Est-il besoin de revenir sur le caractère dérisoire des élections pour résoudre les problèmes de la société, et à fortiori, pour « changer les choses » ? Certainement pas. Mis à part quelques illuminé-es et profiteurs, on peut faire l’hypothèse que c’est soit par habitude, soit par réflexe, soit par lassitude, soit par manque de perspective,… que la plupart se sont rendus aux urnes… pour voter aussi bien à droite qu’à gauche.
Le
résultat de ces élections présente cependant un intérêt certain, ne serait qu’à
propos de l’état de l’opinion publique, du degré de désarroi, de manque de
perspective et finalement de conscience du plus grand nombre.
LE
MIRAGE JOUE TOUJOURS
Le
« jeu électoral » l’a incontestablement emporté sur l’esprit de
révolte, de contestation, voire de doute et de désespoir. La participation
élevée au scrutin montre, s’il en était besoin, que, dans l’esprit de la
plupart des gens, même parmi une bonne partie de celles et ceux qui contestent
le système, l’élection est et demeure, la seule pratique politique possible
voire souhaitable. Ils ont été d’ailleurs en cela confortés, outre par toutes
les institutions de la République, les médias, mais aussi par toutes les
organisations politiques ayant pignon sur rue, et même par les mouvements alternatifs
et alter mondialistes incapable d’offrir d’autres perspectives que… des
élections, et encore dans une situation ubuesque et catastrophique.
Dans
ces conditions, le « réflexe vote utile » se comprend
parfaitement. En effet, le matraquage inouïe médiatico-politique,prônant une
logique purement électoraliste, logique dans laquelle se sont placés tous les
candidats à l’élection, dans une situation où les jeux sont « en
gros » faits, comment et pourquoi prendre le risque de voter pour des candidats
qui n’ont aucune chance de l’emporter ? Le défoulement du 1er
tour vaut-il le risque de refaire le 21 avril 2002 ? La réponse a
clairement été donnée.
Attitude
d’autant plus compréhensive que cette fois, la présence d’un candidat « anti
système », beaucoup moins sulfureux que le leader du Front National,
pouvait donner l’illusion de dépasser les clivages et d’engager la vie
politique dans une nouvelle logique.
Bref,
tout avait été fait et les conditions étaient idéales pour que les élections
jouent parfaitement de miroirs aux alouettes pour une opinion publique inquiète
et désorientée.
LES
CALCULS STUPIDES DE LA « GAUCHE DE LA GAUCHE »
La
pièce ubuesque jouée par la « gauche de la gauche » ne pouvait
laisser espérer, ou alors il fallait être bien naïf, une prise au sérieux des
élucubrations dans le tragi-comique épisode des « collectifs
unitaires ».
Malgré
cela, la « gauche de la gauche » a eu la prétention insensée de jouer sur deux
tableaux parfaitement incompatibles :
- elle
explique, toutes tendances confondues, à l’électeur que la consultation
électorale est un élément fondamental, sinon essentiel, et axe toute son énergie
et action sur ce processus… que fait-elle d’ailleurs très concrètement en
dehors de la préparation des élections ?
- elle
explique, toutes tendances confondues, que c’est par la mobilisation que l’on
va changer le système…. Quelles mobilisations ? On n’en sait trop
rien !
Entre
les deux : RIEN …
Et
toutes tendances confondues, de s’étonner que le corps électoral réagisse comme
il l’a fait : vote utile et laminage électoral. de toutes ces
organisations. Certes la LCR tire un peu les marrons du feux électoral – il
faut dire que le candidat politico-médiatique avait tout pour attirer… il
disait à peu près les mêmes choses que les autres mais le look était séduisant
en diable. Quant au PC, perclus de rhumatisme politiques et de métastases
réformistes, la chirurgie esthétique à laquelle il a eu recours s’est
transformée en toilette mortuaire.
Si
la « raclée électorale » pouvait servir à quelque chose, c'est-à-dire
à une remise à plat de la réflexion stratégique, il y aurait peut-être un petit
espoir… mais chaque organisation évite soigneusement cette remise en question.
Le PCF prévoit un congrès où vont assurément se régler bureaucratiquement les
comptes entre bureaucrates. La LCR est toute contente d’être la « première
des derniers » ( ?), contente de « faire la nique » à LO et
au PCF et compte ses gains de voix comme l’avare sont or. LO pense qu’elle a
toujours raison et BOVE qu’il est parti trop tard.
Mais
toutes s’entendent pour accuser le « vote utile ».
LA
BONNE EXCUSE DU « VOTE UTILE »
Tous,
à la gauche de la gauche se sentent victimes du « vote utile ».
Ce n’est formellement pas faux. Mais la bonne question serait, quoiqu’elle ne
soit jamais posée : pourquoi cette réaction du « vote utile » ?.
La
réponse pourrait être, et est « officiellement » : pour éviter
un nouveau 21 avril 2002 ! C’est tout de même un peu court comme
explication.
Le
réflexe du « vote utile » n’est en fait que l’expression d’une
impasse politique pour sortir de la situation actuelle. Le piège électoral, magistralement manipulé et
utilisé par les gestionnaires du système, de droite comme de gauche, ne laisse
aucune issue… ou plutôt si, une seule, toujours la même…… le système
« retombe toujours sur ses pieds »… et ce quelle que soit la
configuration électorale… ce qui inéluctablement a pour objectif d’instaurer de
fait un « bipartisme », garantie de stabilité et de pérennité pour le
système marchand. L’aveuglement électoraliste des organisations dites contestataires
et/ou alternatives et/ou altermondialistes, et/ou antilibérales, et/ou
révolutionnaires … fait le reste.
Car,
essayons de raisonner sans a priori !
Personne,
dans ces organisations ne peut imaginer, dans la configuration politique et
sociale actuelle, avoir la moindre chance d’être élu. Qu’est ce qui peut donc alors
motiver et justifier le gaspillage d’autant d’énergie militante et de moyens
pour participer aux élections ?
Deux
raisons sont avancées :
- faire entendre une critique radicale du
système marchand et de ses conséquences,
- se compter.
La
première raison peut se comprendre quoique l’expression de ces organisations
existe en dehors des campagnes électorales – avec évidemment beaucoup moins de
moyens que pour les organisation « officielles ». Mais, ce n’est pas
la première fois qu’elles se présentent et, jusqu’à présent leur discours n’a
pas eu un écho évident… c’est le moins que l’on puisse dire.
La
seconde raison peut également se comprendre à part là aussi, l’expérience
prouve que ce n’est pas le cas… le « vote utile » rendant évidemment caduque
cette raison. Et puis, reste une autre question : se compter, mais pour
faire quoi ?
Ces
organisations de la « gauche de la gauche », à moins d’être d’une
naïveté infinie pouvaient se douter qu’elles seraient finalement contraintes de
se ranger dans le camp, à juste titre honni, de la gauche social libérale…
ce qui est le cas.
A
quoi bon donc s’être présenté ? Il n’y a aucune réponse politiquement
sérieuse et crédible à cette question.
Il
y a pourtant une réponse qui explique bien des choses : l’intérêt de
l’organisation.
Ceci
explique le fait que ces organisations se sont présentées en ordre dispersé,
avec des discours sensiblement identiques
Ceci
explique le marketing politique (quoiqu’elles s’en défendent) utilisé à
outrance… la LCR ayant gagné le concours,
Ceci
explique l’attention toute particulière portée sur le classement entre les
différentes organisations de la gauche de la gauche…
D’ailleurs
ne nous y trompons pas… la prochaine étape pour ces organisations ce sont… les
prochaines élections législatives… ce sera ensuite… les municipales…
Une
fois encore le processus électoral a joué parfaitement son rôle : on est
passé à coté des vrais questions, des vrais débats et rien ne changera dans le
proche avenir.
Le
débat sur la stratégie du changement n’est même pas esquissé. Tous les soit
disant penseurs/leaders politiques, les pieds englués dans le marécage
électoral et le regard braqué sur les prochaines échéances électorales tiennent
une fois encore le même discours. Tout se joue sur l’affect, le look, et disons
le sur … la peur.
Les
conditions sociales, économiques et politiques du changement sont sacrifiées
sur l’autel des enjeux politiciens et bureaucratiques. L’intelligence politique et la volonté
stratégique de changement est une fois de plus effacée par l’enjeu électoral.
Patrick
MIGNARD
Voir
aussi les articles :
« LES
MACHINES A PERDRE »
« CONSTAT
DE FAILLITE »
« LA
CONSCIENCE EN MIETTE »
« SE
REAPPROPIER L’ECONOMIQUE ET LE SOCIAL »
à 15:10