Lu sur
Indymédia Paris : "Jour J, mardi 16 novembre. Dès 13 h 30 une partie de l'équipe marseillaise de CQFD/Le RIRe faisait les cent pas devant la 17e chambre du TGI de Paris, impatiente d'en finir avec la procédure pour diffamation intentée voici un an par la très gourmande Croix-Rouge française (65 000 euros de dommages et intérêts réclamés).
Nous sommes rejoints par notre camarade Berth, venu de Besançon pour essayer de comprendre en quoi ses magnifiques dessins pouvaient constituer un délit de presse.
En plus du staff du journal, une petite tripotée de lecteurs est au rendez-vous pour soutenir notre canard : des militants d'AC !, du collectif anti-expulsions de Paris et de la CNT, notre copine Jeanne-chômeuse-heureuse, des collègues de Co-errances, des membres du MIB, le webmaster de dadaprog.org (voir la dernière chronique d'XXL)... Pas de quoi faire un gros bouquet, mais la fine fleur de la contestation est là.
Quelques minutes avant notre entrée en scène, un groupe d'octogénaires pénètre dans la salle d'audience. La Croix-Rouge aurait-elle appelé ses bénévoles en renfort ?
Fausse alerte : un petit jeune, parapluie au bras, leur explique l'origine du mot « chambre » et ils partent un peu plus loin poursuivre leur visite guidée. De la Croix-Rouge, nous ne verrons que l'avocat, Me Stasi, le président Marc Gentilini n'ayant pas pris la peine de se déplacer.
C'est à nous. Le président du tribunal commence par présenter l'affaire. De voir ces gus en robe noire tourner ostensiblement les pages de notre mensuel au chien rouge donne à la solennité du lieu une petite touche surréaliste.
On n'a pas toujours le lectorat que l'on espère...
La parole est d'abord donnée à Lionel Raymond, directeur de publication du numéro litigieux (et, à ce titre, principal accusé), qui s'étonne que l'on puisse librement critiquer la politique de l'État sans pouvoir manifestement en faire autant avec les organisations humanitaires, auxquelles l'État délègue pourtant des missions de service public.
Louis Bretton, président de l'association éditrice, intervient ensuite pour rappeler la genèse antimilitariste du RIRe et de CQFD, expliquer notre choix de l'ironie comme « arme » dans un combat non-violent, notre indépendance vis-à-vis des logiques commerciales et financières ainsi que notre hostilité aux violences exercées par les appareils policiers et militaires, quand bien même elles se drapent derrière un pansement humanitaire (en l'occurrence, la convention passée entre le ministère de l'Intérieur et la Croix-Rouge française pour « l'accompagnement » des groupes d'étrangers expulsés par avion).
C'est au tour de l'avocat de la Croix-Rouge, qui déclare que l'article et les dessins incriminés sont « méchants ».
La salle, compatissante, rigole doucement, ce qui lui vaut un avertissement du président. Le gendarme de service se met alors à faire du zèle et réprimande discrètement mais fermement tout individu pouffant à l'écoute de la plaidoirie. Me Stasi reprend un à un les passages mis en cause, les qualifiant de « diffamatoires » et « attentatoires à l'honneur et à la considération de la CR et de son président ».
Quant aux dessins, il les trouve « orduriers », ce qui fait marrer Berth... Pour finir, l'avocat de la CR s'énerve, sans grande conviction : « On nous fait un procès d'intention, celui de vouloir faire disparaître un petit journal. » Il fait référence à l'équipe de France 3 venue l'interviewer sur le sujet.
Et il termine en citant une phrase tronquée d'Olivier Cyran, de la rédaction de CQFD, extraite d'un article de Politis du 4 novembre : « Nous pouvons comprendre que la Croix-Rouge estime son honneur bafoué ».
Par son accompagnement de la politique répressive de l'État, il y a de quoi... Mais sorti du contexte, cela ne plaide pas en notre faveur. Madame le procureur prend le relais en dénonçant « l'absence de sérieux de l'article ». L'argument de la « bonne foi » ne peut donc, à son sens, être retenu.
Ça commence à se corser quelque peu. Quand elle qualifie les dessins de « bêtes et méchants », Berth sourit, la comparaison n'étant pas déplaisante. Point positif : elle ne requiert ni amende ni condamnation.
La conclusion revient comme de juste à notre avocat, le talentueux quoique bénévole Emmanuel Nicolino.
Avec une éloquence non altérée par de mesquines préoccupations d'honoraires, notre bavard démonte le « système interprétatif paranoïaque » de la partie civile, sa grille de lecture empreinte de susceptibilité mal placée.
Quant aux dessins, argue-t-il, ils sont d'autant moins diffamatoires qu'ils ont « loupé le coche ». Berth ne rit plus du tout. Pour notre bavard, la faible diffusion de CQFD (le numéro poursuivi a été vendu en kiosque à 1 200 exemplaires) est sans proportions avec le préjudice moral revendiqué par la partie adverse et rend parfaitement délirant le tarif de 65 000 euros.
Emporté par sa démonstration, notre camarade Nicolino est allé jusqu'à qualifier notre mensuel de critique sociale de « tract confidentiel » et à alléguer le faible soutien dont nous disposerions, la salle n'étant qu'à moitié pleine... Il a souligné en outre que si Gentilini se sentait bafoué à hauteur de 30 000 euros, il aurait pu au moins faire le déplacement...
Nous distinguant de Voici et autres Gala, il a fait remarquer que nous n'avions pas porté atteinte à sa vie privée. Me Nicolino a donc demandé la relaxe ou, au pire, l'euro symbolique. Jugement et résultat des courses le 11 janvier...
L'équipe de CQFD
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