La laïcité pour quoi faire ?
Le centenaire de la loi de 1905 est pour certain l’occasion de la remettre en cause. Il est donc nécessaire pour nous d’examiner les tenants et aboutissants de ce « toilettage » promis par Sarkozy, lequel parle plutôt de nettoyage lorsqu’il s’agit des cités… Les religieux méritent probablement plus d’attention que les habitants des banlieues…
Le candidat populiste n’est pas le seul a vouloir remettre en cause la laïcité. On trouve aussi dans ce combat la gauche caviar et désormais une partie de la « gauche de la gauche » à travers son soutien à ceux qui se font appeler les « indigènes de la République ».
La laïcité n’est pas plus anarchiste qu’elle n’est de droite ou de gauche. On pourrait plutôt l’apparenter à un pacte de cohabitation. Ceux qui la défende se disent généralement républicains. Disons tout de suite que nous ne croyons pas défendable un concept qui promeut de la fameuse devise « Liberté, égalité, Fraternité », laquelle apparaît comme un attrape-nigauds. En vérité la République est toujours revendiquée dans un sens proche, voire très proche de celui de nation, autre concept pour le moins douteux, porteur de chauvinisme, pour ne pas dire de xénophobie, et invariablement jacobin. On peut aussi trouver des républicains pour lesquels la République est garante de la démocratie. Il y a là aussi bien des doutes : la démocratie a déjà vu des dérives totalitaires – cela s’est vu en France, sous Vichy - et aujourd’hui même, le décret d’état d’urgence montre bien qu’une dérive est toujours possible. Si la République ne nous inspire pas confiance, et c’est un euphémisme, il reste que la loi de 1905, dit en particulier dans son article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Aujourd’hui, cet article essentiel de la loi est régulièrement violé et détourné par l’Etat.
Une définition intéressante de la laïcité est donnée par Catherine Kintzler : « La laïcité n’est ni un contrat, ni un courant de pensée au sens ordinaire du terme, ni une « exception culturelle ». C’est un concept philosophique qui, à la différence de l’idée de tolérance, n’a pas pour objet de faire coexister les libertés telles qu’elles sont dans une société donnée, mais de construire un espace a priori qui soit la condition de possibilité d’une telle coexistence. » (1) On sait bien que le rôle joué par les religions dans tous les conflits. Il est clair qu’on ne peux pas faire confiance aux religions pour avoir la paix : sinon, ça se saurait ! En conséquence, une garantie de paix est l’établissement d’une valeur supérieure aux religions, subordonnant celles-ci. Cette définition s’oppose à celle qui est en vigueur depuis plusieurs années – la « laïcité ouverte » - dans tous les grands médias et défendue par les derniers gouvernements (gauche et droite), laquelle désigne la laïcité comme le lieu où toutes les religions sont tolérées et peuvent s’exprimer librement. Nous pensons au contraire que la tolérance des religions dans la laïcité signifie leur droit à faire partie uniquement du domaine privé. Les anarchistes peuvent accepter la liberté de croyance, ils persistent à penser que la soumission à un dogme religieux est un abandon de libertés individuelles mais aussi collectives car la promesse d’un paradis post mortem ne nous intéresse pas et ne nous console pas de la misère et de toutes les injustices ici présentes. On sait bien le rôle néfaste de toutes les religions qui préconisent toujours la charité – et donc le maintien dans la survie – plutôt que la révolution sociale. Notre combat laïque doit donc aller dans ce sens qui consiste à repousser les religions partout où elles s’immiscent.
La hiérarchie catholique a dit à plusieurs reprises ses réticences à voir évoluer la loi de 1905. C’est facilement compréhensible, par pur opportunisme et probablement la mort dans l’âme, puisque toute révision aboutirait pour elle à voir donner davantage de place à ce qu’on pourrait appeler la concurrence. En effet, l’enjeu actuel d’une révision de la loi serait essentiellement de favoriser la religion musulmane. La secte catholique, quant à elle, s’est bien adaptée depuis un siècle, et agit partout elle le peut pour influer dans tous les domaines de la vie. L’influence cléricale se fait sentir en de nombreux domaines : syndicalisme, lois, bioéthique… et finalement la laïcité est réduite à bien peu de choses. Elle a même été gravement écornée en 1992 par les accords Lang-Cloupet qui attribuent de l’argent public à l’enseignement privé (en quasi totalité catholique), en l’occurrence 6 886 millions d’euros pour 2005.
A propos du « toilettage »…
Le ministre de l’Intérieur et des cultes a pris l’option d’une sorte d’intégration forcée des musulmans. Si Sarkozy a paru à beaucoup comme un pompier pyromane à l’occasion des émeutes des banlieues, il avait déjà montré un tel sens civique en ayant tout fait pour la constitution du CFCM (Conseil français du culte musulman). Même si celui-ci rassemble des organisations qui ne s’aiment pas, il leur donne un pouvoir inédit, et tout particulièrement à l’une d’entre elles, l’UOIF.
La mise en place du CFCM part d’une volonté d’organiser un « islam à la française », avec des dirigeants élus par les musulmans, avec des barbus parmi les pires, même si certains se taillent désormais la barbe et portent la cravate, ils sont issus des Frères musulmans, secte extrémiste. Ce sont ceux-là même qui ont organisé nombre de provocations (invitant les caméras de télévision) avec des jeunes filles voilées à l’entrée de lycées.
Si la volonté de Sarkozy est appliquée, tous les contribuables paieront leur part des prochaines mosquées qui seront construites et où seront professées la tolérance mais aussi éventuellement la « djihad », le mépris des femmes et la soumission. On trouve tout et son contraire dans le Coran, ce qui permet tous les usages, y compris les pires… On peut également avoir d’autres soupçons : on se souvient que, ministre du Budget, Sarkozy avait reçu un acteur américain bien connu pour son appartenance à l’église de scientologie, actuellement considérée comme secte en France mais comme religion aux Etats-Unis. Et nous savons depuis longtemps que les religions sont des sectes qui ont réussi. Toiletter la loi serait lui retirer son principal intérêt, lequel est déjà attaqué comme ce fut le cas avec une subvention d’Etat à la construction de la cathédrale d’Evry au prétexte d’y financer un musée. Il s’agirait donc d’en finir avec l’hypocrisie… Et pourquoi pas plutôt entraver l’obscurantisme ? Les mosquées clandestines sont-elles vraiment plus dangereuses que les autres ou bien est-ce la misère et l’absence d’espoir qui font de la religion un refuge ?
A propos des « indigènes »…
Il y a quelques mois paraissait un manifeste intitulé « Nous sommes les indigènes de la République !... » Dénonçant les discriminations dont sont victimes les Français d’origines étrangères, il affirmait que l’Etat français adoptait une attitude coloniale vis-à-vis d’eux. Insidieusement, les « indigènes » s’attaquaient à la laïcité, affirmant : « Frauduleusement camouflée sous les drapeaux de la laïcité, de la citoyenneté et du féminisme, cette offensive réactionnaire s’empare des cerveaux et reconfigure la scène politique. Elle produit des ravages dans la société française. Déjà, elle est parvenue à imposer sa rhétorique au sein même des forces progressistes, comme une gangrène ». Ainsi, s’opposer à l‘arrogance obscurantiste, qu’on soit simplement laïque ou plus radicalement anticlérical, serait assimilable à du colonialisme… Le sophisme paraît évident. On remarque surtout le procédé qui consiste à culpabiliser tout à fait frauduleusement – on peut le dire – les non-croyants et autres anticléricaux en cherchant à leur faire croire qu’ils sont des colonialistes. La culpabilisation est une manœuvre typiquement religieuse, elle est une des nombreuses raisons pour lesquelles les religions sont à fuir. Disons ici que les anarchistes sont contre toutes les aliénations, qu’elles soient coloniales ou religieuses, et a fortiori sexistes. Tout cela n’est pas étonnant quand on sait qu’à l’origine du manifeste se trouve des personnalités « proches » d’associations religieuses musulmanes. Nombre de personnes, peut-être habituées à signer des pétitions, ont cédé à une apparence de combat de classe dont le fond est beaucoup plus glauque et sent fort le communautarisme musulman. On peut ainsi voir que d'anciens laïques sont maintenant tombés dans une forme de cléricalisme, jouant les « idiots utiles » d’une cause qui n’est pas la leur.
A propos de l’athéologie…
Le livre de Michel Onfray a eu un grand succès, certainement significatif d’un besoin pour beaucoup de se reconnaître dans un discours devenu aujourd’hui très peu visible. Il n’existe pas un « parti laïque » ; pas non plus une émission d’expression non croyante le dimanche matin sur la télévision de service publique… Et il est vrai que l’organisation nommée « Libre Pensée » est devenue un satellite d’une secte trotskiste particulièrement autoritaire, que certains groupuscules athées sont microscopiques et parfois politiquement douteux… La plupart des non croyants sont donc des individus isolés et donc peu à même de défendre les valeurs qui sont les leurs face aux cléricalismes. Mais faut-il pour autant nier la nécessité du combat de terrain ? Qui, par exemple, va tenir tête aux obscurantistes dans les lycées et collèges ? Forcément, les enseignants et les parents. Qui s’opposera aux dérives que l’on peut forcément attendre de la création du tribunaux religieux ? (2) Voilà des lieux du combat antireligieux, voire athée. Oui, mais là il va falloir des forces militantes car concrètement, c’est un rapport de forces qui fera qu’on l’emportera ou pas. Et aujourd’hui, l’obscurantisme se montre capable de s’allier dans sa diversité contre l’ennemi commun : la raison, les mécréants, tous les individus épris de liberté. On a ainsi vu nombre de catholiques défendre le port du foulard islamique. Vouloir déboucher « sur une proposition positive destinée à construire après le combat » (3) est une grande ambition, une démarche indispensable, mais qui va mener le combat préalable tous les jours ? Certainement pas un livre, fut-il « best seller ». Ce livre est utile. Il énonce un certain nombre d’arguments intéressants et surtout relance la conviction que la raison n’est pas l’égale des superstitions et mythologies diverses et qu’elle doit l’emporter…
Pour ce qui est du combat, restons vigilants et travaillons à la mobilisation !
Le Furet
(1) Catherine Kintzler, texte paru dans Archives de Philosophie du droit, Dalloz-Sirey, 2005. Cité par www.communautarisme.net
(2) Tout récemment, le grand rabbin de France, Joseph Sitruk, annonçait la
création d'un tribunal rabbinique national (cf. Le Monde du 26 novembre 2005). Il y a deux mois, des manifestations avaient lieu dans différentes capitales du monde devant les consulats du Canada afin de protester contre les tribunaux islamiques.
(3) Traité d’athéologie, Michel Onfray. Grasset. page 83.