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Lu sur Bellaciao : "Le 17 octobre 1961, alors qu’ils manifestent pacifiquement contre le couvre-feu imposé depuis une dizaine de jours aux "français musulmans d’Algérie", des centaines d’Algériens sont massacrés en plein Paris par les forces de police sur ordre du Préfet de l’époque, Maurice Papon. Alors que le bilan officiel fait état de deux morts, de nombreux témoins (dont des policiers en repentance), intellectuels, cinéastes ou historiens, après analyse des faits et recueils de témoignages, contredisent de façon cinglante le discours officiel : les décès et disparitions se comptent en centaines, les arrestations en milliers. C’est la plus grande rafle depuis celle du Vel d’hiv, et comme pour celles-ci, les bus de la RATP ont été réquisitionnés pour transporter les victimes vers les centres de rétentions où ils furent torturés(1)(2).
Après des décennies de censure étatique, il a fallu l’acharnement de quelques citoyens et le courage de deux archivistes (Brigittee Lainé et Philippe Grand), qui ont bravé tous les risques pour mettre au jour des documents accablants, pour obtenir une ébauche de reconnaissance officielle de ce crime d’état.
En 2001, sur décision de la municipalité de Paris, une plaque commémorative est posée sur le pont Saint-Michel, l’un des lieux d’où furent jetés dans la Seine des manifestants sévèrement amochés, évanouis ou déjà décédés. Quelque louable que soit l’initiative, elle ne traduit pas hélas l’ampleur de la répression, ni n’évoque l’idée de crime contre l’humanité ou la criante responsabilité de l’Etat français.. La cérémonie au cours de laquelle a été posée cette plaque fut au demeurant boudée par l’ensemble des partis politique français, hormis le front national dont une vingtaine de militants vinrent perturber la cérémonie, dans l’indifférence des forces de police, et sans sonner lieu à la moindre poursuite judiciaire. Comme s’ils jouissaient d’une certaine impunité dès lors qu’il s’agit de s’en prendre à des Maghrébins, en 1995, des manifestants du même parti avaient jeté le jeune marocain Brahim Bouarram dans la Seine où il fut noyé.
La non reconnaissance par l’Etat français du massacre du 17 octobre 1961 relève du même cynisme que celui opérant sans rupture depuis la pseudo-décolonisation en Afrique : soutien en sous-main de la sécession biafraise au Nigeria (1 million de morts) et massacres à grande échelle en pays bamiléké au Cameroun dans les années 60, complicité dans le génocide des Tutsi Rwandais en 1994(3) , soutien actif à la dictature algérienne... Les exemples où la France s’est déshonorée sont légion, à cette différence près que le théâtre des "opérations" était ce jour-là notre propre capitale.
L’Etat français en Algérie et ailleurs : Coloniser, exterminer...
L’examen minutieux des archives de la colonisation française a révélé de stupéfiantes découvertes. Lors des conflits coloniaux engagés par la France en Afrique du Nord et ailleurs, des méthodes éradicatrices ont été couramment employées : enfumades, massacres de prisonniers et de civils, razzias, destructions de cultures et de villages - De nombreuses mesures racistes et discriminatoires ont été élaborées puis appliquées au cours de la conquête et de la colonisation de l’Algérie.(4) Puis elles ont été étendues aux nouveaux territoires de l’empire tels que l’Indochine, la Nouvelle-Calédonie et l’Afrique Occidentale française. Quarante ans après le début de la colonisation en Algérie, près d’un tiers de la population avait été exterminée (plus de 800 000 victimes, souvent des femmes, des enfants et des viellards dont le seul tort est de n’avoir pas pu fuir devant les colonnes de l’Armée d’Afrique). La conquête puis la colonisation difficiles et meurtrières de l’Algérie doivent être considérées comme une sorte de vaste laboratoire au sein duquel des concepts - ceux de "races Inférieures", de "vie sans valeur" et d’"espace vital" , etc. - furent forgés. De même, on inaugure de nouvelles techniques repressives - l’internement administratif et la responsabilité collective notamment - qui, avec le Code de l’indigénat adopté en 1881, firent de l’Etat colonial un état d’exeption permanent n’ayant rien à envier au régime de l’Apartheid. Plus tard, l’internement fut même importé en métropole pour s’appliquer, à la fin des années 1930, aux étrangers d’abord, aux communistes ensuite puis aux Juifs après l’arrivée de Pétain au pouvoir.
La guerre de décolonisation
La deuixième Guerre d’algérie, entre 1954 et 1962, a aussi fourni d’innombrables atrocités : en témoignent les 500 000 victimes et l’institutionnalisation de la torture. Pour la première fois ont été appliquées les fameuses méthodes de la guerre révolutionnaire" élaborées après la défaite de Dien Bien Phu, faites de terreur, de "rouleau compresseur", de guerre psychologique, de commandos de supplétifs chargés de semer l’horreur au sein des populations civiles, de torture, d’intoxication médiatique et de coups tordus en tous genres, certains montrés dans le film maintes fois censuré de Gillo Pontecorvo, La bataille d’Alger. Ces méthodes seront par la suite enseignées par les militaires français dans le monde entier, notamment aux USA, dans les dictatures latino-américaines ainsi qu’au Rwanda(5) et servent aujourd’hui même d’exemples pour l’armée d’invasion en Irak.
La Françalgérie
Au lendemain de la guerre d’indépendance, le pouvoir en Algérie se trouve rapidement confisué par deux entités complémentaires : la Sécurité militaire (SM devenue DRS) et une junte d’officiers (nombre d’entre eux sont issus de l’armée française et n’ont que très tardivement rejoint le camp des indépendantistes - certains en 1962 même -, à temps pour pénétrer en Algérie telle une armée de colonisation pour fonder une dictature qui sévit encore aujourd’hui). Ce binôme contrôle le pays en sous-main pendant trois décennies avant de prendre le pouvoir ouvertement et par la force en 1992, prétextant empêcher le basculement du pays dans la barbarie suite au succès électoral des islamistes, Ce sont alors les mêmes méthodes héritées du système colonial qui servirent pour plonger le pays dans dans une violence inouïe, durant près d’une décennie : escadrons de la mort, faux maquis, faux barrages, commandos d’égorgeurs encadrés par des militaires, liquidations ciblées d’intellectuels, de journalistes et d’opposants politiques - dont le président Mohamed Boudiaf en juin 1992, lorsqu’il entreprit d’échapper à la tutelle des généraux pour fonder une démocratie -, attentats contre les civils, éliminations d’étrangers, massacres collectifs (plus de 400 en une nuit à Raïs, plus de 800 à Relizane), le tout sur fond d’intoxication médiatique incriminant quasi exclusivement le "terrorisme islamiste". Sous couvert de guerre civile, c’est une guerre contre les civils qui a été menée, d’ "éradication", qui fit quelque 200 000 morts, près de 20 000 disparus, le déplacement interne d’un million et demi d’individus, l’exode vers l’étranger des forces vives du pays et le démentèlement méthodique de la sociéte civile et du tissu économique(6)(7)(8).
Pour conserver les milliards de dollars du pillage du pétrolé et préserver un système de corruption organisé autour de commissions et rétrocommissions prélevées sur les contrats commerciaux du pays (avec notamment la France, premier partenaire extérieur), la junte mafieuse ne recule devant rien. Pour faire régner la terreur et fair etaire les revendications, elle instrumentalise des Groupes islamiques armés et crée même de vrai-faux GIA pour continuer à bénéficier de l’aide française et américaine contre le "terrorisme". Il est avéré que cette manipulation de la violence islamique était connue de la France et notamment à la DST liée depuis toujours à la SM, y compris lorsque le GIA a frappé Paris en 1995.
C’est aussi en France que sont liquidés les minces espoirs de constitution d’une commission d’enquête internationale sur les manipulations de la violence par le pouvoir, après infiltration et détournements des comités de soutien à l’Algérie. Le gouvernement français a finalement conclu, après un voyage de Jack Lang sur place, à l’inutilité d’une telle commission. L’état français continu de soutenir de régime des généraux, sans jamais mettre en doute sa facade "démocratique" et encore moins s’attaquer à ses dérives mafieuses (aux multiples bénéficiaires "souterrains" de part et d’autre de la métirannée).
Discrimination et racisme en France(9)
Politique criminelle de logement : les cruels incendies à Paris ont montré l’aspect criminel d’une politique de logement qui touche de plein fouet les migrants. Forts d’arguments mensongers, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que des expulsions médiatiques de squats habités par des personnes en instance de relogement.
Discrimination à l’embauche : un rapport officiel (le rapport Fauroux-Juillet 2005), dénonce une fois de plus le racisme dans le monde du travail. Un autre rapport celui de la CNDS en 2004 dénonce le racisme dans la police.
Contrôles au facies et violences policières : l’impunité des policiers assassins, auteurs de crimes que nos médias nomment "bavures policières", l’impunité de nos "représentants" politiques qui qualifient publiquement de "sauvageons" ou veulent "nettoyer au karcher" la jeunesse de notre pays, ne laissent guère entendre d’ambiguïté sur la cohérence et la continuité qui unissent le passé dégoûtant au présent provoquant "Pourquoi me tutoyer vous ?" interroge dans son livre Alex Ursulet, avocat parisien d’origine martiniquaise, humilié et passé à tabac par trois policiers.
La loi du 23 février 2005, véritable provocation unjurieuse, impose dans les écoles publiques le mensonge de la seule existence d’aspects "positifs" de la colonisation (du jamais vu dans une démocratie !).
Répression et expulsions des sans-papiers : selon le réseau Education sans frontières, la liste des enfants et adolescents arrêtés, mis en rétention, menacés d’expulsion, expulsés, ne cesse de s’allonger ( L’Huma du 16/09). La Cimade a même relevé le cas d’un bébé d’un mois placé dans un centre de rétention. Alors que l’obtention de l’Aide médicale de l’Etat devient un parcours du combattant, le gouvernement atteint des sommets quand il fait tout pour expulser une rescapée du génocide des Tutsi rwandais, infectée par le VIH. Enfin, la récente tentative du ministre François Baroin de remette en cause le droit du sol en outre-mer montre la volonté d’en finir avec les principes fondateurs de la République.
En conclusion : faute d’avoir assumé ce passé colonial, d’en avoir tiré les leçons, nous voyons donc ressurgir aujourd’hui ses relents sous toutes ses formes, dont la population française "de souche" n’est pas indemme, comme l’attestent les lois liberticides que Nicolas Sarkozy s’apprête à promulguer. Cette résurgence de la mise sous tutelle des peuples apparaît également dans le scandaleux "traité d’amitié" que s’apprête à signer Jacques Chirac avec Abdelaziz Bouteflika - Le premier offrant au second un "pardon" frelaté comme exploit qu’il exibera pour asservir davantage le peuple algérien ; Un traité qui méprise ce dernier, réduit à un "indigénat" renouvelé et qui consacre le triomphe d’un Etat corrompu, criminel.
Brel la mobilisation citoyenne n’a jamais été aussi vitale, Le choix aujourd’hui est simple : soutenir de façon active toutes les initiatives d’opposition démocratique dans les anciennes colonies, ou subir l’importation des pratiques dictatoriales que l’Etat français y a essaimées depuis une demi-siècle de fausses décolonisations. C’est la survie de la démocratie sur toute la planète qui est en jeu...
A lire :
(1) Olivier le Cour Grandmaison, Le 17 octobre 1961 : Un crime d’état à Paris (collectif, la Dispute, 2001)
(2) Jean Luc Einaudi, Octobre 1961 (Fayard, 2001)
(3) François Xavier Verschave, la Françafrique (Sotck, 1998)
(4) Olivier le Cour Grandmaison, Coloniser, Exterminer, sur la guerre et l’etat colonial (Fayard, 2005)
(5) Marie Monique Robin, Escadrons de la Mort, l’ecole française (La découverte, 2004)
(6) Lounis Aggoun et Jean Baptiste Rivoire, Françalgerie, crimes et mensonges d’etats (La découverte, 2004)
(7) Nesroulah Yous, Qui a tué à Bentalha ? (La découverte, 2000)
(8) Habib Souaïda, La sale guerre (Gallimard, 2001)
(9) Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, La fracture coloniale ( La découverte, 2005)
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anonyme article:44229
le 18/10/2005 à 00h48