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Je ne vous apprendrai pas que la pérennité de notre système économique et social est principalement basé sur la mobilité des capitaux, des personnes et des marchandises, donc sur les flux quotidiens, hebdomadaires ou occasionnels du domicile au site de l’activité
professionnelle, du domicile à la zone commerciale, du domicile aux lieux de villégiature ou de loisir, du pays producteur au pays consommateur, de l’entrepôt au distributeur, de la spéculation d’ici à la banque de là.
Des
millions d’emplois dématérialisés pourraient sans problème technique
être exercés depuis le lieu de vie de l’employé (au sens large,
encadrement compris), les lotissements résidentiels pourraient très
bien être construits à proximité immédiate des bassins d’emploi comme
au temps des corons, les citoyens incités à demeurer chez eux ou à
proximité le week-end en installant partout à leur disposition des
bases de loisirs aux tarifs accessibles au plus grand nombre, les
vacances à la mer et à la montagne être ringardisées plutôt que
valorisées en insistant sur les contraintes physiques, morales et
surtout financières qu’elles impliquent plutôt que sur les rares
avantages qu’il y a à se baigner dans un bouillon de culture surveillé
par un CRS en slip ou à dévaler les pentes enneigées au canon en
compagnie d’une foule plus ou moins empotée digne du métro parisien aux
heures de pointe.
En
bannissant l’exotisme et le superflu, la plupart des biens de
consommation courante pourraient être produits dans l’environ immédiat
des bassins de population au sein d’un maillage démographique
complètement redistribué par l’abandon de la centralisation liée à des
concentrations absurdes en termes de gaspillage énergétique et
écologique.
Malheureusement,
dans ces conditions, perturbant pour le coup le seul flux jusque là pas
encore touché par la restructuration, celui des capitaux, c’est des
pans entiers de l’économie qui s’effondreraient : la construction
routière, autoroutière et ferroviaire, véritable manne pour le BTP,
l’érection de milliers d’hectares de bureaux, la spéculation
immobilière, les transports individuels et collectifs, l’automobile, la
production d’énergie, « l’or bleu » des bords de mer, « l’or blanc »
des massifs montagneux, l’hôtellerie, la restauration et leur ange
tutélaire à tous, le tourisme, les sites commerciaux excentrés, les
aéroports géants, etc...
Et
c’est tout un ordre social qui se trouverait redéfini, avec le
déconditionnement d’individus exemptés de transhumer matin, soir et fin
de semaine comme troupeaux d’ovins, plus soumis à une chefaillerie
volontiers harcelante dont l’éloignement ferait apparaître le
parasitisme ontologique, obligés de penser différemment leur rapport au
monde et de définir personnellement leurs véritables désirs (est-ce que
je tiens vraiment à m’emmerder sur la plage cet été ? à visiter
l’horreur kitsch du Mont-Saint- Michel ? à manger une immonde fondue
hors de prix au « Relais des cimes » ? est-ce que j’en ai pas marre
des matchs de foot ?).
Vaste
programme dont aucune éminence des pouvoirs économique et politique ne
veut entendre parler, qui signerait sinon leur fin du moins l’exigence
d’une profonde et douloureuse reconversion, même pas les Verts qui
bondissent de joie lorsque le carburant augmente au point de clouer le
prolo chez lui, mais qui se gardent bien pour autant de lui indiquer
l’alternative.