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Lu sur : Alternative Libertaire.be (N° 204 Mars 1998) « C'est sans doute ce qui paraît le plus invraisemblable et irreprésentable à beaucoup de monde.
L'orientation sexuelle est en effet considérée le plus souvent comme naturelle et définitive. On est tout simplement hétéro, homo ou bi.
Pourtant, même le très patriarcal Freud a découvert que l'être humain est "pan-érotique" et que son expérience ne se limite jamais à un seul courant sexuel. L'attirance sexuelle, érotique ou affective peut aussi évoluer au gré des circonstances. La meilleure preuve en est le séparatisme lesbien des années 60-70. Les femmes ont voulu réfléchir ensemble à propos de la féminité et du féminisme ; elles ont partagé de plus en plus d'aspects de leur vie et elles sont même devenues amoureuses d'autres femmes, alors que jusque là, elles avaient mené une existence exclusivement hétérosexuelle. Des hétéros sont devenues lesbiennes ou bisexuelles.
Pour moi, c'est la preuve de la mutabilité de l'orientation sexuelle.
Mais pourquoi faudrait-il remettre en question son orientation sexuelle ? Qu'y a-t-il de mal à ne pas se sentir multiple ou divisé ?
1. L'exclusivité du choix d'objet n'est qu'une apparence et c'est une limitation de l'expérience de vie.
2. Elle conforte la différenciation des rôles sexuels. Aussi longtemps qu'il y aura des homos et des hétéros, les catégories "homme" et "femme" continueront à exister. Idéalement, une société anarchiste consiste en des individus qui se développent librement et qui choisissent librement, parmi tous les possibles, des attitudes, des sentiments, des opinions sans se soucier de la présence du pénis ou du clito. Il n'y a pas de raison défendable pour sélectionner ou éliminer, à partir des caractéristiques biologiques, certaines constructions sociales, psychiques, affectives. Dans une société idéale, le sexe biologique a aussi peu d'importance que la couleur de la peau, la taille ou le poids.
3. Au contraire, l'orientation sexuelle limitative fonctionne comme une défense et une conservation efficace de la structure patriarcale [...]
Il résulte de l'expérience d'un certain nombre de femmes bisexuelles que leurs relations avec les femmes et les hommes les rend plus fortes face aux hommes. Il est davantage possible pour elles de démasquer les conditionnements et de lutter contre eux, par exemple occuper plus de place, s'opposer davantage, ne plus s'effacer, prendre davantage la parole...
Ce n'est pas pour rien que le féminisme radical a conduit beaucoup de femmes vers une
pratique homosexuelle. En effet, le patriarcat signifie pour la femme se trouver isolée dans une relation individuelle avec un homme particulier et cette relation est déterminée par une structure de pouvoir qui est inégalitaire [...]
Mon plaidoyer pour la ressemblance et l'égalité bisexuelles dépasse le cadre de la pratique sexuelle avec des hommes et des femmes. C'est un effort pour rendre les relations et les contacts avec les personnes des deux sexes plus variés, plus riches, plus profonds. Pour apprendre à briser les rôles sexuels. Pour reconnaître, démonter les structures de pouvoir entre les hommes et les femmes et les transformer en relations égalitaires.
(Extrait de : « HOMMES/FEMMES - L'expérience anti-patriarcale)
Léo Vidal
La bisexualité, une sexualité à part entière
Lu sur : E-santé « Souvent, la bisexualité est pressentie par l’individu dès son adolescence. Il comprend alors qu’il est attiré à la fois par les hommes et par les femmes. Ainsi, pendant des années, il se trouve dans le doute, se demandant s’il est hétérosexuel ou homosexuel. Durant cette période, il vit alors des expériences sexuelles avec les deux sexes. Et souvent, il se sent dans l’obligation morale et sociale de faire un choix, celui de l’hétérosexualité, voire de l’homosexualité, plus facile encore à assumer que celui de la bisexualité.
La bisexualité, une sexualité taboue
Les bisexuels vivent souvent leur orientation sexuelle, à l’insu de leur plus proche, dans l'ombre. La bisexualité est en effet très mal acceptée. Il s’agit d’une sexualité qui suscite un trouble tel qu’il n’est pas rare que les personnes bisexuelles soient considérées comme « anormales », « obsédées » ou « incapables de fidélité ». Les « bis », comme ils se désignent parfois, tendent à véhiculer un fantasme de dangerosité, qui désigne souvent des modes de vie ou de pratiques (par exemple, la prostitution ou l’échangisme) vécues comme pouvant porter atteinte à l'intégrité de l’identité hétérosexuelle. De fait, la majorité des bisexuels se cachent et seules les personnes ayant une relation intime avec eux, en ont connaissance.
La bisexualité, une sexualité de l’ombre
Les individus qui se disent ouvertement bisexuels sont rares. Contrairement à l’homosexualité qui est progressivement reconnue comme une véritable identité sexuelle et qui bénéficie aujourd’hui d’une certaine reconnaissance sociale, la bisexualité reste une réalité vécue de manière souterraine. Dans certains pays, comme en France, en Suisse ou au Canada, des bisexuelles tentent de se regrouper en associations pour mieux se faire accepter. Ces groupes sont alors considérés comme « phénomène de mode » ou taxés d’excentricité sexuelle.
A l’origine, nous sommes tous bisexuels...
Des enquêtes réalisées dans la population générale nous apprennent qu’entre 30 à 40% des adultes reconnaissent avoir partagé des relations sexuelles avec les deux sexes ou avoir été attiré par les deux sexes. Notamment au cours de l’adolescence, période marquée par la recherche d’une identité sexuelle. Potentiellement, nous portons tous en nous une possibilité d’orientation sexuelle, vers l’hétérosexualité ou vers l’homosexualité et en ce sens, nous sommes tous bisexuels…
La bisexualité, une sexualité en soi
Pour le sexologue et psychologue Michel Campbell « la bisexualité est bel et bien une orientation sexuelle en soi. Et les bisexuels ne sont pas différents des hétérosexuels en ce qui concerne la fidélité ou la promiscuité ». Selon lui, il faut voir la bisexualité comme l'expression d'une grande diversité sexuelle chez l'être humain. D’ailleurs les bisexuels sont sans doute plus nombreux qu’on ne le croit … Le rapport Janus publié en 1994, fruit d’une étude sur la sexualité des Américains, nous apprends même qu’il y aurait plus de bisexuels (5% des hommes et 3% des femmes) que d'homosexuels (4% des hommes et 2% des femmes).
La bisexualité, une sexualité pas nécessairement une identité
La question qui se pose en fait avec la bisexualité est de savoir s’il s’agit d’une modalité de pratique de sexuelle ou bien si elle constitue en soi une véritable identité sexuelle. Les bisexuels ont la réponse. Dans le « Manifeste français 2002 des bisexuelles et des bisexuels », ils déclarent : « La bisexualité est un sentiment d'être au monde avant d'être un style de vie (…) Parmi nous, certains (nes) vivent leur bisexualité comme un choix, pour d'autres elle va de soi. Ce que nous partageons, c'est la volonté de l'assumer ».
Catherine Feldman
Pour en savoir plus
Bisexualité : le dernier tabou ? par Rommel Mendès-Leite, Catherine Deschamps et Bruno-Marcel Proth, Editions Calman-Levy, 2002.
Sommes-nous tous bisexuels ?
Cy Jung commente les propos tenus sur France Info par un psychanalyste.
Lu sur : Média G « Plus d’un siècle après l’introduction dans le lexique du terme Bisexualité (Le Robert l’atteste en 1894), les apports de Darwin, Fliess, Weininger, Freud et consorts, Gilles Allais pose sans complexe la question sur France Info [13/10/02] : « Sommes-nous tous bisexuels ? » Jean-David Nazio, psychanalyste, répond : « Du point de vue psychanalytique, à la naissance, nous [le] sommes tous. » Voilà, c’est dit, et d’ailleurs largement admis, au moins quand cette bisexualité est synonyme de Bisexualité psychique, c’est-à-dire définie comme l’existence en chaque individu de « dispositions sexuelles à la fois masculines et féminines qui se retrouvent dans les conflits que le sujet connaît pour assumer son propre sexe. » [Laplanche & Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, (1967)]
En clair, chacun de nous comporte un masculin et un féminin dont l’un est dominant, de préférence, pour la psychanalyse, celui en accord avec le sexe de nos organes génitaux. La bisexualité serait donc, dans ces conditions, quelque chose qui aurait à voir avec l’identité sexuelle de l’individu. Serait… Aurait… Jean-David Nazio infirme cette proposition : « On ne peut pas dire que [la bisexualité] soit une identité » Y aurait-il alors, à côté de la Bisexualité psychique une bisexualité « organique » qui cette fois s’apparenterait à une orientation sexuelle au même titre que l’homosexualité et l’hétérosexualité ? Cela semble incontournable, les bisexuels, en tant qu’individus susceptibles d’éprouver du désir pour des personnes des deux sexes, existent même si, rappelle Catherine Deschamps [Le miroir bisexuel, Balland (2002)], la tendance à nier leur existence est un phénomène récurrent.
La question devient : mais pourquoi ? Pourquoi est-il si facile d’admettre la Bisexualité psychique et si difficile de reconnaître l’orientation sexuelle bisexuelle ? Pourquoi Jean-David Nazio, qui fait montre d’une large ouverture d’esprit, consacre-t-il près de la moitié de son entretien sur France Info à vouloir nous démontrer que la bisexualité « le plus souvent masque le véritable désir homosexuel » ? La réponse me paraît évidente : notre société pense le genre (et la sexualité) de manière binaire sur fond de morale dualiste ; homme/femme ; hétéro/homo ; bien/mal… Ce schéma ne laisse aucune place aux « entre-deux », trans, bis ou… Comment nomme-t-on ce qui n’est ni bien, ni mal ? Le mieux ? Ah non ! ma biphilie a ses limites. »
Cy Jung
Lire aussi : Identité et pratiques bisexuelles