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Le capitalisme vit ses derniers moments (4 et 5/5 )

Lu sur Les cahiers d'Anne Archet : "Raison #4 : l'État fout l’camp, y'a plus d'profits. Contrairement aux idées reçues et à ce que la presse peut vous raconter, les capitalistes ne s’opposent pas à l’étatisme, bien au contraire. En fait, l’État est le meilleur ami du capitaliste – et le libre marché, son pire ennemi.Un capitaliste veut vendre ses produits afin de réaliser le maximum de profit possible et d'accumuler du capital. Quel est son plus grand adversaire dans la réalisation du profit maximum ? Ses concurrents, qui ont exactement le même objectif. Dans un marché parfaitement libre où l'information est parfaite, aucun vendeur ne peut réussir à réaliser un profit substantiel puisque chaque acheteur peut passer de vendeur en vendeur en cherchant le prix le plus bas, jusqu'à ce qu'il trouve celui qui accepte de vendre pour le prix de production plus une grosse cenne noire. Dans ces conditions, l’accumulation est impossible et le capitalisme impraticable.

Donc, la prochaine fois qu’un idéologue libertarien se lancera dans une tirade lyrique sur les bienfaits du marché, je vous donne la permission de vous foutre gentiment de sa gueule parce que le marché est l'ennemi du profit. Évidemment, tout capitaliste a besoin d’un marché pour vendre et ne veut pas que l’État l’empêche de maximiser ses profits. Mais ça ne veut pas dire qu'il souhaite que le marché soit entièrement libre. Il veut plutôt se positionner dans un marché où il sera privilégié par rapport à ses concurrents.

Et qui peut lui offrir un tel marché ? Seulement l'État, en créant des quasi-monopoles pour certains capitalistes triés sur le volet. Comment ? Par son système des brevets, qui permet à une entreprise de garder les droits d’exploitations d’un produit pendant certain nombre d'années. Par sa législation réglementaire, dont l’effet est de favoriser la création de quasi-monopoles, puisque les coûts de la réglementation sont plus faciles à supporter pour les grandes entreprises que pour celles de taille petite et moyenne – fragilisant ainsi des concurrents déjà marginaux. Par ses opérations de renflouement, où il accepte de couvrir les pertes des grandes entreprises afin de les maintenir en activité, au nom de la sauvegarde des emplois – ce qui transforme le marché libre transforme en un système de socialisation des pertes et de privatisation des profits. Par son pouvoir d’achat, surtout dans les domaines militaires, où la préférence va aux grandes firmes, considérées comme plus sûres et plus fiables. D’ailleurs, ce n’est pas innocemment que les activités de l’État dépassent systématiquement les prévisions budgétaires : surpayer les fournisseurs, c’est octroyer d'énormes marges de profit et favoriser le fonctionnement du capitalisme sur le territoire national.

« Mais la mondialisation ? » me direz-vous. En effet, n’est-ce pas le désir des capitalistes de créer un marché mondial libre, hors de portée du pouvoir juridique des États nationaux ? Évidemment, il est sans grand intérêt de disposer d'un monopole parfait au niveau national si la concurrence extérieure est trop sévère. Mais il ne faut pas oublier que ce que l’on nomme mondialisation est un processus négocié non pas par les entreprises capitalistes, mais par les États eux-mêmes – selon les termes des États puissants et au détriment des États des pays pauvres. En vérité, les mécanismes fondamentaux du capitalisme international n’ont guère changé depuis cinq cent ans : un État puissant exerce toujours des pressions politiques, économiques et même militaires pour forcer l’entrée des marchés des pays pauvres, ce qui permet à ses industries bien rodées d'éliminer les concurrents indigènes faibles. On aboutit au monopole de fait de l'industrie forte du pays puissant. Un État peut aussi préserver un monopole sur le marché mondial en interdisant la vente de technologies avancées et stratégiques à l'extérieur (c’est d’ailleurs en ce sens qu’on doit comprendre l’obsession des gouvernements à freiner « l’exode des cerveaux »).

Bref, Le capitalisme n'aurait pu ni voir le jour ni se développer sans un constant soutien des États. Le problème, c’est que l’État fort, pilier du capitalisme, s’effrite. Et c’est encore la faute des pouilleux et des crottés que nous sommes.

En Occident, après les révolutions américaine et française, les concepts de liberté individuelle et de souveraineté du peuple se sont graduellement normalisés. La situation devint potentiellement révolutionnaire, puisque le droit divin ou héréditaire ne suffisait plus pour justifier l’existence et l’action de l’État. Des idéologies politiques ont émergé de manière à contenir la population et ainsi limiter les dégâts, c’est-à-dire préserver l’État fort si vital au capitalisme. Diverses doctrines sont ainsi apparues : le conservatisme à droite, du libéralisme au centre, le socialisme à gauche. Vers le milieu du siècle, il s’est avéré que le libéralisme était l’idéologie la plus apte à répondre aux intérêts des capitalistes, si bien que le conservatisme et le socialisme sont devenus des avatars, des variantes du libéralisme, en acceptant la nécessité de diriger l’État dans le but de faciliter l’accumulation capitaliste en créant des conditions de quasi-monopole.

Ainsi, tous les discours politiques se sont partagés un thème récurrent de la modernité, le leitmotiv prométhéen du capitalisme : l’idée de progrès. Tant les libéraux que les conservateurs et les socialistes ont promis un avenir radieux pour tous et ont offert l'espérance d'une situation meilleure en échange d'une certaine patience. La gauche parlementaire, électoraliste et étatiste, qu’elle soit révolutionnaire ou réformiste, communiste, social-démocrate ou tiers-mondiste, a tenu en substance le même discours que les libéraux : « ayez confiance en nous, ayez confiance en nos experts, qui sauront gérer l’État pour orienter le progrès à votre avantage ».

Après la Première Guerre mondiale, les partis de la gauche adoptent tous une même stratégie en deux étapes, à savoir la prise du pouvoir étatique dans chaque État séparément, puis, dans un deuxième temps, la transformation du monde. La première étape fut un succès indéniable, puisque de 1945 et 1970, presque tous les gouvernements sont conquis par une version ou l’autre du socialisme étatiste. En simplifiant grossièrement, on peut dire que le tiers du monde (l'Est) voit les partis communistes au pouvoir, un autre tiers (le Sud) les mouvements de libération nationale et le dernier tiers (l'Ouest) les partis sociaux-démocrates au moins par alternance, mais dans une situation telle qu’ils étaient hégémoniques, puisque les partis conservateurs prônaient des programmes au contenu quasi social-démocrate.

Mais les partis de gauche n’ont pas livré la marchandise, n’ont pas tenu leurs promesses. L’écart entre les riches et les pauvres s’est aggravé, et les appareils d’État, loin de se démocratiser, sont restés entre les mains d’un élite agissant au profit d’une élite. Le mouvement spontané de contestation des années soixante, en plus d’être une protestation contre la politique des blocs de la guerre froide, fut plus fondamentalement une protestation contre la vieille gauche étatiste et ses promesses d’égalité économique et de démocratie accrue qui ne se sont jamais réalisées. C'est ainsi que la légitimité de l'État a commencé à s’éroder, la population ne croyant plus en la réalisation de changements fondamentaux.

Aujourd'hui, les populations ont tendance à reprendre en main les pouvoirs qui ont été historiquement transférés à l'État, avec, en premier lieu, la protection individuelle. Le phénomène est très visible aux États-Unis et il risque de se propager partout en Occident : la population a de moins en moins confiance en la police, avec pour conséquence une circulation d'armes individuelles, l'érection de véritables murs de protection là où vit la bourgeoisie, la constitution de véritables polices privées, le fait que les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles privées suite à l'insécurité et l’effondrement des écoles publiques. Avec la privatisation de la protection, la privatisation de l'éducation, privatisation des coûts médicaux, la privatisation des services publics, on en vient à se demander à quoi sert l'impôt payé à l'Etat… ! Les gouvernements procèdent à des réductions de l'impôt, et on se retrouve véritablement dans un engrenage fatal qui finira par vider l’État de toutes ses sources de légitimité.

Cette tendance aboutira inéluctablement au déclin, à la dérégulation de l'État avec le déclin relatif de ses pouvoirs. Cela ne va rien rapporter au capitaliste, la désagrégation de l'Etat rendant impossible l'imposition de véritables monopoles. Il faudra alors dire bye bye profits… et bye bye capitalisme.

Conclusion : « Le progrès ? Quel progrès ? »

Grâce à ma boule de cristal (fabriquée par des ouvrières sud-coréennes pour une salaire de misère), j’ai pu dégager quatre problèmes majeurs qui posent un défi si immense au capitalisme qu’il serait fort surprenant qu’il puisse en survivre. Les trois premiers problèmes entraînent une diminution radicale du taux de profit, alors que le quatrième, la désagrégation de l'État, rend très ardue, voire impossible la possibilité de contrarier les trois autres tendances.

Mais si le capitalisme meurt, que va-t-il se passer ? Quel ordre économique et social émergera pour le remplacer ? Personne ne peut le prévoir. Ni vous, ni moi, ni Marx, ni Milton Friedman, ni José Bové. Absolument rien ne peut garantir que la situation va s’améliorer. Et ceux qui affirment le contraire sont, pour la plupart, aveuglés par le grand mythe capitaliste du progrès.

L’idée de progrès naît à l’époque moderne au même moment où émergent les économies capitalistes. Cette idée a servi de justification à l’écrasement de l’opposition au développement de la marchandisation lors de la transition du féodalisme au capitalisme. L’idée de progrès a même servi à balayer les aspects les plus noirs du capitalisme en présentant ses bienfaits comme supérieurs à ses méfaits, parce qu’ils allaient dans le sens de la marche irréversible au progrès. Pour ma part, je suis convaincue qu’il est tout simplement faux d’affirmer que le capitalisme, comme système historique, a représenté un progrès par rapport aux autres systèmes antérieurs qu’il a détruit ou transformés. Choquant, non ? Pourtant…

On dit que le capitalisme a bouleversé les capacités physiques de l’humanité, notamment les pouvoirs technologiques à sa disposition. Le rendement de l’énergie humaine a été constamment augmenté en termes de produits résultants. Mais on ne dit pas dans quelle mesure cela a représenté une augmentation de l’énergie que l’humanité a consacré à la production, aussi bien à l’unité de temps de travail que sur la durée d’une vie humaine. En fait, tout porte à croire que le fardeau du monde n’ait pas été moins lourd sous le capitalisme historique que sous les régimes sociaux antérieurs.

On dit que le capitalisme a apporté non seulement un niveau de vie sans précédent, mais aussi une importante possibilité de choix de modes de vie pour les populations soumises à ce régime social. Mais on ne nous dit pas que cette évolution est valable pour une portion extrêmement limitée de la population humaine, essentiellement les classes moyennes et supérieures minoritaires des sociétés dites avancées d’Europe de l’ouest et d’Amérique du Nord.

Étudier l’histoire, c’est constater que le monde actuel n’est, de toute évidence, à peine plus libre ou plus égalitaire que le monde d’il y a mille ans. C’est constater que pour la proportion grandissante des populations mondiales qui vivent dans les zones rurales, ou dans les bidonvilles urbains, la situation est bien pire que celle de leurs ancêtres d’il y a cinq cents ans. Ils se nourrissent moins bien et ont une alimentation moins diversifiée. Leur espérance de vie après l’âge d’un an s’est à peine améliorée. La plupart d’entre eux travaillent un plus grand nombre d’heures pendant toute la durée de leur vie, pour un revenu total inférieur.

Et ce n’est pas tout. Le capitalisme a développé un carcan idéologique oppressif et humiliant qui n’avait jamais existé auparavant. Il a institutionnalisé la xénophobie pour la transformer en racisme, et le patriarcat pour le transformer en sexisme, tout ça pour mieux segmenter la force de travail, pour mieux reléguer les femmes à la sphère du travail improductif, et ainsi maximiser les profits.

Finalement, plus j’y pense, plus le capitalisme m’apparaît absurde. On y accumule du capital sans autre but… qu’une accumulation supplémentaire de capital. Un capitaliste ressemble à un rat albinos dans un pet shop, qui tourne dans sa roue de plus en plus vite dans la seule fin de courir encore plus vite. Évidemment, les privilégiés du capitalisme vivent très bien, mais même les grands bourgeois paient très cher en termes de temps consacré à acquérir les moyens financiers d’accéder aux objets de leurs jouissances.

Le capitalisme est absurde. Le capitalisme n’a jamais représenté un progrès. Comment alors croire que le système qui le remplacera après sa mort sera nécessairement meilleur, plus juste, porteur de plus de liberté ? Je le répète, seuls ceux qui ont été gavés par l’idéologie autojustificatrice du progrès sécrétée par le capitalisme peuvent le croire sincèrement. Et je ne pense pas qu’aux marxistes…

Personne ne peut prévoir ce qui succèdera au capitalisme. Cela dépendra de ce que feront les acteurs du monde. Pensez à l’Europe des XIVe et XVe siècles, alors que s’éteignait le système féodal. Pensez à la crise fondamentale qui ébranlait les assises fondamentales de ces sociétés : ses classes dirigeantes se détruisaient mutuellement à un rythme rapide, son système foncier et économique s’effondrait, le ciment idéologique que fournissait le catholicisme s’écaillait, des mouvements égalitaristes prenaient naissance dans le giron même de l’Église. Le système se décomposait de toutes parts. Une reconsolidation du système médiéval s’avérant impossible, la société européenne aurait très bien pu évoluer vers un système relativement égalitaire de petits producteurs, avec un laminage de l’aristocratie et une décentralisation importante des structures politiques.

Mais cette possibilité, alors bien réelle, devait consterner et effrayer les clases dirigeantes, surtout depuis qu’elles sentaient leur armure idéologique se désintégrer. Il fallait trouver de nouvelles institutions pour préserver l’essentiel : une société basé sur des liens de domination hiérarchique. Et c’est ce qui s’est produit. Vers le milieu du XVIIe siècle, les institutions fondamentales du capitalisme sont en place et déjà consolidées, les mouvements égalitaristes ont disparu, les couches dirigeantes ont de nouveau fermement en main le contrôle de la situation politique, et on peut même observer une continuité entre les familles qui composaient l’élite en 1450 et celles qui la composent en 1650. Personne ne s’est fait le porte-parole du projet que suggère cet enchaînement d’événements. Mais qui peut nier que l’établissement du capitalisme a renversé une évolution qui faisait frémir les classes dirigeantes, pour lui en substituer une qui correspondait beaucoup mieux à leurs intérêts ? C’est pour cette seule et unique raison que le capitalisme, tout absurde qu’il est, prend toute sa raison d’être.

Il n’est donc pas absurde de croire que les capitalistes et ceux qui jouissent d’une position privilégiée vont essayer de nous refaire le même coup, c'est à dire changer tout afin de ne rien changer… et nous offrir un modèle de société tout neuf qui ne sera pas capitaliste, mais malgré tout inégalitaire, hiérarchique et liberticide.

Les cinquante prochaines années seront difficiles pour nous tous. (Enfin, je parle pour ceux qui les vivront, parce qu’en ce qui me concerne, c’est plutôt mal parti.) Une période d'énorme insécurité personnelle, une période noire faite d'incertitudes et de chaos d'où naîtront un ou plusieurs nouveaux ordres d'une nature que l'on ne peut encore prévoir. Mais ce sera aussi une période où l’avenir sera ouvert, où tous celles et ceux qui croient en la liberté humaine auront la possibilité de lutter pour que l’issue soit porteuse de plus de justice et d’égalité pour tous.

Anne Archet

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1 et 2/5

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Ecrit par libertad, à 22:23 dans la rubrique "Pour comprendre".

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