "RESEDA"du 11 Mai 1998 consacre cette action juridique menée par les associations en ouvrant le bénéfice de l'allocation supplémentaire (article L 816-1 du code de la sécurité sociale) et de l'allocation adulte handicapée (article L 821-9 du code de la sécurité publique) "aux personnes de nationalité étrangère titulaires d'un des titres de séjour ou documents justifiant la régularité de leur séjour en France". Au moment où l'on assiste au basculement d'une protection sociale "assurancielle" (financée par les revenus du travail) à une protection sociale fondée sur "la solidarité nationale" (financée par l'impôt), cette égalité des droits en matière de prestations non contributives est fondamentale. Mais l'application de ces mesures reste à faire pour l'ensemble des personnes concernées.
Nous nous heurtons dans cette application à la production des certificats de vie et de résidence du conjoint resté au pays, documents qui sont longs et difficile à obtenir, voire contestés par les caisses quand ils sont produits.
La question de la résidence principale et de la domiciliation pour les populations dans le va et vient - Pour l'application de l'allocation supplémentaire, nous rencontrons la question de la "résidence habituelle" des personnes.
En effet beaucoup de ces personnes sont dans le va et vient entre le pays d'origine et la France. Les prestations qui permettent d'accéder au minimum vieillesse ne sont pas "exportables".
Le délai de résidence en France demandé par les caisses (au minimum de six à huit mois), et strictement contrôlé, fait que beaucoup de personnes renoncent à bénéficier de ces prestations ou se voient supprimer le bénéfice de celles-ci.
Ces personnes restent donc en dessous du minimum vieillesse pendant leur séjour en France. En plus de cette question de résidence, la domiciliation même des personnes en France, pour percevoir l'allocation supplémentaire ou l'AAH dans ce pays, est soumise de plus en plus par les caisses à des contrôles : nécessité de produire un bail de location, des quittances d'électricité ou de gaz.
Les personnes dans le va et vient et dont le statut de locataire ou de résident est aléatoire ont du mal à produire les justificatifs demandés. Ces prestations peuvent être ainsi suspendues pour des périodes importantes.
Une forme précoce de vieillissement - Cette population immigrée a été confrontée, durant sa vie active, à des conditions de travail difficiles auxquelles se sont souvent ajoutées des conditions précaires de logement (meublé, cabane de chantier, habitat précaire ou insalubre).
Pour des populations dont le corps est le principal outil nous observons, pour une partie d'entre elles, des phénomènes d'usure précoce. Ces personnes "aux reins cassés" ont souvent connu dans leur existence une rupture causée, à un moment donné, par l'apparition puis le développement d'une maladie grave, souvent en rapport avec un accident de travail. Nous constatons dans ces cas que l'accident de travail n'est pas seulement un incident plus ou moins grave, mais crée une rupture, un traumatisme dans la vie du travailleur isolé. "L'accident apparaît alors rétrospectivement comme la première étape d'un processus de marginalisation et d'exclusion de la vie active. Dés lors, leur vie est régulée par la maladie et la dépendance par rapport aux soins.
Souvent en situation de contentieux pour faire reconnaître une invalidité partielle ou totale, ils vivent des situations précaires. L'accident ou la maladie bloque alors tout projet résidentiel. Le retour est interdit car les structures médicales de prise en charge n'existent pas toujours. Le foyer devient le seul refuge possible".
Cette population immigrée vieillissante est souvent logée au mieux en foyer ou en multilocation mais aussi souvent dans des logements précaires ou insalubres comme les hôtels meublés Marseillais. Ces modes de logement ne sont pas adaptés aux besoins nouveaux des personnes vieillissantes en perte d'autonomie : pas d'accessibilité pour les handicapés, difficultés de fournir les services rendus nécessaires (portage des repas, ménage, soins infirmiers). Avec l'aggravation des handicaps, on assiste souvent à la dissolution des liens de solidarité de voisinage. Ceux-ci entraînent souvent des formes de repli des personnes sur elles-mêmes. C'est alors l'hospitalisation en urgence qui est l'ultime recours à une situation qui s'est dégradée à l'insu de chacun.
La mise en place de lieux de vie pour les personnes isolées et vieillissantes
Entre l'accès, sinon impossible, en tout cas difficile dans les structures de personnes âgées et le vieillissement "sur pied" dans les foyers, il nous semble important de mettre en place des structures adaptées à l'accueil de ces populations. La mise en place de telles structures doit faire l'objet d'une concertation avec les résidents concernés des foyers. Ces structures peuvent être situées dans certains foyers au cours de leur réhabilitation, ou mieux, dans de petits ensembles bien situés sur un territoire communal.
L'objectif de ces structures, qui se rapprochent de formes de maintien à domicile mis en place par ailleurs, est d'offrir un mode d'habitat, à taille humaine, intégré dans un quartier et au milieu de populations d'origines sociales diverses, adapté pour pouvoir accueillir durablement des personnes pouvant présenter des handicaps physiques. Ces structures doivent offrir des coûts de redevance peu élevés afin d'être accessibles à des personnes de faibles revenus.
Cela doit être un élément d'appréciation primordial dans la mise en place de telles structures. Ces structures adaptées doivent permettre de lutter contre l'isolement de ces personnes en restaurant un mode de vie semi-communautaire où les activités quotidiennes (ménage, repas, échanges informels) sont le support du maintien d'une vie sociale et conviviale.
Enfin, et c'est un point essentiel, il est nécessaire de prévoir et d'assurer la coordination de l'intervention de services particuliers (soins infirmiers, ménage, préparation de repas).
Il ne s'agit pas de recréer une nouvelle fois des structures à part pour des personnes à part mais de mettre en place un réseau coordonné d'intervention des services de droit commun dans un habitat adapté aux besoins des personnes immigrées vieillissantes.
Aujourd’hui il y a besoin d’adapter sans discrimination notre réglementation et les pratiques administratives à la question du vieillissement des publics issus de l'immigration et notamment du Maghreb.
Le 9 mars 2005 notre association présentait publiquement une proposition ou projet de loi intitulé « droits des vieux travailleurs immigrés maghrébins ». Les notions de santé, retraite, logement, vieillesse et résidence sont au cœur de ce projet ou proposition de loi. Elle ou il concernait les vieux travailleurs immigrés maghrébins qui touchent les minima sociaux pour faire reconnaître législativement leur spécificité.
Notre association interpellait Monsieur le 1er Ministre, Messieurs les Ministres de l’Emploi et de la Cohésion Sociale et de la Santé et de la Solidarité, les groupes parlementaires de gauche.
Il est grand temps que justice soit rendue à ces vieux travailleurs maghrébins. C’est une lutte, un combat qui nous amine et que nous conduisons avec d’autres associations.
Nous souhaitons que dans les semaines à venir ce gouvernement présentera ces modifications législatives nécessaires, cela nous donne encore plus de volonté à agir ici et maintenant avec les intéressés.
Sur ce sujet notre association sera reçue à sa demande le Mardi 19 octobre à 11 heures par un membre du Cabinet de Monsieur Jean-Louis BORLOO, Ministre de l’Emploi et de la Cohésion Sociale ; à 14 heures par un membre du Cabinet de Monsieur Xavier BERTRAND, Ministre de la Santé et de la Solidarité.
Dans une période où la légitimité même des immigrations semble en jeu, il est nécessaire de prêter attention à tous ceux qui vieillissent en silence dans hôtels meublés, les foyers et ailleurs. Ils n'ont pas seulement construit ou reconstruit la France, ils sont la France dans toute sa diversité et sa richesse.
Il y a là un devoir de mémoire essentiel.