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PAS BESOIN d'être un météorologue confirmé pour avoir prévu que, sitôt passé le clapotis des élections législatives, une tempête durable (osons l'oxymore) allait secouer l'Hexagone. L'ironie veut que ce vent furieux né dans les officines du patronat, pour être porté ensuite par le troll de l'Elysée, soit affublé du doux vocable de « concertation ».
Conséquence : depuis quelques jours les pénitents (lire les pontes des organisations syndicales de salariés) s'assoient autour de la même table que les représentants du patronat et de leurs mandataires travestis en ministres.
Là, les grands prêtres du capital leur soufflent incontinent les paroles suivantes : nous voulons faire trimer davantage les pue-la-sueur pour moins de ronds et les licencier quand cela nous chantera. Mais comme nous sommes des esthètes de la langue française, nous appelons ça « la modernisation du marché du travail » et comme le sens de l'humour ne nous fait pas défaut non plus, le bréviaire que vous devez réciter les yeux baissés s'intitule « la réhabilitation du dialogue social ».
A ce moment-là, Thibault, Chérèque, Mailly et consorts affichent des mines consternées. Il faut dire que ces faux naïfs s'accrochaient au concept fumeux du « grain à moudre », c'est-à-dire à l'idée que malgré leur gloutonnerie Parisot et les morfales du CAC 40 leur laisseraient quelques restes d'après-banquet. Au cas (fort improbable) où la leçon ne serait pas entièrement retenue, le joggeur qui court en canard éructe dans une profusion de « JE » que l'intégralité des décisions prises par le conseil d'administration qu'il représente seront appliquées quoi qu'il arrive. Et oui César sait qu'il peut s'appuyer sur une Assemblée majoritairement à sa dévotion pour légiférer dans le sens voulu par les possédants. À ce spectacle, le leader du principal parti d'opposition en chambre, c'est-à-dire le dénommé François Hollande, serre ses petits poings et indique que la gauche combattra résolument tous les projets qu'elle jugera néfastes pour le pays… tout en ayant pris soin de déclarer il y a quelques jours : « Les urnes ont parlé, il faut respecter leur verdict », manière polie de nous enjoindre de faire le dos rond en attendant une prochaine (et hypothétique ?) alternance.
Soyons clairs, patronat et droite confondus poursuivent un objectif majeur : mater la classe ouvrière de ce pays. Pour réaliser le rêve qui les habite et anime en permanence ils se sont dotés d'une stratégie et d'outils terriblement efficaces. Ainsi, sur le plan idéologique par exemple, ils ont instillé l'idée dans un grand nombre de cerveaux, que pour gagner plus il faut travailler plus. La gauche invertébrée a objectivement concouru à la diffusion de ces métastases en répétant à satiété ses couplets sur « la nécessité de réconcilier la valeur travail et l'entreprise ».
Par un savant tour de passe-passe, la contradiction majeure du capital et du travail a été expurgée du débat ; bien pire, des leurres ont été agités sous nos yeux pour duper les travailleurs et les dresser les uns contre les autres, ainsi de la construction et de l'utilisation massive de cette image nauséeuse présentant d'un côté « ceux qui se lèvent tôt » et de l'autre « les assistés », ou bien encore de la sempiternelle stigmatisation des fonctionnaires précédée d'un sourire entendu signifiant « feignants ».
Stratégiquement le but recherché par les possédants est simple : modifier les relations de travail dans les entreprises d'une manière pérenne. Comment atteindre cet objectif ? En châtrant le droit de grève, quitte à maquiller cette volonté féroce sous les oripeaux du « service minimum » lequel viserait à sauvegarder les intérêts des usagers !
Pour mémoire observons qu'à la SNCF seulement 3 % des trains supprimés ou en retard sont imputables à des grèves. Bref, le foutage de gueule pour dissimuler la volonté de casser les reins des cheminots bat son plein, étant entendu que, si d'aventure patronat et gouvernement arrivaient à leurs fins dans le secteur des transports, dans un second temps l'ensemble des salariés des autres entreprises (privée et publiques) serait mis au pas.
Une fois le droit de grève transformé en simple chiffon de papier, cette plante vénéneuse qu'est le CNE se transformerait en « contrat unique de travail ». Faisons confiance aux promoteurs de cette trouvaille (patronat et syndicats confondus) pour nous vanter les charmes de la chose. Les premiers pouvant licencier à leur guise (la « séparabilité réciproque » comme dit Parisot), les seconds faisant l'article sur la « sécurisation des parcours professionnels ».
Exit alors des droits sociaux des salariés, en ce qu'ils offrent une relative protection d'ensemble via les conventions collectives par exemple. Le droit social, devenu « individuel », le XXIe siècle serait rattrapé par le livret du travail du XIXe.
Non nous ne noircissons pas le tableau à dessein, d'ailleurs l'actualité en cours en témoigne amplement. Le César dopé aux amphétamines du pouvoir tonne ici, fait les yeux doux là, ouvre des fronts multiples, ralentit ici pour mieux accélérer ailleurs. En clair, tactiquement il use et combine de subterfuges tantôt grossiers, tantôt élaborés ; « aller vite et fort » est son credo, leitmotiv qu'il faut lire en « démolir vite et définitivement toute opposition à l'ordre capitaliste ».
Patronat et gouvernement ont déclenché une tempête pour mettre à genoux les travailleurs, mais n'oublions pas que la rue est capable de se transformer en ouragan pour balayer les exploiteurs et tous les multiples larbins à leur service.
S. C.
Monde libertaire # 1484 du 28 juin au 11 juillet 2007