Quand on parle du rapport des US avec le Pakistan, souvenez-vous d'une chose : c'est une histoire de pétrole.
La tiédeur de la réaction de l'administration Bush au régime dictatorial du président pakistanais Musharraf s'explique par les problèmes logistiques de l'armée américaine en Afghanistan. Sans la coopération du gouvernement Musharraf, les 24000 soldats US qui participent à l'occupation de l'Afghanistan se retrouveraient à cours de carburant en quelques jours.L'armée US brûle couramment 2,2 milliards de litres (575000 gallons) de carburant par jour en Afghanistan. A peu près 80% de ce carburant provient de raffineries au Pakistan. Sans le soutien de Musharraf et de l'armée pakistanaise, les forces armées US en Afghanistan ne pourraient se fournir qu'en un seul endroit, après un voyage précaire de 1600 km du nord de l'Afghanistan, depuis les raffineries de Bakou, en Azerbaidjan et de Turkmenbashi, au Turkménistan.
La vulnérabilité US en carburant a été mise en évidence l'année dernière lors d'une conférence sponsorisée par le 'Defense Energy Support Center', l'agence qui achète le carburant et s'occupe de sa livraison pour le Département de la Défense. A l'occasion d'une réunion d'information sur la gestion du carburant au Pakistan et en Afghanistan, le colonel Dan Jennings, qui s'est occupé des livraisons de carburant en Afghanistan et au sud de l'Irak, a affirmé à quelque 75 personnes : « c'est l'accès de carburant pour les opérations en Afghanistan qui m'empêchent de dormir, la nuit ».
En face d'une carte du pays, Jennings a raconté que l'agence faisait transporter chaque jour par camion des milliers de tonnes de carburant pour avion, et que quelquefois les camions mettaient un mois aller et retour depuis leur lieu de chargement au Pakistan. Toujours d'après Jennings, il arrivait que l'armée US ait jusqu'à 20 millions de carburant en transit à un moment donné entre le Pakistan et l'Afghanistan. En plus du simple volume impliqué, Jennings devait aussi géré la fauche, les accidents, les grèves de chauffeur et les barrières culturelles. « Il est arrivé que des camions ne soient à destination que trois mois après leur chargement ».
Malgré ces problèmes, Jennings, toujours enthousiaste – en particulier sur le sujet des livraisons de carburant au Pakistan et afghanistan, a déclaré : « L'armée est là encore pour longtemps. Les choses changent dans la région. Une vraie aubaine ».
C'est peut être vrai, mais Jennings a aussi remarqué que la ligne logistique du carburant entre l'Azerbaidjan et le Turkménistan est pourtant très précaire. Depuis la raffinerie de Bakou, le carburant voyage par voie ferrée pour être chargé sur des barges et traverser la mer Caspienne. Quand il arrive au Turkménistan, il fait un détour en train par l'Ouzbékistan avant d'atteindre la frontière afghane où il est transbordé sur des camions.
Le long trajet par la mer Caspienne rend plus évidente l'importance de l'approvisionnement pakistanais. Dès le milieu de l'année 2006, la capacité d'entreposage totale du carburant pour les bases aériennes de Kaboul et de Bagram était déjà d'environ 13 millions de litres. Mais, même si une société travaillant pour l'armée US construit en ce moment un autre lieu de stockage de 13 millions de litres à la base de Bagram, si les robinets pakistanais étaient fermés, les forces américaines pourraient se retrouver à sec dans les quinze jours.
Greg Wilcox, un officier retraité de l'armée US qui a beaucoup écrit sur les tactiques et opérations militaires affirme que si le carburant du Pakistan n'arrivait plus, les américains devraient en transporter par voie aérienne jusqu'en Afghanistan et cela, pense t-il serait « mission impossible ». Wilcox m'a dit qu'en ce qui concerne le Pakistan, « nous n'avons pas le choix. On s'est fait virer de l'Ouzbékistan et donc nous y avons plus de base. On ne peut pas survivre dans la région sans Musharraf. Nous dépendons de lui, de toutes façons ».
En bref, ne vous attendez pas à des discours musclés de l'administration Bush en ce qui concerne le Pakistan. De sa disponibilité en carburant dépendent des milliers de vies américaines.
Traduction par
Borogove d'un texte en anglais paru sur :
http://www.counterpunch.org/bryce11132007.html