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L'En Dehors


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La démocratie ? J'achète !
La publicité peut-elle vendre un homme politique comme du gel douche ou une boisson rafraîchissante ? Outre-Atlantique la chose est, depuis 1952, malheureusement devenue banale. Eisenhower affrontait cette année-là A. Stevenson pour l’investiture de la Maison Blanche. Le premier choisit d’intervenir dans 49 spots télévisés de moins d’une minute conçus à la manière de messages commerciaux, auxquels son adversaire répondit par des discours d’une demi-heure. Ce fut Eisenhower qui l’emporta, mais sa victoire fut perçue comme celle des agences de publicité de Madison Avenue qui avaient conçu les spots. Depuis le marketing politique n’a cessé de gagner du terrain et les grands candidats aux élections nationales font tous appel à des professionnels pour orchestrer de véritables campagnes publicitaires - en France, c’est depuis 1974 que ce phénomène s’est généralisé. Mais ce n’est pas tout. Une fois installés au pouvoir, les chefs d’États continuent à solliciter les services de conseillers en image afin de tenter de conserver leur popularité. Jacques Pilhan, l’un des plus talentueux parmi eux, travailla successivement pour les Présidents François Mitterrand et Jacques Chirac. Trois ans avant sa mort, Pilhan déplora publiquement l’attitude des élus qui sacrifient de plus en plus leurs convictions politiques à leur popularité. Mais ces scrupules, tous les conseillers en communication politique ne les éprouvent malheureusement pas. George Stephanopoulos, l’un des principaux conseillers de campagne de William Clinton, déclara :

"Peut-être était-il temps pour le Parti démocrate de sacrifier sa pureté idéologique afin de valoriser son potentiel électoral". Certains - de plus en plus nombreux - de ces conseillers en communication incitent donc les candidats à vider leur programme de sa substance afin de valoriser le rôle de la publicité politique. Si le baril est vide, le succès ne repose plus que sur l’emballage. Sergio Bendixen, consultant qui exerce dans les deux Amériques, déclare :

"Les principales questions sociales et politiques sont les mêmes d’un pays à l’autre. Le débat est limité à un espace de plus en plus étroit. Et nous, les Américains, nous sommes les experts des campagnes qui reposent sur peu de chose".

C’est la vacuité des programmes des candidats qui laisse le champ libre au matraquage publicitaire pour décider de la victoire.

Les partis politiques deviennent alors des marques dont le succès ne dépend plus que du budget publicitaire mis en œuvre. L’actuel chef de l’État français est arrivé au pouvoir avec un budget de campagne déclaré de 15 millions d’euros, là où un petit candidat comme Pierre Rahbi dut se contenter de 137 000 €, soit moins du centième. Un milliard de francs aurait été englouti en publicité pour les élections législatives de 1986, soit presque 30 francs par électeur.

Mais qui finance la publicité électorale ? Les entreprises contribuent largement à ces budgets de campagne parce que les élus leur promettent en retour des marchés publics et des avantages légaux particuliers à leur secteur d’activité. En France, ce financement est illégal, mais les lois sont un peu comme les toiles d’araignées : elles arrêtent les petits délinquants mais laissent passer les gros. D’après Éva Joly, plus de 95 % des délits financiers restent impunis. Seuls les pauvres sont donc astreints au respect des lois. Aux États-Unis c’est pire, les entreprises sont tout simplement autorisées à financer la vie politique. Le résultat en est qu’indirectement ce sont elles qui gouvernent. Certains sites Web publient même les montants des contributions des entreprises américaines au financements des campagnes électorales. La campagne électorale de Georges W. Bush eut par exemple pour principaux contributeurs les industriels du pétrole et du gaz, qui versèrent environ trois millions de dollars. Jean-Claude Brisard et Guillaume Dasquié commentent ainsi ce financement :

"Une fois aux affaires, [l’équipe de Bush] s’en souviendra, en décidant par exemple d’ouvrir à la prospection pétrolière les réserves naturelles d’Alaska (le 29 mars 2001) et en rejetant le protocole de Kyoto sur les émissions polluantes, qui déplaît tant au secteur énergétique. Le curriculum vitæ des nouveaux responsables qui servent W. Bush vaut toutes les explications".

Beaucoup des proches collaborateurs de Bush sont en effet liés à l’industrie pétrolière. Bien souvent, ce sont donc les industriels eux-mêmes qui sont nommés au gouvernement en remerciement de leur financement de la publicité électorale. Et le secteur de l’industrie pétrolière n’est pas le seul à bénéficier de cette pratique, l’ancien délégué à l’agriculture du Texas affirme :

“ Ils ont éliminé les intermédiaires. Les firmes n’ont plus besoin de faire du lobbying auprès du gouvernement. Elles sont le gouvernement. ” Dominique Prédali ajoute : Hightower se plaignait du lobbying que faisait Monsanto auprès du ministre de l’Agriculture. Aujourd’hui Ann Venamin, cadre de Monsanto est ministre de l’Agriculture (Source : The Observer, 20/05/01)

Aux États-Unis, les entreprises ont donc acheté la démocratie. Or les intérêts immédiats des entreprises ne concordent pas toujours avec ceux des populations, les gigantesques scandales Enron-Andersen et WorldCom sont là pour en témoigner. Chaque fois que le gouvernement tenta d’instaurer les garde-fous légaux qui auraient évité les conséquences catastrophiques de faillites telles que celle d’Enron, les lobbies industriel l’en empêchèrent. Les grosses entreprises comme Enron exigent par exemple souvent de leurs employés qu’ils investissent l’essentiel de leur capital retraite dans les actions de leur propre employeur. C’est pourquoi lorsque Enron s’est déclaré en faillite, ses employés perdirent à la fois leur travail et tout espoir de retraite. Or une loi, proposée en 1997 par la sénatrice Barbara Boxer aurait pourtant pu éviter ce drame en interdisant d’investir plus de 10 % de son capital retraite dans sa propre entreprise, mais le lobby du patronat s’y opposa vigoureusement et dénatura la loi. Autre exemple, la dissimulation des pratiques frauduleuses d’Enron aurait pu être évitée si la vérification de ses comptes n’avait pas été confiée au cabinet Arthur Andersen qui lui offrait également de nombreux autres services et avait donc intérêt à fermer les yeux sur les fraudes d’un bon client. Le gouvernement avait bien tenté d’interdire aux cabinets d’audit d’offrir d’autres services aux entreprises dont ils vérifient les comptes. Mais le lobby des cabinets d’audit, emmené par Harvey Pitt, parvint à l’en empêcher. En couronnement de ce succès, c’est Harvey Pitt lui-même que W. Bush nomma en 2001 président de l’autorité qui contrôle les marchés, celle-là même dont il venait de faire échouer l’action ! Avant sa faillite, Enron figurait parmi les plus généreux donateurs auprès des deux partis politiques américains. Mais le scandale fut tel qu’en janvier, ces derniers trouvèrent soudain aux dollars d’Enron une odeur de souffre et prirent la décision de s’en débarrasser en les redistribuant à des associations caritatives. Ce n’est pas moins de 380 000 dollars qui furent ainsi redistribués - 280 000 pour les républicains et 100 000 pour les démocrates.

Les anarchistes affirment que si les élections pouvaient changer quelque chose, elles seraient interdites depuis longtemps. Il n’est effectivement pas nécessaire d’interdire les élections pour empêcher le pouvoir de changer de mains : il suffit d’autoriser les entreprises à financer les campagnes électorales, ou de fermer les yeux si elles le font illégalement. En France, ce financement est interdit mais les juges sont dépourvus de tous moyens pour faire respecter les lois aux élus. Lorsque j’étais enfant, on m’apprenait que les privilèges de la noblesse avaient été abolis en 1789, malheureusement ce qu’on raconte aux enfants est rarement exact : comme le dis avec franchise Pierre Botton, l’aristocratie formée par les industriels et les élus demeure au-dessus des lois. Les affaires Elf, Méry, et Clearstream ont révélé l’absence de toute volonté de mettre un terme au financement illégal des partis politiques et aux commissions et rétrocommissions allouées en échange de marchés publics. Eva Joly rapporte que face à un juge, un délinquant ordinaire pris sur le fait finit toujours par reconnaître qu’il a commis un acte illégal, mais un délinquant financier jamais. Les délinquants financiers ne comprennent pas que l’on attende d’eux qu’ils respectent des lois.

Chirac, c’est un président qui est beau, Chirac, le président qu’il vous faut C’était d’ailleurs le sens de la campagne électorale de l’actuel président de la république, qui reposait sur l’impunité zéro pour les petits voleurs de pommes tandis que lui-même échappait aux juges pour de grosses affaires de financements illégaux de partis politiques et de détournements d’argent public. Eric Halphen, Eva Joly, Laurence Vichnievsky les juges dont il avait le plus à craindre, quittaient d’ailleurs opportunément leurs fonctions juste avant la date à laquelle il risquait, en cas de défaite électorale, de perdre son immunité présidentielle. C’est néanmoins lui qui obtint le meilleur score au premier comme au second tour. Nous sommes tous complices. C’est à nous, citoyens, de décider du résultat des élections, d’exiger que les délinquants financiers soient emprisonnés et de rejeter les candidats ne présentant qu’une image et pas de programme. Et surtout d’exiger qu’un plafond suffisamment bas soit imposé aux dépenses électorales pour que la victoire d’un candidat ne puisse plus être déterminée par sa capacité à faire financer sa publicité par ses amis industriels. La démocratie n’est pas à vendre. Nous qui sommes nés dedans, nous ne comprenons pas à quel point elle est fragile. Pour une entreprise, financer un candidat c’est acheter des parts de marchés publics et des avantages légaux. Pour que cet investissement soit sûr, il faut que le vide idéologique soit tel que le choix électoral ne repose plus que sur les budgets publicitaires mis en œuvre. Mais ce vide idéologique ne se fonde que sur l’apathie politique des citoyens qui préfèrent prêter l’oreille à un slogan racoleur qu’à un véritable projet politique. Pour conquérir et défendre la démocratie, des générations entières ont dû se battre et mourir. Nous, pour la préserver, nous n’aurions qu’à réfléchir et nous informer un peu, mais nous ne le faisons même pas.

Philippe LAPORTE

1. Le site de l’American Museum of Moving Image présente une rétrospective des publicités électorales depuis 1952. 2. Serge Albouy, Marketing et communication politique, L’Harmattan, 1994, p. 6 et 7. 3. Jean-Marc et Philippe Benoit et Jean-Marc Lech, La politique à l’affiche, Éditions du May, Paris, 1986, p. 22 à 25. 4. Jacques Pilhan, L’Écriture médiatique dans Le Débat n° 87, Gallimard, novembre-décembre 1995, p. 12. 5. Cité par Serge Halimi dans Faiseurs d’élections made in USA, dans Manière de voir, n° 63, mai-juin 2002, p. 42. 6. Même source, p. 44. 7. Eva Joly, Notre affaire à tous, Les Arènes, 2000, p. 173. 8. Notamment et . 9. Jean-Claude Brisard et Guillaume Dasquié, Ben Laden la vérité interdite, Denoël, 2001, p. 70. 10. Dominique Prédali, Ce Ben Laden quelle aubaine !, Alias etc… 2002, p. 112 et 113. 11. The New Republic, éditorial traduit par Courrier International n° 586 du 24 au 30 janvier 2002 p. 21 sous le titre L’affaire Enron, un scandale éminemment politique. 12. Thomas B. Edsall dans The Washington Post, article traduit par Courrier International n° 586 du 24 au 30 janvier 2002 p. 21 sous le titre Reprenez cet argent que je ne saurais voir ! 13. Pierre Botton, Il y a toujours des complices, Flammarion, 2002. 14. Valérie Lecasble et Airy Routier, Forages en eau profonde, Grasset, 1998. 15. Le Monde des 22, 23 et 29 septembre 2000 ; Le Nouvel Observateur n° 1873 du 28 septembre 2000. 16. Denis Robert et Ernest Backes, Révélation$, Les Arènes, 2001 ; Denis Robert, La boîte noire, Les Arènes, 2002.
Ecrit par libertad, à 22:04 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  marchal
02-12-04
à 22:13

Toujours la même chose : tout a déjà été dit mais il faut se répéter souvent parce que personne n'écoute (G) Voilà un regard contemporain comme j'aime en lire qui montre encore les rougeurs de nos joues. On ne peut se voiler la face : le fait est là.
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